Broken wing [Alyssia]

Hybride F - Sentinelle	Vika	Age : 32

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			Lun 26 Mar - 13:55

Rafistolage.

Vika perdait rarement. Pour plusieurs raisons, qui n’avait pas forcement à voir avec elle. Certes, elle se débrouillait bien, et elle avait bâti sa réputation première sur ses premières victoires. Et c’est cette réputation qui avait placé Vika sur ce piédestal, celui qui disait qu’elle était la meilleure combattante de Johan. Par conséquent, les maîtres les plus stratèges évitaient de mettre leur meilleur élément pour tenter de la battre, préférant tenter de gagner ailleurs. Quand on joue son influence et son argent, on préfère maximiser ses gains, et affronter Vika était un risque certain. Mais parfois, l’arrivée d’un nouvel hybride dans les combats mettait à mal cette réputation et il lui arrivait de perdre. Et c’est Johan qui évitait alors de lui faire réaffronter l’hybride jusqu’à ce que Vika se sente prête à prendre sa revanche. Car elle détestait rester sur une défaite. Cela lui en valut plusieurs, de retourner au front ainsi, et quelques pertes de pari du côté de Johan, mais c’était un penchant qu’il lui pardonnait car sur le long terme, il y gagnait, et les rivalités entre hybride que le tempérament de Vika créaient étaient un spectacle supplémentaire qui en ajoutait à la qualité du spectacle.

Vika perdait rarement. Mais hier elle avait perdu. Pas le combat, mais une partie de sa superbe. L’extrémité de son aile gauche qui pendait mollement sur le côté en était la preuve. Il était rare qu’on y touche, mais c’était une partie sensible de son anatomie qui offrait parfois un avantage à l’adversaire qui savait l’exploiter. La jeune rongeur qui l’avait affrontée n’avait pas hésité et avait tenté de la contraindre à l’abandon, lui saisissant l’aile et forçant sur l’os fragile. Mais Vika n’abandonnait jamais. Elle avait donc forcé l’échange, en sachant pertinemment que cela allait lui attirer des ennuis. La demoiselle corbeau doutait cependant que son adversaire ne retente une telle vilénie avant longtemps.

Malheureusement, ce soir-là, ce n’était pas Johan mais son contremaitre qui s’occupait de son roster de combat. Et il ne l’aimait pas beaucoup et ils avaient un passif tacite qui réduisait leurs relations au strict nécessaire professionnel. Les quelques vétérinaires dans le secret n’avait pas eu le temps de s’occuper d’elle, car il y avait des blessés plus grave encore dans les catégories supérieures à la sienne. Alors la nuit fut courte, autant car elle avait commencé tôt dans la matinée, mais parce qu’il était difficile de dormir avec une fracture laissée telle quel. Johan étant en voyage, et le contremaitre ne s’occupant pas d’elle au point de l’emmener se faire soigner, elle allait devoir se débrouiller seule pour cette fois. Elle était pucée et il lui restait assez d’argent pour se trouver quelqu’un pour s’occuper d’elle.

Enfin, c’est ce qu’elle croyait. Les soins étaient chers et elle n’avait rien trouvé de la journée, alors qu’elle arpentait les rues de la ville en grinçant des dents. Elle manquait de provision et elle était trop fière pour demander l’appui du contremaitre. Et elle pouvait difficilement passer une nuit supplémentaire dans cet état. Ne lui restait qu’une solution de secours : l’université.

Il avait plein d’étudiants en soif d’apprendre là-bas, et c’était sa seule chance d’être soignée à moindre frais. En contrepartie, elle risquait de tomber sur un clampin qui lui ferait mal. Mais ça, c’était le cadet de ses soucis, tant qu’il faisait ça correctement. Et comme il y avait quand même un professeur, elle risquait juste d’avoir un peu mal pour une réduction de fracture et une attelle digne de ce nom.

Heureusement pour elle, ce qu’il restait sur son petit compte était suffisant pour avoir droit aux soins étudiants. Elle allait juste devoir patienter jusqu’au commencement de la partie pratique de celui-ci, être obéissante et de ne parler que si elle y était invitée. Vika ne dit rien mais n’en pensa pas moins. Elle était bien éduquée, elle ne posait jamais de problème. On lui fit tout de même passer une radiographie histoire qu’un professeur soit certain que le cas relevait de ses étudiants et qu’il était exploitable en pratique. N’étant pas bien méchante, c’était le cas. Sinon, elle aurait du passer par des moyens normaux, le lendemain…

Assise dans le couloir non loin de la salle, elle entra quand on lui demanda de le faire. Par commodité, elle ne s’était pas habillée de façon tape à l’œil, et tout ce dont on se souviendrait d’elle, c’était surement ses ailes, d’autant que celle cassée faisait peine à voir. On la fit s’assoir sur un tabouret, alors que les radios étaient affichées sur le tableau (ou projetée, selon comment tu vois la chose) derrière le bureau. Docile, Vika ne put s’empêcher de scruter les gens dans la salle, s’interrogeant sur leurs motivations. Y avait-il un réel amour animal, et donc par extension, hybride ? Ou simplement l’appât du gain ? Elle l’ignorait, et fut tirée de ses observations par la douleur insidieuse de la petite seringue dans la peau de son aile, qui la fit grimacer. Elle avait droit à une petite anesthésie puisqu’elle allait être surement longuement manipulée. Le vrai cours allait pouvoir commencer.

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		Lun 26 Mar - 16:01

Ft. Vika

Broken Wing

Je sors de ma voiture qui est garée sur le parking de l’université, il est temps d’aller dans la salle pour le cours du soir. Je me suis reposé dans la voiture comme à mon habitude pour rester attentive lors du cours, après une journée de travail ce n’est pas facile de rester concentré mais ce n’est pas pour ça que je vais me laisser abattre. J’ai pris la décision de suivre ses cours alors je vais le faire jusqu’au bout et réussir à passer les tests pour pouvoir avec les qualités d’un vétérinaire multi activité sur cette île.

