Quoi de mieux qu'un bain chaud à deux dans une zone privée ? Gratuit je pense [Akio]

En ce moment précis, la terre aurait pu arrêter de tourner qu'Akio ne l'aurait pas remarqué, en autant que cela ne lui faisait pas sortir la tête de l'eau. Il y avait cette sensation de jouissance et de paix à être dans son élément qu'il n'avait jamais été capable de reproduire nulle part ailleurs. S'il avait pu, il serait resté immergé pour le restant de sa vie. Malheureusement, le manque d'air se fit connaître assez vite et il fut forcé, bien contre son gré, de refaire surface, les joues rougies par la chaleur du bain. Stupides limitations physiques...

« Hé ! »

Et voilà l'empêcheuse de rouler en rond qui venait l'interrompre en plus. Bon, ce n'était peut-être pas gentil de penser cela quand c'était grâce à elle qu'il pouvait nager librement comme il le faisait... Qu'est-ce qu'elle vou... Une serviette atterrissant sur son visage lui répondit.

« … Ouch. »

« Met ça autour de ta taille ! Et fallait se laver avant d'aller ici... Finalement tu ignores les règles des terme à ce que je vois ! »

C'était... logique. Rester nu en présence d'inconnu n'était pas coutume après tout. À moins que ce type d'endroit ne soit supposé être réservé aux couples? Le rouquin souleva la serviette de son visage pour l'attacher autour de sa taille tout en reluquant sans gêne sa congénère... Et non, cela ne lui faisait rien. Elle était déjà encrée dans sa tête à titre de "Hybride qui se prend pour une humaine et qui permet de nager" et cette appellation ne changerait pas de sitôt. Ce n'était pas qu'il était indifférent à son physique, mais plutôt qu'il était solidement décidé à ignorer tout ce qui demandaient plus d'effort que les bienfaits obtenus.

Tant qu'Akio présentait une menace assez grande aux yeux de la renarde pour qu'elle lui donne ce qu'il voulait, il était content et n'avait aucune envie de changer cela. Maintenant, il suffisait de s'arranger pour qu'elle ne passe pas à l'autre extrême et essaye de l'assassiner en mode roman de bas de gamme...

« J'étais déjà propre? »

Sa voix hésitante ne le convainquait même pas lui-même. L'hybride mâle se rabaissa un peu plus dans l'eau pour faire des bulles d'un air piteux pendant que sa compagne improvisée rentrait dans l'eau. Il n'avait même pas l'excuse de ne pas savoir comment cela fonctionnait. Bien sûr, c'était la première fois qu'il y venait, mais toutes les salles de bain, même celles résidentielles, fonctionnaient de la même façon. S'il avait pris son temps, il aurait probablement pu déduire le processus par lui-même... Seulement, il avait été si pressé de se retrouver dans l'eau... Pouvait-ton vraiment lui en vouloir?

« Tu as mis la serviette ? »

Le bovin répondit par l'affirmative avant de se rapprocher de la demoiselle et de tendre une main vers les oreilles qu'elle avait enfin cessé de cacher sous son bonnet et sa serviette.

« Tu as de belles oreilles, je ne comprends pas pourquoi tu veux les cacher. Pourquoi? »

Sa confusion n'était pas une feinte. Il y avait un écart entre savoir que certains hybrides se camouflaient et étaient chassés pour leur infraction et comprendre pourquoi ils le faisaient. Est-ce que cela en valait vraiment l'effort? Faire quelques tâches, obéir, paraître servile autant que ses propriétaires le voulaient et ne s'occuper de rien d'autre parce qu'ils n'avaient pas de responsabilités, c'était simple. Et dieu savait qu'Akio aimait la simplicité.

« Pour ne pas avoir à me plier aux caprices d'une personne que je n'aime pas et pour qui je n'éprouve que du dégoût. Je refuse d'être soumise à qui que ce soit... »

Aïe, c'était coupant comme réponse. Akio grimaça légèrement devant cette réponse. Que du dégoût? C'était la seule chose qu'elle ressentait envers les humains? Ce n'était pas le meilleur des états d'esprits, surtout si elle se cachait d'eux. Après tout, en se cachant, la renarde reconnaissait une certaine infériorité par rapport aux humains. À force de toujours devoir se dissimuler aller contre ses propres idées et principes pour se fondre dans la masse des humains, elle finirait comme eux. C'était aussi une façon de se soumettre, non? C'était comme dans les livres d'école de ses anciennes charge. De l'as-si-mi-la-tion. Ou quelque chose comme ça, il n'était pas sûr. Devoir jouer l'humaine qui ne se soucie pas des hybrides ou devoir être servile à un humain... Du pareil au même.

