Euh... Sofia m'a dit d'passer [Meyer & Sofia]

Euh... Sofia m'a dit d'passer

A son plus grand soulagement c'était une voix féminine qu'elle connaissait qui répondit à l'interphone. Sofia ne tarda pas à lui ouvrir la porte après lui avoir indiqué à quel étage monter. Jilian était assez mal à l'aise. Même si elle venait ici alors qu'elle y était invitée elle espérait qu'elle ne croiserait pas de voisins. Les choses étaient soignées, dans le hall il y avait une plante en pot qui avait l'air d'avoir la vie belle et les boîtes aux lettres n'étaient pas cassées. Tout ça pour dire que, même si c'était pas non plus l'endroit le plus chicos de la ville c'était pas non plus un taudis et on pourrait facilement la prendre pour une voleuse ou alors juste pour une SDF cherchant de la chaleur. Ce qui aurait pu être vrai du reste, parce que sans abri elle l'était et on pouvait pas dire que l'hiver à Togi c'était sympa. Y'avait une putain de couche de neige et il faisait froid à en crever la nuit. Mais bref, la rouquine finit par gravir les escaliers sans croiser qui que ce soit. Cool, au moins les voisins viendraient pas faire chier Sofia. En parlant du loup... Une fois arrivée au bon étage Ji aperçut immédiatement la chevelure blanche de celle qu'elle était venue rencontrer. Elle lui adressa un demi-sourire tout en lui disant qu'elle était contente de la voir, Sofia restant aussi stoïque que la dernière fois. La rouquine avait fini par se dire qu'elle avait dû oublier que d'autres expressions existaient mais elle s'en était déjà fait la remarquer la dernière fois alors ça la perturbait pas plus que ça.

- Master n'est pas encore à la maison, il travail mais il ne devrait plus tarder à rentrer. Fais comme chez toi. Euh... Je veux dire, met toi à l'aise. J'vais préparer du café."

Qui était "Master" ça c'était une excellente question. Probable que ce soit le fameux Meyer mais aucun moyen d'être sûre qu'ils vivaient pas à trois ou quatre ici. Bon, ptètre pas quatre parce que ça aurait été un peu juste en place mais on savait jamais. Si ce mec gardait Sofia il avait certainement assez de thunes pour avoir d'autres hybrides et, c'était bien connu, un hybride ça avait pas besoin de beaucoup de place. Jilian tenta de faire taire son cynisme tandis qu'elle s'asseyait sur une chaise. Elle enleva sa veste et la déposa sur le dossier. Elle ne savait pas où elle mettait les pieds mais, en tous cas, elle doutait de ses propres hypothèses. Sofia avait l'air d'être traitée parfaitement normalement (si on omettait le collier mais bref) il y avait donc fort à parier que "Master" ne soit pas un sombre connard enfermant ses hybrides dans le placard à balais. son hôtesse ne tarda pas à revenir avec une tasse de café fumante et des biscuits. La rousse tenta de ne pas se jeter sur la nourriture comme si elle n'avait pas mangé depuis trois semaines. Elle avait eu l'occasion de s'alimenter à la soupe populaire donc cette attitude était vraiment infondée. Force de l'habitude certainement. Quand on ne savait pas quand serait le prochain repas on mangeait lorsqu'on avait accès à de la nourriture, point barre. Pour se forcer à se tenir comme une personne avec un tant soit peu d'éducation, elle enroula ses mains autour de la tasse. La chaleur ne tarda pas à se propager dans ses doigts d'une manière parfaitement agréable.

- Merci, c'pas tous les jours que j'ai du café. Il a l'air bien dosé en plus.

Jilian n'était pas adepte du jus de chaussettes mais boire un café qui lui faisait perdre ses dents ne l'intéressait pas non plus. Le breuvage qu'on venait de lui servir avait l'air d'être dans un état entre les deux,c'était parfait. Sofia lui retourna les quelques mots qu'elle lui avait dit en entrant. Même si rien sur son visage ne laissait transparaître une joie réelle Jilian ne doutait pas de sa sincérité. Na sachant apparemment pas trop quoi dire elle lui demanda ensuite si elle n'avait pas eu de difficulté à trouver cet endroit.