Le bruit de mes petits talons résonne dans les couloirs, comme d’habitude, à cette heure-ci il y a moins de monde. J’entre dans la salle de cours et salue le peu de personnes qui sont présentes avant de m’installer seule sur une chaise proche du professeur. Je n’ai pas envie d’être dérangé, je m’installe près pour bien entendre le cours. Je sors mon petit cahier et un critérium pour prendre des notes.
Le cours commence et je prends précieusement des notes sur la théorie qu’il nous donne. Je remettrai tout au propre sur mon ordinateur en rentrant chez moi, je ne veux pas perdre le cours qui nous est donné, ça peut toujours être utile pour plus tard. À certain moment ses cours ressemblent beaucoup aux années que j’ai effectué à l’université de médecine en Amérique ce qui me donne un avantage. Même si certains mots sont compliqués à comprendre puisqu’ils ne sont pas donnés dans ma langue natale ou en anglais, mais je ne me gêne pas pour demander au professeur de l’écrire au tableau et d’en demander une traduction. J’ai appris les bases de la langue avant de venir et aussi tous les termes importants pour mon travail de vétérinaire mais, même après un an ici, il y a quelque terme qui m'est encore inconnu ou compliqué à déchiffrer. D’un autre côté cela m’arrange, qu’il soit donné dans la langue d’ici puisque ça me permet d’en apprendre beaucoup plus.

Le professeur projette au tableau une radio peu habituel. Il est rare qu’on nous présente ce genre d’hybride. On n’a des races beaucoup plus classiques qui passe dans nos mains. Ce cours va être vraiment intéressant, une aile à guérir va être compliquée, je ne vois pas comment on peut placer une atèle ou quoi que ce soit d’autre sur un membre aussi fragile et aussi grand. C’est tout de même bien diffèrent que guérir un petit oiseau.
Le professeur nous parle des différentes parties de l’aile, ce qui en soi ne diffère pas d’un animal classique. Après ça il demande à l’hybride d’entrer dans la pièce, je la regarde marcher avec mon regard froid habituel, une fois assis cet dernière ne se gêne pas pour nous regarder à son tour.
Le professeur nous explique qu’il va lui faire une piqure pour anesthésier l’aile qui va être manipulée et que cela va prendre quelques minutes pour faire effet puisque c’est tout de même une partie assez grand du corps de cet hybride. En attendant que l’anesthésie fasse effet il nous projette différentes images d’atèles possible et de matérielles qui peut être utilisé pour en fabriquer sur mesure et sur place. Je ne sais pas si j’aurais les moyens d’acheter autant de matériel, il faudra que j’achète petit à petit.

Le professeur vérifie auprès de l’hybride que l’anesthésie a bien fonctionné dans toute son aile. Et il demande à un volontaire de s’approcher pour le faire avec lui. Bien sûr je me porte volontaire, c’est un cas qu’on n’aura peut-être pas une nouvelle fois et le meilleur moyen d’apprendre et de le faire soi-même. Je me lève donc et rejoins le professeur à côté de l’hybride en ne bloquant pas le visuel aux autres personnes de la salle, enfin autant que je peux le faire.
Le professeur nous explique qu’il faut toucher délicatement l’aile pour trouver où se situe la fracture sans la fragilisé encore plus. Je manipule donc doucement l’aile de l’hybride présent en passant dans son dos.

« Je ne pense pas que ce soit une fracture mais une fissure » dis-je au professeur.

Il vient vérifier mon résultat qui bien sur était le bon. Je suis assez fier de moi mais rien ne l’indique sur mon visage. Ma curiosité prend le dessus et je ne peux m’empêcher de venir devant l’hybride pour poser la question moi-même.

« Est-ce que je pourrais savoir comment tu t’es fait ça ? » dis-je toujours avec mon regard froid habituel et sans sourire.

Elle va surement me mentir mais si elle me dit la vérité je pourrais réagir bien plus vite la prochaine fois qu’un cas de figure similaire apparaîtra de nouveau. Ça me fait tout de même bizarre de parler à un animal mais puisqu’ils en ont la capacité autant en profiter.

Jeu du docteur.

La jeune hybride corbeau était assez satisfaite de voir qu’elle était, d’une certaine manière, au centre de l’intérêt. Elle ignorait cependant si cela était dû à son espèce ou simplement la motivation générale de la classe. Les muscles de son aile se relâchèrent petit à petit et Vika n’était plus capable de la maintenir droite, avec seulement ceux à la base de celle-ci. Au moins, elle n’avait plus mal.

Le professeur demande un volontaire. Mais ce sera une volontaire. Tant mieux. C’était peut-être psychologique, mais elle préférait le toucher des mains d’une demoiselle quand il s’agissait de prendre soin d’elle. Sans sous-entendu aucun. Le souci n’est pas difficile à retrouver, à la fois grâce à la radio, et par l’aspect enflé de la zone. Vika ne retient pas le soupir de soulagement en entendant que ce n’était qu’une fissure. Elle serait sur pied plus rapidement qu’elle ne l’aurait cru. La demoiselle semble savoir ce qu’elle faisait et son affirmation ne tomba pas à côté, ce qui conforte Vika dans la confiance qu’elle pouvait lui accorder.

Néanmoins, celle-ci revient devant elle pour lui parler. Et lui poser la question fatidique. Question à laquelle Vika avait eu le temps de préparer son discours. Elle avait d’abord voulu mentir, puis s’était ravisée en se disant que c’était une mauvaise idée quant aux soins qu’on pourrait lui apporter en conséquence. Alors elle n’allait pas mentir pour l’origine de la blessure. Les circonstances, c’était une autre histoire.

« On m’a fait ça. Je fais des arts martiaux en club. L’affrontement amical a un peu dégénéré et mon adversaire m’a saisi cette partie –elle pointa du doigt la zone enflée- tout en faisant pression sur l’articulation à côté. J’ai forcé pour me dégager. L’entraineur a dit que c’était cassé. Il y a mis un peu de glace mais ça n’a pas beaucoup aidé à désenfler.»