Ah, les jeunes, si naïfs... Pas qu'il devait être bien plus vieux qu'elle, mais qu'importe. Ne pas être soumise, est-ce que cela voulait dire qu'elle voulait une certaine liberté? Bien sûr, parce que vivre sans cesse dans la peur d'être découverte, devoir cacher ses attributs animaux et cacher ses propres pensées, c'était "être libre". Ces motivations étaient tout aussi incompréhensibles maintenant qu'avant sa question. Oh, et tant pis, ce n'était pas trop important non plus. Cela pourrait être amusant de continuer à côtoyer la renarde, juste histoire de voir quand ses illusions de casseraient. Tant qu'il se tenait loin quand l'explosion aurait lieu...

« Pourquoi tu me demandes ça ? De toute façon tu es un vendu. Va te baigner et profiter de l'eau, histoire que je ne sois pas pauvre pour rien. Et ne me touche pas ! »

Sous l'avalanche de mots tranchants, le rouquin ramena immédiatement ses mains à lui, choqué. Mais il n'avait rien fait ! Elle lui avait même répondu ! Pourquoi elle se fâchait soudainement !? Et voilà qu'elle allait se cacher à l'autre bout du bassin tout en l'éclaboussant. Et puis quoi encore, il n'avait pas essayé de la manger ! Comme il le pensait, elle allait définitivement exploser un jour. Et quand ça arriverait, il rirait de loin. Ou peut-être pas. Pour être honnête, il serait trop occupé à s'inquiéter de si elle allait faire couler tous les autres qui savaient son statut d'hybride une fois torturée au centre de dressage. C'était une idée effrayant.

Frissonnant, il se submergea entièrement, les yeux fermés. Ahhhhhh... C'était tellement bien. Akio s'en voulait presque d'être heureux. La situation n'était pas idéale après tout. Mais cette sensation... Ça en valait définitivement la peine. Même la possible menace qu'était l'hybride femelle n'était qu'un petit nuage comparé à ça. Remontant à la surface, le jeune homme resta immobile, les yeux fermés, la tête à moitié dans l'eau pour le laisser tout juste respirer. Au moins la renarde n'avait pas dit qu'elle voulait s'en aller... Tant que sa peau ne devienne pas toute plissée, il était hors de question qu'il sorte.

« Pourquoi tu n'es pas plutôt venu avec ton maitre ici plutôt qu'avec moi ? »

Cette fois-ci, l'hybride mâle soupira à haute voix. Elle voulait qu'il la laisse tranquille ou qu'il lui parle? Il fallait qu'elle se décide. Remontant légèrement afin d'avoir de l'eau seulement jusqu'au menton, il lui répondit d'un ton agacé et sarcastique.

« Wow, tu parles à un vendu, tu t'en rends compte? Quel crime. J'espère que ça n'offense pas Miss Principes. »

Quoi, le bovin avait droit d'être rancunier! Du moins, un petit peu. Si la demoiselle voulait être cassante avec lui, il pouvait tout à fait lui rendre la pareil ! Le mot "vendu" lui tapait sur les nerfs. Qui avait-il trahi exactement? Personne. Akio vivait comme ça lui chantait parce qu'il était lâche et n'avait pas envie de se forcer, c'était tout. N'y avait-il pas eu tout un grabuge à propos d'un groupe de rebelles qui avaient tué l'ancien maire? Si l'autre alternative à être un "vendu" était de tuer des gens, ça ne l'intéressait pas. Ça avait l'air chiant de toute façon. Penser à comment entrer dans un endroit sécurisé, commettre l'acte, planifier sa fuite, fuir, se cacher... Bien trop d'efforts. Bon ok, Akio était pathétique. Mais cela ne faisait pas de lui un vendu! Juste un indifférent.