- Non non, j'ai d'mandé mon chemin une fois ou deux. Mais j'voulais vraiment trouver quelque part où prendre une douche et tout avant d'venir ici parce que bon...

Elle laissa son regard courir autour de la pièce. Tout était rangé et propre, il n'y avait rien d'inutile. Une télé trônait dans un autre coin de la pièce. Jilian but une gorgée de café avant de stopper son observation des lieux, se rendant compte que ça pourrait être impoli. Elle savait pas si Sofia était très à cheval là-dessus ou pas.

- Désolée si j'me montre curieuse. C'est juste que j'trouve que c'est assez cool comme endroit pour vivre. C'pas un cinq étoiles mais c'est chaleureux. Et puis, c'toujours cool un chez soi.

Le sourire qu'elle adressa à l'hybride face à elle était légèrement teinté de tristesse. Rien de grandiose, elle n'avait pas les larmes aux yeux ni rien, mais une certaine forme de regret. Elle ne savait plus depuis combien de temps elle n'avait plus vraiment d'endroit à elle. Depuis trop longtemps certainement. C'était la seule réponse qui lui venait instinctivement.

- Il est sympa avec toi le mec avec qui t'habites ?

Elle se montrait peut-être un peu trop curieuse mais elle avait envie de savoir. Parce qu'avoir une baraque c'était bien beau mais si c'était pour s'faire taper sur la gueule ça perdait tout de suite beaucoup d'son charme. Et d'ailleurs, de l'avis de Ji, mieux valait pas avoir de toit dans ces cas-là.

Noël approchait et je ne savais toujours pas ce que je devais acheter à Sofia. Notre promenade au marché de Noël m’avait beaucoup fait réfléchir depuis que l’inconnu aux cheveux bleu-verts avait évoqué le sujet. Sauf que je n’avais toujours absolument aucune idée de ce que je pouvais offrir à la demoiselle.

« J’te l’ai dit, donne-lui plein de bouffe, » s’impatientait Meyer à chaque fois que j’y songeais.

Non, ce n’était pas un bon plan. Je voulais quelque chose de mieux, qui se gardait, qui durait dans le temps. Mais quoi ? Le mieux à faire était encore d’aller traîner dans les boutiques après le boulot. C’est donc ce que je fis cet après-midi après être sorti du Centre Funéraire. De toute façon, je ne prévoyais pas de rentrer tôt et Sofia était au courant. Alors je pouvais prendre mon temps. Enfin… pas tant que ça parce que je détestais faire les magasins. En plus, il y avait pas mal de monde à cette heure-ci. Agacé, je marchais le long de la rue, les mains dans les poches de mon manteau et le menton couvert par mon écharpe.

« Regarde, y a plein de truc là, et là ! » me pressait Meyer mais un regard vers les vitrines et je constatais à chaque fois qu’il me montrait d’énormes étalages de gâteaux de toutes les couleurs.

J’adorais les pâtisseries mais je n’étais pas là pour m’en acheter. Alors je poursuivis ma route. Au bout de ce qui me semblait être une éternité, je passai devant le magasin de vêtements dans lequel il y avait eu l’altercation avec la dénommée Eileen. Il y avait de jolies robes sur les mannequins en plastique… L’une d’elle, toute noire, attira particulièrement mon attention. Elle était simple mais joliment taillée et elle ne gênerait pas Sofia pour se mouvoir si elle voulait se battre avec. Parfait ! Un peu stressé, je rentrai dans la boutique comme si de rien n’était et en ressortis rapidement avec la robe, sous le regard apeuré des vendeuses. Je n’avais pas osé demander un emballage cadeau. Tant pis, le sac plastique dans lequel était pliée la robe suffirait largement. A quoi ça servait de toute façon ? L’emballage finirait à la poubelle…
Satisfait de mon achat, je rentrai à l’appartement. Quand j’arrivai devant la porte, j’entendis des voix féminines. Sofia devait sûrement regarder la télévision. J’ouvris, entrai et remarquai qu’en fait, elle était en compagnie d’une jeune femme. Elle avait de longs cheveux d’un roux flamboyant avec quelques mèches blondes, une frange sauvage lui barrait le front. Son visage pâle était marqué de fatigue mais elle souriait à Sofia comme à une vieille amie. A première vue, elle avait l’air petite, un peu comme Ikko. Et ce qui attira surtout mon regard fut son œil droit qui était bleu et l’autre recouvert d’un voile blanc, signe qu’il demeurait inutilisable. Je ne savais pas du tout que Sofia connaissait cette fille et je ne l’avais jamais vue avant. Un peu embarrassé de trouver une inconnue chez moi alors que je ne l’avais pas moi-même invitée, je m’approchai d’elles, toutes les deux assises à la table de la cuisine. Une tasse de café reposait devant l’inconnue. Au début, j’allais être désagréable puis je regardai Sofia. Même si elle n’exprimait jamais vraiment ses émotions, je savais désormais à peu près dans quelle état d’esprit elle se trouvait à sa façon de se tenir. Et là, elle avait l’air contente. Alors j’abandonnai l’idée d’être agressif et allai grattouiller Sofia sur le haut du crâne avant de tendre la main à l’inconnue.