Elle n’avait pas indiqué de date exacte, mais si elle était assez douée, elle pourrait voir que ça datait de quelques heures. De ce matin donc, sans pour autant deviner que le combat était nocturne. La demoiselle ébène espérait surtout qu’on ne lui demande pas de montrer autres choses que ses ailes, bien qu’elle en doutait de toute façon. Elle avait d’autres marques sur le corps qui attestait de la violence de ses derniers combats qu’elle pourrait difficilement justifier par un simple club de combat. Enfin, sans porter un certain discrédit sur son maitre, ce qu’elle ne voulait faire en aucun cas. Et même s’il était relativement accepté qu’on puisse frapper des hybrides, mentir sur une possible maltraitance pour cacher les combats clandestins n’était pas en accord avec l’image raffinée du vendeur d’hybrides rares.

« D’habitude, si un genre d’incident arrive, mon maître m’emmène en clinique, mais il n’est pas là en ce moment, et je n’avais pas d’autres choix que de venir ici. »

Elle était restée factuelle. Celle qui s’occupait d’elle n’était pas très chaleureuse, alors elle avait calqué son attitude sur la sienne, allant à l’essentiel. Vika ne savait pas si elle était comme ça avec de vrais animaux aussi ou si c’était uniquement avec les hybrides. C’était nouveau pour beaucoup de monde, et si elle-même ne se considérait pas comme très différente des humains, ce n’était pas dans l’esprit de tout le monde. Une réalité qu’elle avait accepté à moitié.

Ft. Vika

Broken Wing

Je regarde l’hybride fixement l’hybride lorsqu’elle répond à ma question, aucune de mes réflexions ne se reflète sur mon visage.
Un affrontement amical ? Même si ça a dégénéré, l’entraineur aurait dû arrêter l’entrainement bien avant que ça arrive. La glace aura évité que ça ne gonfle plus mais avec ce genre de blessure il faudra un peu de temps avant que ça ne dégonfle. Surtout que le bout de l’aile a dû appuyer sur la blessure en pendant comme elle le fait. Dans tous les cas ce n’est pas mon problème.

L’hybride reprend en parlant de son maître. Quel genre de propriétaire laisse son animal seul chez lui comme ça sans personne pour s’en occuper ? Et il la laisse sortir et aller s’entrainer seul, l’entraineur aurait dû appeler son propriétaire, je ne comprends pas l’état d’esprit de cette île mais si c’était le mien je ne le laisserai pas sans surveillance et ça se passerait assez mal pour la personne qui aurait blessé mon animal. Si on considère l’heure qu’il est, elle peut avoir des problèmes dans la rue, en dehors des rabatteurs je ne sais pas s’ils ont un système de fourrière. Dans tous les cas, je n’aimerais pas retrouver le mien là-bas il serait mis à l’eau et au pain sec pour avoir trainé la nuit. Enfin il faut encore que je trouve le temps d’aller en adopter un. Je ne sais pas si ça va être plus difficile que d’avoir un animal normal mais j’ai vraiment envie de les comprendre et de savoir pourquoi ils sont aussi populaires.

Après de longues minutes de réflexion où le silence s’est abattu dans la salle, le professeur casse le silence en prenant la parole.

« A votre avis que faut-il faire ? »

Si ça avait été un simple oiseau j’aurais bandé son aile et je l’aurais mis dans un coin calme pour qu’il puisse se reposer mais là son aile est bien plus grande je ne peux pas juste lui mettre un bandage.

« Je pense qu’il faut lui mettre une atèle qu’elle devra garder peut-être trois ou quatre semaines, et une radio devra être de nouveau effectué pour voir si ça c’est bien reconstruit. »

« Bien mais au vu de la fracture c’est six à sept semaines qu’elle devra la garder. »

Le professeur explique pourquoi elle devra le garder 6 semaines, une fracture est moins grave que si l’os était totalement cassé mais il ne faut pas prendre de risque en fonction de l’état de l’os il peut-être plus ou moins long à se réparer.
Mais le réel problème qui me vient à l’esprit c’est que, à ce que j’ai compris, personne n’est présent pour prendre soin de cet hybride. Elle va avoir besoin de quelqu’un pour prendre soin d’elle, une atèle ne peut pas aller sous l’eau, et je pense qu’elle se lave.

Le professeur nous explique comment crée une atèle fait sur mesure. Et que c’est compliqué de faire autrement avec les hybrides puisqu’ils sont tous différents et que les formes de leurs membres sont trop différentes. Je n’ai bougé de ma place à côté de l’hybride que pour prendre des notes mais je suis vite revenue à ses côtés, j’ai aussi envie d’essayer de mettre cet atèle je ne veux pas que quelqu’un d’autre le fasse à ma place et le professeur en me fait aucune réflexion, il connaît ma détermination
Le professeur quitte la salle quelques minutes pour aller dans la salle où le matériel est stocké. J’en profite pour parler avec cet hybride et nourrir ma curiosité.

« Ça ne te gêne pas que ton propriétaire te laisse seule ? » dis-je avec le même ton qu’auparavant. « Pourra-tu t’occuper seule de ton entretien avec ton atèle ? »

Jeu du docteur.

Le mensonge semblait être accepté par la vétérinaire. Elle avait juste besoin des faits et pas forcément des circonstances, si bien qu’elle ne poussa plus ses investigations, ce qui arrangeait bien la demoiselle corbeau. Le silence se fait alors que la demoiselle réfléchit aux actions à mettre en place, sous l’œil scrutateur de son professeur. Vika prit donc son mal en patience et laissa faire leur travail à ses gens.