« J'suis pas là depuis longtemps, alors je ne vais pas tout de suite demander des faveurs, surtout pas avant d'être sûr qu'on me dise oui. Tu demanderais des vacances à ton patron deux semaines après avoir été engagé? Non. Et puis... En fait... J'y ai juste pas pensé. Voilà. »

Malaise. Quoi, il ne savait même pas que cet endroit existait avant que l'hybride femelle ne l'y amène, comment il aurait pu demander à son maître? En plus, il y avait une piscine à l'hôtel. Avec du chlore, ce qui n'était pas parfait, mais c'était presque parfait ! Il n'avait juste pas encore eu l'occasion d'en profiter. Pas que l'Égyptien était méchant et allait l'envoyer promener ou quoi que ce soit. Akio voulait simplement s'habituer un peu plus à lui avant de prendre ses aises. Simple prudence élémentaire. Il aurait pu demander. Il avait juste choisi de ne pas le faire. Bref... En gros, il avait vu une occasion avec la renarde et l'avait saisie, c'était tout.

Même que pour le moment, c'était lui qui était en position de force. C'était elle qui brisait les règles après tout, c'était lui le patron. Ha ! Autant essayer de lui faire comprendre à quelle point elle était bête. Il avait essayé avec des images tout à l'heure parce que c'était toujours plus clair pour lui comme ça. Mais vu que ça n'avait pas l'air d'être son cas... Gonflant le torse et croisant les bras, le rouquin s'adressa à la renarde qu'un ton moralisateur.

« Tu sais que les humains se soumettent toujours les uns aux autres, non? Pour plein de raisons, mais surtout à cause de l'argent. C'est pas comme si la situation serait très différente s'il n'y avait pas la barrière hybride/humain. Il y a des chances que tu serais encore en bas de l'échelle. Tu ferais quoi à ce moment là? »

L'hybride se tenait fièrement debout, tout content de sa répartie. Il avait du avoir un bon point parce que sa compagne de bain se levait et venait dans sa direction. Elle approchait même un peu trop. Lorsqu'elle posa sa main contre son torse, Akio cligna des yeux. Ce n'était pas elle qui protestait contre le fait qu'il avait essayé de toucher ses oreilles tout à l'heure? Ah, les filles... Puis elle ouvrit la bouche et il changea totalement d'état d'esprit.

« Il y a une différence entre être un hybride et être un humain. Si aujourd'hui j'étais une humaine, je pourrais te violer, te battre et faire de toi ce que je désire. Je n'aurais qu'à me mettre en larme et à hurler, une fois mon office fait, pour que ce soit toi qui finisse en dressage. »

La différence, c'était que la demoiselle n'était pas humaine. Si elle l'avait été, une fois débarrassée du type qui lui avait causé des ennuis, elle serait partie sans un regard en arrière pour lui. Ou peut-être qu'elle aurait appelé les rabatteurs et qu'il aurait du répéter sans cesse qu'il n'avait rien fait de mal et qu'il avait juste aidé la demoiselle, prosterné sur le sol en attendant que Jad vienne le chercher. Cela aurait été désagréable et difficile, mais pas insurmontable. Ou peut-être qu'il l'aurait diverti quelques instants avant de s'en aller parce qu'il ne serait jamais resté très longtemps seul avec une humaine inconnue, qui qu'elle soit. Oh, il savait bien ce que la renarde voulait dire. Bien sûr, il y avait des histoires d'horreur. Le centre n'était pas un bon endroit. Certains maîtres étaient affreux. Mais il existait des histoires d'horreur chez les humains aussi. Celles des hybrides avaient juste un peu plus de chances de se réaliser...

« Tu ne comprends même pas la différence entre ta vie et celle d'un humain... Aujourd'hui je peux marcher dans la rue, apprendre, rencontrer des gens sans devoir rendre de compte à qui que ce soit. Ce n'est pas simplement une histoire de soumission. Je sais qu'on est dans une hiérarchie, notre société est faite ainsi. Mais ce que je refuse d'être, c'est un simple produit qui, une fois, consommé, sera balancé aux ordures. Après si toi ça te convient d'être ça... Tant mieux pour toi. Mais moi... »

Les mots de la jeune fille piquaient. Un simple produit? C'était la réalité. Le garçon aux yeux rouges ne se souvenait plus de son numéro, mais c'était tout ce qu'il avait été pendant qu'il était au laboratoire. Puis, il y avait eu un autre numéro au centre de dressage. Le requin avait seulement acquis un nom une fois adopté pour la première fois, comme un animal de compagnie. Akio, parce qu'il avait été acquis en automne. Maintenant, le rouquin aimait bien ce nom. C'était court et simple. Mais au départ, le rouquin n'avait été qu'un produit. Il ne se souvenait pas des détails, mais il savait qu'il n'avait pas été le résultat désiré. Ils auraient pu simplement supprimer leur échec. C'était leur droit, ils l'avait créé après tout. Mais ils avaient préféré le garder et lui trouver un usage quelconque, même si ce n'était pas celui désiré. Pourquoi irait-il se plaindre?