- Hallo, tu dois être une amie de Sofia, supposai-je en espérant secrètement que ce soit vrai. Meyer, me présentai-je.

Euh... Sofia m'a dit d'passer

Le regard habituellement sans émotion se teinta immédiatement d'intérêt lorsque Jilian mentionna son maître. Elle s'anima comme jamais la rousse ne l'avait vue faire. Il était bon de savoir que Sofia était capable de montrer quelques émotions malgré l'impassibilité qu'elle montrait habituellement. Jilian hocha tranquillement la tête avant de boire une nouvelle gorgée de café. L'hybride avait vraiment l'air d'être heureuse ici même si le fait qu'on puisse apprécier la servitude paraissait complètement absurde à la sans-logis qui était partie de chez elle pour ne plus avoir la moindre contrainte. Néanmoins elle ne se sentait pas le droit de juger sa nouvelle amie. Chacun vivait sa vie comme il le sentait et que Sofia puisse profiter d'un tant soit peu d'amour et de sécurité contre de l'obéissance n'était pas non plus totalement absurde et ce même si cela allait totalement à l'encontre des croyances de la rouquine.

- C'est le principal. Qu'il te fasse pas d'mal j'veux dire. Qu'on aime quelqu'un ou pas ça veut pas dire qu'il a l'droit d'nous taper sur la gueule.

Alors qu'elle venait de prononcer ses paroles la porte s'ouvrit sur un homme aux yeux verts et aux cheveux blonds plaqués en arrière. La rousse le salua du bout des lèvres, ne sachant pas très bien quelle allait être la réaction de celui qui semblait fort être le propriétaire des lieux. Elle était une étrangère, pas forcément propre, assise dans son salon avec une tasse de café à la main. Elle aurait parfaitement compris qu'il cherchât à la mettre à la porte sans chercher à comprendre ce qui se passait ici. Cependant, contrairement aux attentes de la SDF, il s'avança simplement vers Sofia et lui gratta le dessus de crâne. Cette dernière bondit de sa chaise pour le prendre dans ses bras. La jeune femme semblait bien petite à côté de son maître. Une douce chaleur dont elle avait presque oublié l'existence naquît dans le coeur de la SDF lorsqu'elle entendit être qualifiée "d'amie". Pour une fois elle n'était pas quelqu'un dont on voulait se débarrasser. Lorsque le propriétaire des lieux lui tendit la main en se présentant, Jilian se leva de sa chaise pour lui rendre sa poignée de main.

- Enchantée, moi c'est Jilian.

Elle ne savait pas vraiment qu'ajouter d'autre. S'excuser d'avoir débarqué comme ça chez lui ? Ca semblait assez approprié mais elle préféra se rasseoir et regarda Sofia qui s'agitait, débarrassant son Maître de ses effets et lui tirant une chaise avant de repartir chercher du café. La rousse se sentit gênée d'observer ce genre de scène. La servitude la répugnait plus qu'elle ne l'affichait, simplement parce qu'elle n'avait de cesse de conserver sa liberté. Cependant, on ne pouvait manquer que cela ne semblait pas ennuyer l'hybride le moins du monde. Elle avait le pas léger tandis qu'elle se dirigeait en direction de la cuisine.