Le professeur finit par demander à la demoiselle ce qu’elle comptait faire pour soigner l’aile de la jeune hybride, et les durées annoncées font s’assombrir le visage de la jeune hybride. Voilà qui allait contrarier Johan. Six à sept semaines avec l’attelle, soit six à sept semaines sans combat, s’en était presque dramatique. Cela dit… elle n’avait pas besoin de son aile pendant les affrontements et pouvait toujours l’immobiliser contre son dos, même si elle serait moins efficace bien entendu et devrait faire attention à ce que cela ne se reproduise plus. Elle devrait faire quelques essais, mais elle ne pouvait pas en demander plus ici. Il faudrait qu’elle demande aux soigneurs des soirs de combat.

Le cours repris, et Vika écouta, au même titre que les autres. Après tout, c’était de son cas que l’on parlait et elle pouvait toujours en tirer un certain enseignement. La demoiselle volontaire était retournée à sa place pour reprendre des notes, mais elle revint sitôt le professeur partit chercher du matériel. Au moins, on ne pouvait pas dire qu’elle manquait de motivation pour travailler. Elle reprit ses question cependant, mais sur des sujet moins délicat, auxquels le corbeau répondit volontiers.

« Non ça ne me gêne pas, j’ai l’habitude. L’un des avantages des hybrides par rapport aux animaux est bien leur capacité à se débrouiller seul un minimum, alors il n’hésite pas à partir s’il en a besoin. Et puis je ne suis pas toute seule à la maison. Il y a d’autres hybrides, et quand il n’est pas là, il laisse la maisonnée en charge d’un de ses employés humains. Mais la personne en question ne m’aime pas beaucoup, alors j’ai dû me débrouiller toute seule pour m’éviter les problèmes. Ce… soucis mis à part, ce n’est pas grave qu’il s’absente. Je préfère quand il est là, bien entendu, mais que je conserve mes autorisations de sortie pendant son absence est la plus belle preuve de confiance qu’il puisse me faire.»

La non plus, elle n’avait pas besoin de mentir. Le contremaitre pouvait l’accuser de n’importe quoi, elle pouvait difficilement se défendre de par son statut, même si Johan lui apportait un certain crédit. Elle préférait donc se faire soigner par ses propres moyens plutôt que de devoir se plaindre de lui. Par prudence. Surtout si c’était pour risquer une vengeance par la suite.

« Du coup, on pourra m’aider avec l’atèle. Si c’était l’eau qui pose problème, j’évite de passer mes plumes sous l’eau de la douche, la base mise à part. Sinon, elles s’alourdissent et c’est assez gênant. J’ai d’autres moyens de les entretenir sans les tremper. En tout cas, si c’est nécessaire, mon maitre m’emmènera en clinique. Il rentre dans quelques jours tout au plus.»

Puisque la demoiselle semblait encline à l’aider, et communicative malgré sa froideur, l’oiseau s’autorisa une question, qui aurait surement eu réponse par la suite cependant.

« A part garder l’attelle, j’aurais quelque chose à faire ou à prendre ? »

Ft. Vika

Broken Wing

J’écoute attentivement ce que me répond l’hybride, ça me permet d’en apprendre un peu plus sur eux. Donc d’après ce qu’elle me dit ils sont bien plus indépendants qu’un animal. C’est vrai que je me vois mal lui faire prendre son bain, elle a tout de même un corps humain. Ça me rassure de savoir qu’elle ne reste pas toute seule. Son propriétaire est assez riche pour avec des employés humains, il doit donc prendre soin de ses hybrides. Ce qu’elle me dit après ça m’inquiète un peu. Est-ce qu’elle serait maltraitée ? Enfin d’après les lois en rigueur sur cette île ils en ont le droit, enfin son propriétaire en aurait le droit. Donc elle reste tout de même fidèle et obéissante. Les hybrides sont tout autant attachés à leurs maîtres qu’un animal. Enfin pour ça il faut tout de même un temps d’adaptation je pense. C’est des informations dont je pourrais me servir.

Son maître rentre dans quelques jours c’est une bonne nouvelle, il pourra prendre en compte son état et elle pourra avoir un suivi, ce qu’elle n’aura pas si elle passe juste ici.
En tout cas je trouve ça plutôt agréable de pouvoir communiquer avec eux, c’est bien plus compliqué de savoir ce que ressent un animal, l’hybride lui peut nous dire ce qu’il a et où il a mal exactement.

« Il ne faudra pas oublier de lui dire ce que tu as exactement pour que ton maître puisse prend en main la suite »

« A par garder l’attelle, j’aurais quelque chose à faire ou à prendre ? »

« Tu auras surement des antidouleurs. En crème serait mieux pour éviter la dépendance aux médicaments mais je ne sais pas si c’est possible avec ton aile »

Pour une personne il n’y aurait aucun problème, mais peut-être que les ailes sont trop fragiles pour une crème, je ne sais pas vraiment. C’est une question que je devrais poser aux professeurs.

« Par contre une fois l’atèle enlevé, il faudra faire du kiné pour retrouver une flexibilité dans tes mouvements, après avoir bloqué ton aile aussi longtemps elle va se rigidifier. Je te conseille de dire à ton maître de t’emmener dans une clinique avant la fin des 6 semaines, on est dans un cours ici et on ne peut pas rester trop longtemps sur ton cas, c’est possible que tu aies besoin de moins de temps. »

Le professeur fait plusieurs allers-retours, pour emmener d’abord la machine pour créer l’atèle puis un genre de lit de camp pour installer l’hybride et pour finir la matière qui permet de faire un moulage. Il s’approche de nous pour demander à l’hybride de s’allonger, sur le ventre, sur le lit. Je les suis bien évidemment et les autres élèves de la classe se rapprochent pour mieux voir la scène.
Le professeur dépose la matière sur une table qui se trouve juste à côté du lit. Il manipule délicatement l’aile de l’hybride pour la mettre à plat sur la matière, puis il nous montre comment le mettre correctement sur toute l’aile pour que ça prenne bien la forme. Je jette de petit coup d’œil de temps en temps à l’hybride, l’anesthésie va peut-être faire de moins en moins effet avec le temps mais maintenant que la moulure ai commencé c’est compliqué de faire machine arrière. Le professeur nous explique qu’il faut un peu de temps pour que ça sèche et en attendant il nous laisse une pause avant de reprendre le cours, certain élève en profite pour aller à la machine à café ou pour aller fumer. Pour ma part je préfère de nouveau nourrir ma curiosité des hybrides.