Les yeux de la renarde étaient hypnotisant. Elle avait l'air tellement sérieuse. Comme si c'était si impossible pour elle d'envisager de vivre comme une hybride. Et ensuite, c'était elle qui le traitait de vendu. Elle était elle même totalement vendue à l'idée de vivre comme les humains. La demoiselle éloigna la main qu'elle avait posé sur son torse, laissant une sensation de brûlure derrière elle. Elle souriait, mais elle avait l'air triste en même temps. Incompréhensible.

« Moi, je veux plus. »

Elle ne voulait pas plus. Elle voulait trop. Elle continua à parler, retournant la balle dans son camp.

« Tu n'as jamais eu envie de ça toi ? Aucun maître ne t'a jamais donné envie de le fuir ? De trouver mieux ? »

Akio était une erreur. S'il avait un maître, c'était qu'il avait une utilité. Il pouvait vivre. Le reste, c'était secondaire. Il s'habituait à n'importe quoi, il lui fallait juste un peu de temps pour trouver comment cela fonctionnait. Puis, une fois qu'il était sûr de sa place, il cherchait des manières de faciliter son travail parce qu'il n'aimait pas travailler dur. Facile. Partir serait stupide. L'hybride ne se pensait pas assez bon pour se cacher trop longtemps. Et une fois capturé, cela dépendait. Dressage et vie avec un autre maître sous de moins bonnes conditions ou simplement la mort? Aucune option ne l'intéressait.

« Nope. Fuir quoi? La vie? Je ne veux pas mourir. »

Cette entière conversation était stupide. Il devrait arrêter de parler. Sauf que la renarde avait à son tour touché un point sensible. Normalement, le bovin ne parlait pas autant. Ou du moins, il ne parlait pas de choses sérieuses. Il n'était pas idiot, il savait qu'il comptait beaucoup moins qu'un humain. Il l'acceptait. Cela ne voulait pas dire qu'il aimait y penser. Elle n'aurait pas du amener le sujet. Akio leva le ton, commençant à s'échauffer.

« Mais même si cela me venait à l'esprit... Y-a-t-il vraiment un "mieux" qui existe? Et comment j'y arrive? En me cachant comme toi? »

Oh, l'idée était hilarante. D'un mouvement sec, l'hybride désigna son corps, comme s'il se présentait à son inspection tout en riant de manière dérisoire.

« Aucun bonnet ne peut cacher mes cornes. Il faudrait que je les coupe. Mon aileron finirait par me faire assez mal à force d'être plié pour être dissimulé que je ferais tout aussi bien de le couper aussi. Ma queue est assez peu encombrante que cela serait facile à cacher. Mais le problème, c'est que mes dents à moi repoussent. »

Retroussant les lèvres, Akio montra la dentition qu'il cachait habituellement. Des petits triangles tranchants dirigés plus vers l'intérieur que l'extérieur et ce, sur deux rangées. Il pourrait arracher chacune de ses dents, une à une. Mais d'expérience, une dent perdue n'était jamais perdue indéfiniment.

« Je suis censé les cacher comment, elles? Derrière un masque? Je ne peux même pas manger comme les humains parce que je n'ai pas de molaires et que je ne peux pas mâcher. Combien de temps avant que cela attire l'attention et que je me fasse prendre?! »

Il ne voulait pas mourir. Il ne voulait pas souffrir. Au final, Akio était comme la majorité, trop attaché à ce qu'il avait pour le moment pour prendre des risques, même s'il pourrait peut-être obtenir plus au bout de la ligne. Il conclut d'une voix un peu plus maîtrisée tout en secouant la tête.