- Hum... Désolée d'pas avoir prév'nu avant d'passer. J'ai juste pas pensé que vous seriez pas là et qu'ça pourrait vous déranger.

C'était probablement les excuses les plus maladroites de l'univers d'autant plus qu'elle avait initialement voulu dire qu'elle n'aurait de toute manière pas pu appeler ou envoyer un e-mail puisqu'elle n'avait pas de téléphone et encore moins d'ordinateur. Elle avait retenu ces propos de peur d'être foutue à la porte. Voir une nana négligée dans son salon et savoir qu'elle vivait dans la rue étaient deux choses différentes. Elle était contente d'être ici et de voir Sofia alors elle préférait autant passer sous silence ce qui pourrait la faire passer de "vaguement acceptable" à "parfaitement indésirable".

Aussitôt, Sofia vint se blottir contre moi.

- Bienvenue à la maison, Master ! C’est Jilian, une… c’est une amie, confirma-t-elle.

J’omis volontairement de marquer le fait qu’elle avait eu une hésitation avant de qualifier la nouvelle venue d’amie. Peut-être avait-elle peur de ma réaction ou ne savait-elle pas ce qu’était réellement un ami. Peu importait, du moment que Jilian n’était pas là pour perturber nos vies dans le mauvais sens du terme. Sofia me proposa de me débarrasser de ma veste et du sac. Je les lui donnai, craintif à l’idée qu’elle jette un coup d’œil à son cadeau, mais elle se contenta d’aller le déposer sur la table basse du salon. Elle alla accrocher la veste dans l’entrée et s’affaira ensuite dans la cuisine pour préparer un café.

- Enchantée, moi c’est Jilian, répondit la rouquine en se levant pour me serrer poliment la main. Désolée d’pas avoir prévenu avant d’passer, ajouta-t-elle gênée. J’ai juste pas pensé que vous seriez là et qu’ça pourrait vous déranger.

J’eus un sourire en coin en m’installant près d’elle à table. J’étais amusé et en même temps très surpris car il était rare d’accueillir quelqu’un chez moi par simple courtoisie. Et encore plus de faire face à quelqu’un d’aimable. J’exagérais peut-être mais le simple fait de s’être excusée, même de façon plutôt maladroite, éveillait déjà en moi un sentiment d’infime confiance envers cette personne.

« Eh ben… avant tu construisais le mur de Berlin entre les gens et toi, et maintenant c’est la chute totale... » commenta Meyer déprimé.

Allais-je trop vite en voulant changer ?

« J’dis juste que tu risques d’être déçu si un jour ça tourne mal. »

Pourquoi ça tournerait mal ? En fait, pourquoi voyait-il toujours le mauvais côté des choses ?

« A ton avis ? »

Pour m’emmerder, évidemment. Il n’y avait aucune autre raison. Bref, j’avais une invitée alors je devais éviter de faire la conversation à Meyer maintenant. Quand Sofia déposa une tasse de café devant moi, je la remerciai et elle s’assit à son tour.

- Si tu dérangeais, je t’aurais déjà mise à la porte, rassurai-je à l’attention de Jilian. Du moment que tu fais pas de mal à Sofia et que l’appart reste en bon état, y a pas de problème.

Je bus une gorgée de café.

- Juste une chose : j’aime pas être vouvoyé.

Un regard vers Sofia, une grattouille sous le menton et je me tournai à nouveau vers Jilian.

- T’es de Togi ?

Euh... Sofia m'a dit d'passer

Le propriétaire des lieux lui confirma que sa présence n’était pas un problème. Une autre personne aurait soupirée de soulagement, Jilian se contenta de lui retourner un regard. Elle était pas une grande pro pour le dialogue et toutes ces conneries. Elle se laisse malgré tout aller à un demi-sourire lorsqu’il suggéra qu’elle pourrait faire du mal à Sofia.

- L’jour ou j’pourrais lui faire quoi qu’ce soit est loin d’être venu, laissa-t-elle échapper.