Je tire une chaise jusqu’au lit où l’hybride est toujours allongé.

« Pense-tu que ta condition d’hybride est injuste ? »

Pas que j’autoriserais qu’un hybride soit au même niveau que nous. Il est dur pour moi de les voir autrement que comme un animal de compagnie. J’ai toujours pris soin d’eux quand je devais m’en occuper, et je ne me suis pas montré violente sauf s’ils ont essayé de m’attaquer. Mais puisque l’on peut communiquer avec eux j’aimerais savoir ce qu’ils en pensent.

Jeu dangereux.

A défaut d’être chaleureuse, celle qui s’occupait d’elle était attentive et attentionnée. Bien plus que certains professionnels implantés depuis longtemps sur l’île. Dommage qu’elle soit encore étudiante, sinon Vika lui aurait demandé l’adresse de son cabinet pour y revenir.

Elle n’aurait pas manqué de tout raconter à Johan. Il lui aurait posé la question de toute façon, elle ne risquait pas d’essayer de lui cacher quelque chose d’aussi conséquent. Le connaissant, après une petite leçon sur sa fierté et son imprudence, il l’emmènerait faire un check-up supplémentaire. Il ne risquerait pas d’avoir ses plus beaux attributs atrophiés et sa valeur amoindrie.

« Si la crème peut traverser la couche de duvet, j’imagine que c’est possible. Si les médicaments ne servent qu’à atténuer la douleur, je pourrais m’en passer. »

Non pas qu’elle voulait prouver quoi que ce soit, mais elle avait passé la journée entière sans soin et n’en était pas morte. Tant que l’articulation ne bougeait pas, elle pouvait presque oublier sa blessure. L’attelle devrait donc lui suffire. La rééducation ne l’enchantait pas beaucoup, mais elle se doutait qu’elle ne pourrait pas y couper. Heureusement, elle n’était pas capable de voler, alors ses ailes étaient purement décoratives. Pouvoir les bouger ne faisait pas partie de ses besoins vitaux, même si cela gênerait son équilibre et sa démarche. Elle lui laisse cependant entendre qu’elle n’aura peut-être pas besoin de six semaines, et ça c’était une bonne nouvelle. Vika ne pouvait qu’espérer, c’était la première fois qu’elle avait un problème osseux, alors elle n’était pas certaine des capacités de son métabolisme à ce niveau. Comme beaucoup de monde sur l’île, de toute façon. Et d’un côté, tant mieux, parce que ce que pouvait sous-entendre des études sur la régénération osseuse des ailes d’hybride ailés lui faisait froid dans le dos.

« Je n’y manquerais pas.»

La suite du traitement implique qu’elle s’allonge, ce qu’elle fait sans rechigner. Le reste de la classe s’approche pour observer le processus de fabrication mais Vika, allongée sur le ventre, n’a pas à regarder ce qu’il se passe autour d’elle, elle-même un peu fascinée par la technologie mise en œuvre. Un moulage de son aile, processus qui la force à serrer un peu les dents le temps que la matière malléable soit bien mise en place autour de la zone à immobiliser. Les sensations revenaient peu à peu dans ses longs appendices, et ce n’était pas très agréable. C’était néanmoins supportable, surtout pour elle qui avait l’habitude de prendre des coups.

Ne restait plus à attendre que ça sèche, et la salle est désertée par pas mal d’étudiant, le signal de la pause ayant été donné. Essayant de se concentrer sur autre chose que son aile qu’elle devait éviter de bouger, c’est encore la volontaire qui lui offre une distraction. Plantant une chaise en face d’elle, et elle était assise à ses côtés et venait de poser une question difficile.

« C’est une question piège ?»

Répondre franchement était dangereux. Elle ne l’avait jamais fait. Elle se tendit mais c’était le désarroi et la surprise qui se lisait sur son visage. En général, avec ce genre de question, un hybride était dans une facheuse posture. Elle ne connaissait pas son interlocutrice, ses motivations, ses valeurs. Elle pouvait se trouver en face de la femme d’un rabatteur, ou même un rabatteur vétérinaire. Ne pas répondre serait plus suspect encore. Tout était dans la nuance.

« Je suis satisfaite de ma condition. –Elle avait bien insisté sur le ma- car j’ai de la chance d’avoir un bon maître. En soi, ma vie ressemble à celle de certaines humaines, les contrôles d’identité mis à part. Tous les hybrides n’ont pas cette chance. Je les plains. J’ai juste… un peu peur. Peur du jour où mon maître se lassera de moi. Rien ne pourrait l’empêcher de m’enlever tout ça, et c’est une idée terrifiante à laquelle j’essaye de ne pas penser. »

Oui, c’était peut-être la seule chose dont elle avait peur. Ca, et de se faire attraper dans un coin de rue par des trafiquants, mais c’était un peu moins rationnel, et un peu moins probable. Johan l’appreciait beaucoup, mais elle était encore jeune et lui apportait beaucoup. Elle ignorait si cela en sera toujours ainsi, ou si les services rendus par le passé lui accorderait une retraite au sein de la maison ou non…

« Et vous ? Nous trouvez vous si "animal" que ça ? »

Ft. Vika

Broken Wing

« C’est une question piège ?»

Je peux comprendre qu’elle peut penser ça, elle ne me connaît pas, et je lui pose des questions indiscrètes mais j’ai vraiment envie de savoir. Je n’aurais aucun intérêt à dénoncer un hybride pour sa façon de penser. De plus ce n’est pas le mien.
Mais elle me répond tout de même malgré tout.