« Me mutiler comme ça juste pour un peu plus de liberté... Cela n'en vaut pas la peine. »

Le rouquin se rassied également dans l'eau, se sentant un peu vidé. Il n'avait jamais parlé de ce type de choses avant. Il n'aimait pas en parler non plus. Non, il ne voulait rien de plus que ce qu'il avait déjà. Mais que cette fille s'amuse à faire miroiter plus... Il était satisfait de sa vie. Mais le fait que même s'il voulait quelque chose de plus, il pourrait difficilement l'avoir rendait le tout une touche trop amer. Akio leva un doigt accusateur en direction de la renarde, sans se rendre compte qu'il tremblait légèrement.

« Je crois que c'est toi qui ne comprends pas la différence entre un humain et un hybride. »

Définitivement. Comment avait-elle pu continuer à penser comme elle le faisait jusqu'à maintenant? C'était étrange. Rare étaient ceux qui sortaient du centre avec ce type de pensées. Certains étaient dans le déni, mais ils avaient tous reçu la même leçon : ils étaient réellement de simples objets et ils existaient uniquement parce que les maîtres voulaient bien d'eux. Il rebaissa la main et ferma les yeux, tournant ses pensées vers un temps plus lointain.

« Nous sommes des hybrides. Ce sont les humains qui nous ont créé. Mes souvenirs sont flou, mais je me souviens quand même du laboratoire. Je me souviens de n'être rien d'autre qu'un numéro et du sol froid. Je ne sais pas pour toi, mais il n'y a rien de "naturel" chez moi. Ce sont eux qui m'ont fabriqué de A à Z. Et s'ils ne l'avaient pas fait, je ne serais pas ici à te parler. Je n'existerais juste pas. »

Ils lui avait donné vie. Ils pouvaient aussi la reprendre. Obéir à quelques ordres en échange de sa vie était tellement facile. C'était un prix tellement bas. Akio aimait sa vie comme elle était.

« Les humains nous ont fabriqués. Ils ne demandent pas tant que ça en échange, juste l'obéissance absolue. Et si c'est si insupportable... On peut toujours mourir. Retourner dans le néant, là où nous étions avant. »

C'était amer. Il y avait une raison pour laquelle Akio ne pensait jamais à cela. C'était comme d'avoir toujours un poids sur les épaules. Alors il ne regardait pas chez le voisin et ne faisait pas de comparaison. Il pensait uniquement à lui. Il n'avait pas faim et manger plutôt bien. Il ne travaillait pas trop dur. Il avait un endroit où dormir. Il avait des vêtements. Il avait de la compagnie. Il pouvait même nager! Alors se troubler la tête avec des broutilles ne l'intéressait pas. Sauf que cette fichu idiote venait remuer lesdites broutilles, le ramenant à des pensées qu'il n'aimait pas. À son tour de lui donner des idées misérables. Le requin rouvrit les yeux et pencha la tête, un sourire sardonique sur le visage.

« C'est amer de penser comme ça, non? Pourtant, tous les hybrides sont comme ça, dans le même bateau. Sauf toi. Toi, tu veux plus. Vivre comme une hybride ne t’intéresse pas, ce n'est pas assez bon pour toi. »

Puis Akio arrêta de sourire.

« Alors arrête de faire les choses à moitié. Les miracles ne sont pas réels. Tu crois que te cacher sous un bonnet est suffisant? Il est tombé si facilement. Cette fois-ci, c'était moi qui t'ai vu. Une autre fois, ce sera quelqu'un qui ne se laissera pas acheter. Si tu veux vraiment passer pour une humaine, coupe-les. »

D'un vague mouvement de la main, l'hybride désigna les attributs non-humain de la jeune femme.

« Sans oreilles ou queue de renarde, tu seras un pas plus proche des humains, un pas plus proche de ce que tu veux. Mais ne penses pas que tu peux tout avoir sans en payer le prix. »

Une gifle coupa le discours du bovin.

« TAIS TOI ! »

La tête tournée sur le côté et la joue brûlante, Akio se figea, non-habitué à la violence, même si ce n'était pas vraiment douloureux. Des larmes coulaient sur le visage de la renarde. Était-il allé trop loin? Le rouquin se sentait presque mal d'avoir fait pleurer la jeune femme. Presque. Sauf que la sympathie qu'il avait pour elle s'était largement évaporée lorsqu'elle avait essayé de percer sa coquille.

