Test Aumérine Lefèvre

La porte claque rageusement. Tournant le verrou immédiatement, la jeune femme a un moment de vertige. Un coup sur la porte, et la voix de sa mère.

"Ouvre cette porte tout de suite, Aumérine! Je t'interdit de me parler sur ce ton!"

L'ordinateur est allumé, elle n'a qu'à effectuer 2 clics pour que la musique couvre les cris de sa mère. Et là, seulement, elle se laisse aller au doute, à la peur. Recroquevillée au pied de son lit, elle n'arrive plus à faire barrage.

*J'aurais pas du lui en parler. Maman a raison. S'il ne m'aime pas? S'il me rejette? Je serai seule. Est-ce que j'ai assez d'argent pour aller le voir là bas? Je ne peux pas lui demander de m'aider, j'suis pas comme l'autre! Pour ça qu'il l'a quitté moi il m'aimera? J'fais pas exprès d'être comme ça, il comprendra? c'est héréditaire... Maman me déteste. La psy a dit que je devais me faire une idée toute seule!*

Comme des tonnes de petites voix parlant en même temps, ses pensées fusent et rebondissent sur son cerveau, l'embrouillant d'autant plus qu'elle n'arrive pas à reprendre le contrôle dessus. Les larmes coulent, et elle a l'impression d'être, encore une fois, au centre de sables mouvants d'incertitudes que ses pesées ne font qu'amplifier à l'infini.

Il lui faut quelques minutes pour s'accrocher à la musique, ralentir ses pensées doucement, reprendre un rythme "normal". Normal pour les autres, peut-être, mais pas pour elle. Elle est née comme ça, trop rapide à comprendre, trop rapide à ressentir. Si elle s'interroge franchement, elle sait très bien qu'elle idéalise probablement son demi frère. Lorsque la psychologue a voulu l'en avertir à mot couverts elle l'a coupé et l'a rassurée sur ce point.

"Je sais. Il a au minimum dix ans de plus que moi, et ne sait probablement pas que j'existe et il a sa vie à lui aussi. Mais j'ai 17 ans, j'ai des problèmes au lycée, ma mère ne comprend pas comment ça se fait alors qu'elle m'a pourtant bien élevé, et puisque le problème ne vient pas d'elle, il vient forcément de moi, et son copain du moment lui explique régulièrement que je suis inadaptée sociale... Alors je sais que j'affabule probablement, mais laissez moi au moins ce frère qui ne me connait pas. Et puis vous l'avez dit vous même, s'il y a un enfant dans la famille, les autres aussi souvent... Il saura peut-être ce que c'est de grandir en étant neuroatypique!"

Cette conversation, elle l'a eu il y a à peine quelques jours. Et là, ce matin, une réponse. Se redressant doucement elle revient sur l'ordinateur. Un réseau social s'y affiche, un de ces trucs de CV en ligne. Elle l'a trouvé en suivant assidument son père, seule piste dont elle dispose. Et parmi sa liste de connaissance, un fossoyeur de Togi. Un fossoyeur qui porte le même nom que son père.