Je peux comprendre ce qu’elle me dit, j’ai vu plus d’un animal arriver dans un cabinet dans un sale état sans qu’on ne puisse rien faire ni dire, ils avaient toujours de bonne excuse pour expliquer leurs blessures. Je ne comprends pas vraiment pourquoi adopter un animal si on ne veut pas s’en occuper.
Comme tout être vivant cet hybride a peur de l’abandon, c’est ce qu’on ressent tous au fond de nous je pense mais elle est bien plus ancrée chez les animaux, car ils ont besoin de nous pour être libre et pour vivre.

« Je suis sûr qu’il ne te laissera pas, tu es une jolie hybride et tu m’as l’air obéissante » dis-je toujours sur le même ton malgré les paroles réconfortantes.

Elle-même me pose une question et ça ne me dérange pas du tout d’y répondre.

« C’est vrai que certains hybrides ont un corps beaucoup plus humain qu’animal, mais ce n’est pas le cas de tous. C’est vrai que pour moi je vous vois comme des animaux mais bien plus intelligent et c’est assez agréable de pouvoir communiquer avec vous pour savoir ce dont vous avez besoin. »

Pour tout dire ce qui se passe sur cette île n’est pas différent de ce qu’on a pu voir dans l’histoire de ce monde.

« Les humains ont aussi été esclaves, de ce que j’ai compris ça se passe aussi ici. Chacun ont des vies plus faciles que d’autres. Certains animaux sont nés pour mourir, puisqu’ils sont élevés pour nourrir une population. Mais à la différence de certaine personne sur cette île je vous vois plus comme un animal de compagnie que comme des esclaves. Je ne vois pas l’intérêt de demander à un hybride de faire mes tâches ménagères par exemple. Après si je l’accepte chez moi, je ne veux pas qu’il me désobéisse, je ne serais pas violente mais je le punirai. »

J’espère aider cet hybride, peut-être qu’eux aussi ont envie de nous comprendre. Nous somme pareils mais pas totalement. Ils n’ont connu que cette vie s’est peut-être pour ça qu’ils veulent voir ailleurs mais un animal dans la nature peut devenir très dangereux, les humains savent un minimum contrôler leurs instincts s’ils le veulent vraiment.

Les élèves et le professeur reviennent un par un dans la salle, je me remets debout et replace la chaise à sa place. Le moule est maintenant sec et le professeur nous montre comment découper correctement pour n’avoir plus que la forme de l’aile. Puis comment enlever l’aile du moule doucement pour ne pas empirer la blessure.
Je ne perds aucune des indications qu’il nous donne, et j’ai de la chance d’avoir un toucher assez fin car je trouve que l’opération peut être délicate. Cette aile me paraît bien fragile pour que ça ne laisse aucune trace sur elle quand elle est enlevée du moulage.
Le professeur indique à l’hybride qu’elle peut se relever et retourner à sa place. Pendant ce temps il nous explique comment programmer la machine, mettre le moule dedans, la matière pour l’atèle et il lance la machine. L’atèle se crée d’elle-même, même si un peu long, c’est tout de même assez impressionnant.
Après quelques longues minutes l’atèle est prêt et nous nous redirigeons vers l’hybride pour placer l’atèle sur son aile. Il nous montre dans un premier temps comment placer l’atèle puis toutes les modifications qu’il faut effectuer par la suite pour être sûr qu’elle correspond bien et qu’elle tiendra sur l’hybride. Le professeur demande à l’hybride de marcher quelques pas pour être sûr que l’atèle tien puis lui demande de s’assoir dos à nous.

Nous retournons tous à nos places pour prendre des notes puis le professeur nous explique qu’elle os tien l’atèle, en le montrant directement sur l’hybride, et comment va se réparer l’os. Une fois toutes les explications faites le professeur donne une ordonnance à l’hybride et nous dit qu’il fera un cours spécifique sur les médicaments prescrit ou non aux hybrides. Tous les élèves se lèvent pour quitter la salle de classe, je me dirige vers l’hybride.

« Merci de nous avoir permis de pouvoir étudier ton cas, as-tu besoin qu’on te raccompagne chez ton maître ? »

Ça me dérange un peu de laisser un animal seul dans la nature à cette heure-là.

Time to head home.

Vika n’en était pas certaine. Son maître était là pour faire de l’argent, et il la garderait effectivement tant qu’elle était jeune et jolie. Le futur restait incertain. Mais elle ne pouvait pas y faire grand-chose, de toute façon, alors elle essayait de ne pas s’en inquiéter outre mesure. Pourquoi se battre contre quelque chose qu’on ne peut changer ?

Elle obtient réponse à sa question, même si celle-ci se fait très factuelle. Vika n’insista pas, même si ce n’était pas le type de réflexion qu’elle aurait voulu provoquer. Oui, les hybrides étaient physiquement différent, parfois beaucoup. Elle voulait même accepter de concéder qu’ils étaient peut-être moins intelligents que la moyenne humaine, bien qu’elle douta de la véracité de cette affirmation, faute de preuve et issu du martelage constant de la supériorité humaine. Mais malgré cela, était-ce une raison de leur infliger ce statut d’esclave ?

Néanmoins, la vétérinaire complète sa réponse. Il est vrai que la nature et l’histoire humaine s’est façonnée dans la violence et la domination. C’était dans l’empirisme des choses de voir les hybrides eux aussi violentés et dominés. Ne lui restait qu’à espérer que leur destin connaisse le même que ceux des anciens esclaves noirs et qu’ils finissent par connaître les joies de l’affranchissement. Elle grinça des dents intérieurement, en se voyant ainsi étiquetée animal de compagnie, mais c’était une réalité qu’elle ne pouvait nier. Au moins, Alyssia n’avait pas l’air d’être une tortionnaire. Elle n’avait, si Vika avait bien compris, même pas d’hybride chez elle.