L'homme aux yeux rougeâtres l'avait questionné pour savoir pourquoi elle se cachait, mais c'était tout. L'hybride femelle avait le droit à son opinion. Mais elle avait fait l'erreur d'essayer de creuser dans les pensées du rouquin et ça, il ne pouvait pas le lui pardonner. Certaines vérités étaient faites pour rester enterrées pour éviter de la douteur inutile. Elle avait tenté de les déterrer et elle n'avait pas à se plaindre juste parce que ses réponses ne lui plaisait pas. Dire la vérité fâchait toujours tout le monde. S'il mentait, c'était mal, mais dès qu'il disait vraiment ce qu'il pensait, c'était encore pire.

« Tu crois quoi ?! Que je [...] de mieux ?! hein ? »

Se reprenant, Akio leva simplement ses bras en croix, interceptant les coups de la renarde sans riposter. Elle avait beau l'irriter, frapper quelqu'un n'était pas quelque chose qu'il savait faire. Il pouvait bluffer et menacer, mais au final, il ne faisait jamais rien. Il n'y pensa même pas. Blesser un humain était impensable après tout. Et pourquoi voudrait-il frapper un hybride? À moins qu'on le lui ordonne. Mais ce n'était jamais arrivé. Alors le rouquin ne fit rien, comme le gentil chien qu'on l'accusait d'être.

« Accepter sa condition, se [...] comme un chien ! »

Et pourtant, lorsque la demoiselle cessa de le frapper et qu'elle se mit à secouer la tête juste pour recommencer à parler, posant ses mains sur ses épaules pour s'ancrer à lui, il en eu envie. En ce moment précis, Akio détestait sa compagne plus que tout. Comment osait-elle dire cela? Qu'elle se défende était une chose, mais dire que la situation de l'hybride à cornes était dégeulasse et que c'était de sa faute? Non. Non. Non. Son sang quitta son visage, le laissant livide. Non. Ce n'était pas sa faute. Il n'avait pas créé sa situation. Il ne l'avait pas choisi. Il avait seulement choisi comment y réagir. Et ce choix, ce choix, c'était le bon.

À l'époque où le rouquin n'avait jamais rien eu, il était facile de ne rien vouloir. C'était encore plus facile au centre de dressage, quand il ne savait même pas qu'il existait des choses qu'il pouvait vouloir. C'était seulement en sortant et en réalisant qu'il y avait tout pleins de choses qui existaient et qui étaient à sa portée que c'était devenu plus difficile. Au centre, il n'y avait pas la tentation de tricher. Dehors, il y avait tant de chose à sa portée, mais le requin ne pouvait pas y toucher.

Akio savait pourtant qu'il n'aurait jamais rien de plus que ce que les humains acceptaient de lui donner. Un objet n'avait pas de souhait propre, pas de volonté. C'était normal. Alors espérer avoir plus ou vivre différemment était un poison. Il l'avait vu à l'oeuvre. Comme pris de folie, certains hybrides qui ne comprenaient pas leur place gagnaient cet espoir de rattraper les humains et allaient contre les règles. Ça finissait toujours mal. Toujours. Alors l'hybride avait décidé de ne pas se laisser empoisonner par l'espoir. À la place, il avait accepté ce qu'il était et il avait trouvé le moyen de s'y sentir heureux à la place de souffrir et de désespérer à chaque fois que ses espoirs étaient brisés. C'était la seule bonne façon de vivre.

« Ce n'est pas parce que [...] aux humains. C'est tout. »

La renarde n'avait pas le droit de dire ça, de tout remettre en question, de dire... Croire à l'égalité avec les humains était une aberration. Si les hybrides étaient égaux aux hybrides, pourquoi aurait-il vécu comme cela jusqu'à maintenant? Cela ne faisait pas de sens. Et elle était là continuait de le regarder de son regard larmoyant, repliée sur elle-même comme pour se protéger. Il aurait probablement dû avoir pitié d'elle, mais il ne pouvait pas. Pas quand elle essayer de secouer la base sur laquelle il se tenait. Pas quand elle était là, à suggérer que qu'il était un objet à cause de ses actions et non pas parce qu'il avait été fait ainsi. C'était le contraire. C'était parce qu'il ne s'était pas battu que ce n'était pas pire. Akio sentait ses mains trembler et il ne savait même pas pourquoi. Mais ce qu'il savait, c'était que la jeune femme n'avait pas le droit de dire ça, de faire trembler les fondations qui étaient la seule chose qui lui permettait de tenir debout.