Elle risquait pas d’lui faire du mal physiquement. Pour le reste elle comptait pas disparaître du jour au lendemain et c’était bien à peu près la seule chose qu’elle voyait qui pourrait atteindre la jeune femme. Et encore, elle en était pas persuadée. Elle-même avait appris à se montrer circonspecte. Elle appreçiait Sofia mais elle ne s’était pas encore trop attachée dans le cas où un rejet quelconque surviendrait. C’était pas si simple de se laisser aller et d’oublier ses mauvaises expériences. Elle laissa tomber ses pensées intuiles, retournant son attention sur Meyer qui grattait le menton de Sofia. Même si cela semblait plaire à la jeune femme Jilian ne put s’empêcher de constater que c’était plus le geste qu’on aurait envers un animal de compagnie qu’envers un humain. Le regard de la rouquine se fit plus dur tandis que Sofia partait elle ne savait où et qu’elle se retrouvait face à Meyer. Ses origines. Bonne question. Elle commença par vaguement hausser une épaule.

- J’viens d’Irlande mais j’peux pas dire qu’ce soit chez moi. J’ai laissé ce concept quelqu’part en Europe.

Aucun ressentiment dans ces paroles, un simple constat. Ça faisait trop longtemps qu’elle traînait la rue pour savoir encore ce que ça r’presentait d’avoir un foyer. P’tètre qu’elle r’trouverait cette notion un jour ou p’tètre pas. A vrai dire ça avait pas plus d’importance que ça. Elle préférait profiter d’l’instant sans s’encombrer l’esprit de telles considérations. Elle releva la tête lorsque Sofia revint. Elle avait troqué la robe noire contre un tee-shirt et un short beaucoup trop court pour la saison de l’avis de Jilian. L’hybride se serrait contre son maître. Elle l’aimait beaucoup de ce qu’elle voyait. Sofia se laissa aller à expliquer à son maître qu’elle et la SDF s’étaient entraînées lors de leur dernière rencontre. La rouquine s’anima quelque peu, quittant son air blasé quelques instants lorsqu’elle s’adressa directement à Sofia.

- T’sais qu’j’ai continué à m’entraîner meme si t’étais pas là pour m’surveiller. J’ai même trouvé des… Elle réfléchit une seconde au terme à employer. compagnons d’entraînement deux-trois fois. Finit-elle par lâcher, tout sourire.

Elle était pas forcée de préciser qu’ils étaient pas tous forcément d’accords pour lui servir de testeurs mais ça elle s’en foutait comme de l’an quarante. Pour une fois c’était pas elle qui en avait pris plein la gueule et c’était assez plaisant. Si elle avait osé elle aurait presque d’mandé à Sofia si elle avait pas un endroit ici pour qu’elle lui montre qu’elle avait un peu progressé depuis la derniere fois. Mais elle était pas chez elle et elle possédait quand même des restants de savoir-vivre. Elle croisa néanmoins le regard de l’hybride et eut l’impression qu’elles pensaient à la même chose. Afin de cesser de donner corps à ses propres envies Jilian reprit sa tasse de café qu’elle termina tranquillement, maintenant demangée par l’idée de montrer ce qu’elle savait faire à son professeur.

Jilian assura que le jour où elle aurait envie de faire du mal à Sofia était loin d’arriver. Cette dernière demanda alors la permission de se lever de table. Elle n’avait pas besoin et était libre de faire ce qu’elle voulait ici, mais je hochai quand même la tête et elle disparut dans la salle de bain.

- J’viens d’Irlande mais j’peux pas dire qu’ce soit chez moi, ajouta la rouquine. J’ai laissé ce concept quelqu’part en Europe.

L’Irlande avait l’air d’être un beau pays. Je n’y avais jamais mis les pieds mais à mon avis, ce serait une destination plutôt sympathique pour les vacances. Sofia revint, vêtue d’un tee-shirt décontracté et d’un short. Au début, elle ne quittait jamais sa robe. Puis j’avais remarqué qu’elle avait fini par se sentir un peu plus à l’aise ici, à se détendre et à prendre ses habitudes. Doucement, elle me rejoignit et m’offrit un câlin réconfortant

- Master ? dit-elle timidement. J'ai commencé à montrer à Jilian à comment faire pour se défendre ! Elle a même réussi à me mettre à terre grâce... à une technique !