« C’est… déjà un bon début, j’imagine. »

La pause se termina alors, et elle n’eut pas le temps d’en dire plus, et le désordre se fait le temps que chacun regagne sa place autour d’elle et que le professeur reprenne son cours. Le démoulage de l’aile se fait sans encombre et sans trop de douleur pour la demoiselle corbeau. L’ossature fragile ne fait pas de caprice lors de la manipulation. La partie intéressante du moule sert ensuite à la modélisation de l’attelle qui fixera son aile, et Vika patienta donc tranquillement que celle-ci ne s’imprime dans la machine. Là, cela l’intéressait moins, parce qu’elle n’avait pas accès à ce genre de matériel et ce n’était donc pas très utile pour elle.

La suite la concernait plus cependant, puisqu’il s’agissait du placement de l’attelle, et elle s’efforça de maintenir le reste de l’aile le plus immobile possible le temps que celle-ci soit installée correctement. On lui demanda ensuite de se lever et de faire quelques pas, et elle s’exécuta sans mot dire. Les vibrations de ses foulées ne dérangèrent pas l’objet, et elle fit quelques mouvements d’ailes lents pour vérifier plus encore. L’aile blessée avait perdu un peu de souplesse mais elle conservait la majeure partie des mouvements usuels qu’elle utilisait. La demoiselle corbeau se rassit ensuite, dos aux étudiants, et elle sert de mannequin vivant pour l’exposé du fonctionnement de l’attelle, au niveau anatomique. La fin de ses explications s’accompagna d’une ordonnance qu’elle rangerait dans son sac en sortant, et sonna également la fin du cours.

Prête à partir, Vika est arrêtée dans son élan par Alyssia qui revenait lui parler.

« Merci de m’avoir soignée surtout. Pour ce qui est de rentrer, je peux me débrouiller seule, mais j’habite de l’autre côté de la ville, dans la banlieue. Sans parler de besoin, un peu de compagnie est toujours appreciée, alors, si c’est sur votre route… Vous avez sans doutes d’autres questions sur les hybrides ?»

La route était longue, surtout à pied, pour l’hybride. Mais heureusement, traverser l’avenue principale, même en soirée, était assez sûr, même si on risquait toujours de se faire emmerder. Mais ça, elle avait l’habitude.

Ft. Vika

Broken Wing

« J’habite à l’extérieur de la ville je peux faire un petit détour. »

C’est vrai que je pourrais utiliser ce temps pour poser un peu plus de question puisqu’elle a l’air de bien vouloir y répondre.

« Allez suis-moi je vais te ramener chez ton maître. »

Je sors de la pièce et marche, en silence, jusqu’au parking où se trouve ma voiture. Je me retourne vers l’hybride et regarde son aile je ne suis pas sûr qu’elle puisse entrer à l’avant de la voiture.

« Installe-toi où tu veux dans la voiture. »

Je fais le tour de la voiture et m’installe derrière le volant, je demande à l’hybride l’adresse où elle souhaite que je la dépose, même si je doute qu’elle me donne la véritable adresse mais une adresse non loin de là où elle habite. Une fois donné, j’entre l’adresse dans le GPS de la voiture et me mets en route.

« Est-ce que tu peux me parler de ta naissance ? Est-ce que tu te rappelles de ton enfance, ou on t’en a parlé ? »

Il faut commencer par le début pour comprendre, mais au-delà des hybrides c’est cet hybride qui commence à m’intéresser, j’ai envie d’en apprendre plus sur elle. Je ne regarde pas l’hybride pendant que je conduis car je préfère me concentrer sur la route, je tiens à ma vie et je ne voudrais pas la perdre par risque d’inattention. En plus de ça j’ai coupé le son du GPS, car ça m’énerve, donc je dois aussi regarder les indications qu’il me donne.
J’enchaine assez vite cependant ma deuxième question.

« Qu'est-ce que tu aimes manger et qu'est-ce que qu'on te donne à manger ? »

Je fais une pause pour lui laisser le temps de répondre à mes questions.
Ce qui est bien de conduire à cette heure sur cette île c’est qu’il y a peu de personnes et que je peux me détendre au volant. Et il y a assez de transport en commun pour que les personnes qui vivent dans la ville ne prennent pas leurs voitures, s’ils en ont une.

Une autre question me vient à l’esprit mais j’hésite à la poser, car ça peut-être un passage traumatisant mais ma curiosité est bien trop forte alors après quelques minutes de silence je me permets de la poser.

« J’aimerais savoir si tu es passé par le centre de dressage, j’aimerai biens savoir ce qui se passe là-bas. Je me doute que ce n’est pas les mêmes centres que j’ai vu là d’où je viens. »

J’aimerais vraiment avoir une réponse à cette question, si j’arrive à trouver le temps d’aller adopter un hybride, j’aimerais savoir si je peux l’emmener là-bas ou s’il vaut mieux que je trouve moi-même le moyen de lui apprendre les règles de ma maison, je ne voudrais pas le traumatiser, ce n’est pas mon but.

Time to head home.

Puisque cela ne la dérangeait pas trop, autant en profiter, hein ? La demoiselle corbeau lui emboite donc le pas en la remerciant. Elle jeta un œil critique la voiture, qui était un des moyens de transports les moins pratiques pour elle, qui avait une certaine envergure d’aile. Johan en utilisait des larges pour que ses hybrides puissent monter à deux à l’arrière. Elle s’installa donc au milieu, laissant ses ailes prendre l’ensemble des sièges arrière et se repliant sur les portières. C’était le mieux qu’elle puisse faire sans gêner la conductrice.

Vika donna son adresse sans mentir. De toute façon, ils avaient scanné sa puce à l’université, on connaissait son propriétaires et elle n’avait aucune raison de cacher d’où elle venait. Une fois le trajet entamé, elles peuvent reprendre leur conversation.