La pleurnicheuse tenta de s'éloigner, mais le rouquin attrapa son bras d'une main et la ramena face à lui, serrant probablement trop fort. Comme elle le voulait, le rouquin plongea son regard dans le sien et lui cracha sa réponse à la figure.

« Akio, le gentil soumis dévoué comme un chien, n'a pas envie d'être autre chose que ce qu'il est ! »

Ce n'était probablement pas la réponse qu'elle voulait, mais c'était celle qu'elle aurait. Akio n'utilisa pas le terme passé parce qu'il ne voulait pas mentir. Ce qui comptait, c'était le présent. Il ne voulait rien changer. Et comme il ne pouvait s'empêcher de détester la jeune femme pour remettre cela en question, il répéta ses propres mots, le visage dur.

« Si aujourd'hui j'étais un humain, je pourrais te violer, te battre et faire de toi ce que je désire. »

Il pourrait même faire bien pire. Tout le monde connaissait les histoires d'horreur. Elles n'existaient pas pour rien. C'était pour cela que se battre était stupide, cela ne faisait que créer plus de chances qu'il devienne une de ces histoires.

« Tu pourrais te battre, essayer de t'enfuir, crier, pleurer. Mais au final, cela ne changerait rien. Tu serais quand même violée, battue et tout ce que je voulais. Tu peux te battre autant que tu veux, mais cela ne change rien! »

Cela ne changeait jamais rien. Ou quand cela changeait, c'était pour le pire. Un jour, la renarde serait capturée et avant d'être vendue, elle serait reprogrammée au centre de dressage. Puis, on lui dira que c'était elle même qui s'était mise dans cette situation en se cachant.

« Ce n'est pas une question de surpasser ses parents ! Quels parents? Je n'ai pas de parents. J'ai été fabriqué. Et pour ceux qui sont actuellement né, c'est du corps d'autres qui ont eux-même été fabriqués. Tu ne peux pas comparer quelqu'un à quelque chose. C'est normal d'être traité comme un objet si on est un objet ! »

Un objet utilisé au bon vouloir de son propriétaire, que cela soit pour être utilisé normalement, être laissé moisir sur une étagère en tant que trophée, être utilisé jusqu'à être irréparable. Et si ce n'était pas utile...

« Que fais-tu d'un objet qui ne fonctionne pas comme tu le veux? Certains le font réparer. Être réparé, c'est se faire briser en pièces pour trouver le problème, l'enlever, puis se faire remonter comme son propriétaire le veut. D'autres s'en débarrassent simplement. Enfin, il y a ceux qui frappent l'objet qui ne fonctionne pas correctement jusqu'à ce que cela fonctionne, puis répètent la même chose à chaque fois que cela cause problème jusqu'à ce que cela casse. »

Être reprogrammé au centre de dressage, mourir ou être puni jusqu'à briser. Akio était beaucoup de choses. Paresseux, simple, fanatique de l'eau, brutalement honnête et individualiste. Mais il n'était pas stupide. Obéir était la seule option possible. Une fois que c'était clair, il suffisait de trouver un moyen de s'assurer de trouver une manière d'être heureux comme cela. Sa manière, c'était d'arrêter de réfléchir aux trucs compliqués et douloureux afin d’apprécier tous les petits moments. Tordu ou pas, il était heureux comme ça. C'était au tour du rouquin de regarder sa compagne d'un regard brûlant, empli de conviction. La conviction qu'il avait bien choisi.

« C'est bon, continue de penser que je suis lâche ou faible ou égoïste. Après tout, j'ai osé choisir de me soumettre et de vivre à la place de ne plus être moi, de mourir ou de souffrir, c'est être lâche ! J'ai choisi d'accepter mon sort et de trouver une façon d'être heureux à la place de croire en un espoir qui ne se réalisera jamais, c'est être faible ! J'ai choisi de penser à moi à la place de penser aux autres alors que même si j'essayais de toutes mes forces, je n'aurais pas pas le pouvoir de les protéger de toute façon, c'est être égoïste ! Je ne regrette rien. »

C'était sa voie, sa façon à lui de vivre. Et même si les autres hybrides le méprisait pour cela, ce n'était pas grave. Akio l'acceptait tout comme il acceptait le fait de n'être rien d'autre qu'un objet, comme il acceptait le fait qu'il suffisait d'un peu de malchance pour que sa situation se dégrade, comme il acceptait le fait qu'il n'y pouvait rien. Il n'y pensait simplement pas et arrivait quand même à trouver une façon d'être content. Et ça, trouver une façon d'être heureux tout en n'étant rien, c'était plus difficile que ce que beaucoup pensaient.