Je ne savais pas du tout que ces deux-là s’étaient entraînées au combat. Mais après tout, si ça pouvait aider Sofia à se dépenser, c’était une bonne chose.

- T’sais qu’j’ai continué à m’entraîner même si t’étais pas là pour m’surveiller, déclara Jilian avec un sourire fier. J’ai même trouvé des… compagnons d’entraînement deux-trois fois.

Elle attrapa sa tasse de café et vida le reste de son contenu. Je tournai à demi la tête pour regarder Sofia du coin de l’œil. J’aurais bien aimé savoir comment elle avait rencontré Jilian mais je décidai de garder ma question pour plus tard. Ce qui m’intéressait là, tout de suite, c’était ce fameux entraînement. Malgré son œil invalide, Jilian avait l’air de savoir se battre. Alors je me levai et tapotai la tête de Sofia avec un sourire.

- Je suis curieux de voir comment se passent vos entraînements, dis-je avec entrain. On peut aller en bas si vous voulez.

Derrière le bâtiment, il y avait un petit espace vert. Ce serait idéal pour un petit combat.

Euh... Sofia m'a dit d'passer

Ce Meyer été peut-être finalement pas si con. En effet, il avait proposé d’lui-même d’aller s’entraîner quelque part au bas de l’immeuble, gratifiant Sofia d’une petite tape sur la tête au passage. La réaction de l’hybride ne se fit pas attendre et elle fila à l’autre bout de l’appartement avant de r’vnir avec d’autres vêtements sur l’dos et de courir en direction de la porte. La rouquine prit le temps d’récupérer son manteau avant de suivre le même chemin qu’son amie. Même si elle courait pas elle était contente de l’opportunité qui lui était offerte de s’entraîner un peu avec Sofia. Ptètre même qu’elle allait lui montrer un nouveau mouvement, ce s’rait plutôt cool.

- J’crois qu’ça lui fait autant plaisir qu’à moi, laissa-t-elle échapper à l’adresse de Meyer tandis qu’ils descendaient les escaliers.

Même si ça en avait pas forcément l’air, à l’échelle de Jilian c’était là des remerciements. Elle se doutait bien que l’homme leur avait proposé de sortir juste parce qu’elles avaient l’air d’envisager cette possibilité avec impatience. Quand elle sortit la rousse déposa négligemment sa veste au sol. Pas comme si elle était propre de t’manière alors elle s’en foutait un peu. Suivant les instructions de Sofia elle commença des étirements. Elle espérait que sa prof noterait que ses mouvements étaient moins raides que la dernière fois. C’était toujours pas Byzance mais quand on partait du quinzième sous-sol en matière de condition physique c’était déjà pas si mal. Enfin, ça montrait au moins qu’elle mentait pas quand elle disait qu’elle avait continué à suivre les conseils de la jeune femme. Évidemment elle lui arrivait toujours pas à la ch’ville mais elle doutait qu’elle y serait un jour. Et puis, c’était pas vraiment l’but de t’manière. Une fois que Sofia les jugea suffisamment échauffées elles se mirent en position. La rouquine portait un air profondément concentré sur le visage, faisant bien attention à mettre ses pieds et son corps dans la position qu’on lui avait appris la dernière fois. Si c’était bien ou pas elle savait pas trop. Tout ce qu’elle savait c’était qu’elle avait pas été capable de contrer le coup de la jeune femme et que si elle s’était pas arrêtée avant de heurter sa joue elle se s’rait certainement reçue un coup de poing de l’espace. Le coup était venu en direction de son œil mort, ça arrangeait pas les choses. Elle se garda bien de faire cette remarque à Sofia, elle voulait pas donner l’impression qu’elle se cherchait des excuses. Son handicap l’empêchait d’avoir une vision en trois dimensions efficaces en plus de l’empêcher d’anticiper ce qui se passait sur sa gauche. Elle chassa ces considérations inutiles. Elle avait toujours su faire avec, c’était pas aujourd’hui qu’ce s’rait différent. Suivant les instructions de Sofia elle tenta de l’atteindre d’un coup de poing et… ne comprit absolument rien à ce qui lui arrivait par la suite. Trop de mouvements à la suite pour sa petite tête. Sofia ajouta quelques explications et Jilian se contenta de hocher la tête avant de demander des précisions.