«Je sais que je suis née au laboratoire, je suis de la première génération d’hybride aviaire viable, et avec seulement les ailes pour caractéristique animale. Je suis arrivée très vite chez mon maître et c’est une nourrice chat qui nous a élevé. On nous a créé et éduqué, car je n’étais la seule hybride oiseau, pour valoir beaucoup d’argent –elle ne savait pas trop si elle faisait bien de dire ça – On apprenait à servir notre maître comme il se doit, et un intervalle régulier nous devions l’assister toute une journée et exécuter chacune de ses demandes. »

Elle n’indiqua pas qu’ils avaient aussi entrainé leur corps et pratiqué les arts martiaux très jeunes. Même si cela pouvait être anodin, elle préférait éviter d’en rajouter sur cet aspect-là. Après tout, elle avait déjà donné un entrainement comme excuse.

« Si la question est de savoir si je mange comme un oiseau, désolée de vous décevoir. Je mange de tout, et on me nourrit de façon variée, comme un humain, pour que je garde des proportions correctes au cas où on devrait nous vendre. Ou nous louer.»

Elle ne précisa pas plus. En générale, cette partie pouvait choquer mais Vika ne la taisait pas. Au contraire, la neutralité avec laquelle elle en parlait renforçait les effets de ce qu’elle laissait sous-entendre. Que ce soit par l’aspect zoophile que certains y trouvaient ou tout simplement par l’idée d’une telle exploitation du corps hybride, cela pouvait en choquer plus d’un.

« J’y passais effectivement quelques temps. Comme des enfants à l’école, nous y allions pour suivre les cours et les temps de dressage. Mais nous n’y restions pas la nuit. Notre maître à l’époque avait de toute façon ses propres méthodes pour nous discipliner. Du coup, on y apprend surtout les connaissances de base, comme la lecture ou le calcul. Des choses pratiques pour pouvoir servir les humains, pour nous permettre de faire leurs courses par exemple. On nous apprend à obéir, et là, même si c’est parfois plus subtil, on reste sur les méthodes habituelles réservées aux animaux normaux. Récompenses et punition. On nous rabâche qu’on a des prédispositions à l’obéissance aveugle, de toute façon. Oh, les punitions sont parfois physiques, sauf si le maître l’interdit. Ce qui était le cas pour moi, alors j’en garde un bon souvenir. Mais il y a des hybrides récalcitrants qui faisaient peur à voir, et même si on nous empêchait d’aller voir la partie « redressement » du centre, pour les hybrides adultes, ce qu’on y entendait parfois faisait froid dans le dos.»

En y repensant, elle avait eu de la chance d’avoir un maître qui savait qu’un corps sans marque vaudrait toujours plus qu’un autre. Vika avait été un peu difficile quand elle était jeune. Non pas qu’elle était en opposition avec l’autorité, juste qu’elle était à l’époque une petite chipie qui aimait bien faire des bêtises quand on ne la surveillait pas. Et lui taper dessus n’y aurait pas changé grand-chose. Elle était plus calme maintenant, et avait toujours été obéissante de toute façon. La privation, au contraire, avait porté ses fruits et rester dans les bonnes grâces du maître s’était vite imposée comme une nécessité.

Ft. Vika

Broken Wing

C’est quelque chose que j’avais bien assimilé, certain son née en laboratoire et d’autres en élevage. Elle a seulement les ailes comme caractéristique mais est-ce que c’est ce qu’il voulait ? Je ne pense pas que ça serve à quelque chose que je lui demande, je doute qu’ils lui aient parlé de ça. Donc certain achètent des hybrides et les font élevés par d’autre hybrides, c’est vrai que ce n’est pas une mauvaise idée en soi si on peut lui faire confiance, mais c’est le meilleur moyen pour lui faire comprendre les règles. Certain spécialistes utilisent des chiens pour montrer à un autre comment se comporter ou comment répondre à un ordre.

Le prix c’est vraiment quelque chose qui est aléatoire, un bâtard sera moins cher alors qu’il peut avoir bien plus de compétence qu’un pure race.

Un petit rire enfantin m’échappe lorsqu’elle s’excuse de me décevoir, je reprends assez vite mon visage habituel.

« Je ne suis pas déçu, je veux juste comprendre. »

Alors il mange comme nous, c’est une chose de plus qu’ils les différencient des animaux, qui eux ne tolèrent pas certains aliments. Enfin j’ai trop peu de comparaison pour le moment, pour mettre un avis définitif sur ce sujet. Les louer ? Mais pourquoi ? Même si ma curiosité est piquée au vif je ne suis pas sur de vraiment vouloir le savoir.

...

Alors le centre de dressage leur donne des cours, comme aux humains en soi, des cours basiques et à respecter les autres. A la différence qu’ils apprennent à obéir aux ordres d’un maître unique. Ce qui me rassure c’est qu’on peut contrôler ce qui se passe avec nos hybrides si on les amène. Ce qu’elle me dit ensuite sur la partie redressement des adultes me donnent des frissons, que l’hybride pourrait remarquer. Je ne pense pas qu’on soit obligé d’aller jusqu’à la torture pour faire obéir ou obtenir ce que l’on veut, les humains n’apprendront jamais de leurs erreurs passées. Finalement je pense que je resterai loin de ce centre, je ne veux pas être impliqué là-dedans.

J’ai appris bien plus de chose aujourd’hui que ce que j’avais prévu, finalement la rencontre avec cet hybride a été bien plus productif. Même si mon avis n’a pas temps changé que ça sur les hybrides, ça me donne tout de même de quoi réfléchir. Ils sont animaux mais pas totalement, entre humain et animal. Mais ils doivent bien se rapprocher d’un des deux, cependant ils ont été créé par la main de l’homme. Ils ne sont pas nés avec l’évolution du monde comme nous ? Et pourtant il se reproduise donc on pourrait dire qu’il évolue aussi. C’est un sujet bien plus pointu que ce que je pensais en venant sur cette île. Je dois faire une formation puisqu’il ne se soigne pas totalement comme un animal. Etre persécuté c’est quelque chose que je comprends aussi… Bref c’est un sujet que je vais devoir approfondir.

Je sors de mon long silence puisque le GPS m’indique qu’on est bientôt arrivé. Je m’arrête en double file, pour laisser l’hybride devant chez elle.

« Tu es arrivé, fait attention à toi »