« Ne pas penser aux choses qui font mal ne les font pas disparaître, mais au moins cela me permet de vivre heureux. Tu es juste jalouse de ne pas être capable de faire pareil et d'avoir toujours à vivre dans la peur d'être attrapée... »

Les mains d'Akio ne tremblaient plus. Alors il lâcha sa captive tout en secouant la tête d'un air désolé.

La renarde n'était pas d'accord, bien sûr. Rendu à ce point, Akio n'en avait plus rien à faire. C'était tant pis pour elle. Un jour, lorsqu'elle aurait tout perdu et qu'elle comprendrait peut-être que sa volonté d'avoir plus était ce qui l'avait condamnée, elle le haïrait sûrement lorsqu'il lui dirait "Je te l'avais dit". Mais au final,elle n'était pas sa responsabilité et c'était à elle de faire ses propres choix même si lesdits choix étaient stupides. C'était juste un peu triste.

La demoiselle s'éloigna et il fit de même, regrettant de s'être laissé entraîné dans la conversation. Le rouquin marmonna une réponse positive quand elle lui demanda s'il voulait rester, mais c'était tout. Il ne savait pas pour combien de temps l'espace leur était réservé, mais ils avaient passé assez de temps à s'engueuler que c'était probablement presque fini. Pourtant, il était déterminé à rester aussi longtemps que possible pour profiter de l'eau, mais aussi un peu en partie pour frustrer sa congénère.

« Mais toi qui n'attends rien et n'espère rien. Aujourd'hui tu as réclamé quelque chose non ? Qu'est-ce que ça te fait ? »

Akio grogna, laissant sa tête tomber sur le rebord de pierre. Il était fatigué. Ce détour n'aurait pas du être si épuisant. Le but de nager était de relaxer et de se sentir bien, pas d'aller creuser si profond en lui qu'il en était exténué. Il en avait marre des questions.

« C'est toi la maladroite qui m'a révélé ton secret par accident. Je fais juste profiter de toi. »

Cette remarque n'enchanterait probablement pas la renarde, mais ce n'était pas grave. C'était vraie après tout. Le bovin ne se souvenait même plus pourquoi il avait intervenu pour aider l'hybride femelle. Probablement un instant de folie. Qu'importe. Il y avait une différence entre vouloir ce qu'on ne pouvait pas avoir et accepter ce qu'on lui donnait. De toute façon, il pouvait nager à l'hôtel s'il le voulait vraiment, il n'avait juste pas envie de faire des efforts et elle lui avait présenté une bonne occasion. Il avait juste pris son dû. Elle lui était redevable puisqu'il avait accepté de garder son secret.

« C'était stupide de ma part de menacer ce type pour qu'il parte. Si tu avais été humaine, je n'aurais rien demandé et je serait reparti après avoir aidé. Sauf qu'au final, menacer un humain pour une hybride, ce n'est pas correct du tout. »

Akio secoua la tête, mettant l'emphase sur le fait que ses actions avaient été stupides. Il était trop tard pour retourner en arrière, mais s'il avait vraiment pris la peine de réfléchir avant d'agir à ce moment-là (une de ses grande faute, il le savait), il aurait simplement fait demi-tour.

« J'vais avoir des ennuis quoi qu'il en soit, alors je suis pathétique au point de prendre tout ce que tu as à donner pour compenser. »

Le rouquin lâcha un rire dérisoire.

« Je suis assez sûr que tu est prête à donner beaucoup pour garder ton secret, alors on ne peut même pas dire que je te demande quoi que ce soit. C'est plus que j'accepte ce que tu me dois. Non? »

Aujourd'hui, Akio jouait définitivement le rôle du méchant. C'était étrange d'être de l'autre côté pour une fois.