- Ok, va falloir qu’on l’re-décompose lentement d’abord parce que ch’uis pas sûre d’avoir tout saisi. D’abord le poing, ensuite l’coude, coup de genou mais après ch’uis perdue.

Elles recommencèrent l’enchaînement lentement trois nouvelles fois. Jiliant faisait de son mieux pour enregistrer les informations et se laissa amener à terre en interrompant parfois Sofia d’une question. Après ça ce fut son tour de tenter d’effectuer la prise. Plusieurs essais et de nombreux échecs plus tard l’Irlandaise commençait à perdre légèrement sa concentration. Elle cligna rapidement des yeux et essuya la sueur qui perlait sur son front. Elle s’était débarrassée de son sweat qui avait rejoint son manteau quelques minutes auparavant mais l’effort plissait toujours son front. Alors qu’elle se mélangeait une fois de plus les mains lorsqu’elle tenta d’attraper le visage de son adversaire Jilian soupira.

- Bon, cette fois-ci j’pense qui va falloir un peu plus d’une séance pour maîtriser l’mouvement mais j’pense que j’peux y arriver. Faut juste m’laisser un peu d’temps.

Elle avait pas la condition de Sofia et elle avait jamais appris à s’battre et, en ce instant, ça s’ressentait plus que jamais. Là où l’hybride était encore fraîche et dispo la rousse était suante et sentait que ses muscles commençaient à tirer. Lorsque Sofia attaqua une nouvelle fois la rouquine changea d’attitude et, souriant de toutes ses dents, elle lui démontra que si la technique du jour était encore délicate elle maîtrisait maintenant au poil celle de la dernière fois.

- Tu vois, j’t’avais dit que j’m’étais entraînée !

Elle savait bien qu’elle avait pas fait exactement c’qui était prévu pour le coup mais elle espérait que ça mettrait pas Sofia en pétard qu’elle ait un peu détourné l’entraînement. Elle avait eu envie d’lui montrer qu’elle pouvait apprendre après tous les échecs cuisants du jour. Elle voulait juste lui prouver qu’elle perdait pas son temps en essayant d’lui apprendre des choses même si aujourd’hui c’était pas facile. Au milieu de toute cette agitation, Meyer était complètement sorti de l’esprit de la rouquine.

Euh... Sofia m'a dit d'passer

L’Irlandaise commençait à avoir du mal à suivre. Elle était essoufflée et sa peau blanche commençait à virer au rouge. Elle fut soulagée que Sofia se montre compréhensive et cesse l’entraînement. Son entraîneuse reçut un sourire franc et empli de satisfaction lorsqu’elle reçut quelques bonnes appréciations. Elle avait vu qu’elle s’était entraînée de son côté, c’était quand même super cool. Et puis pour la pratique, elle pourrait toujours se trouver de nouveaux pommés qui voudraient en venir aux mains pour quelques mots bien placés. Fallait bien les choisir parce qu’il s’agissait de pas s’faire éclater la tronche mais ça pouvait s’faire. Ce serait pas vraiment une première. Elle allait faire demi-tour et ramasser sa veste quand Sofia lui annonça qu’elle avait un dernier truc à lui montrer. Jilian retint un grognement de désespoir. Déjà qu’elle allait avoir des courbatures pendant trois jours après les précédents exercices… A sa surprise, la leçon du moment était extrêmement simple. Enfantine presque mais tellement utile. Donner une claque efficace ou un bon coup de poing ça pouvait aussi faire l’affaire.

- C’est vrai qu’j’ai d’jà vu des mecs mis au tapis par ce genre de coup. Mais j’pense pas que j’puisse faire ça avec mon gabarit.

Apparemment, c’était là qu’elle se trompait. Son amie lui montra de quelle manière le coup devait venir de l’ensemble du corps. Fallait pas juste armer le bras mais tendre son corps entier, depuis la cheville. Le front de la rouquine se plissa légèrement, enregistrant les différentes informations. Le mouvement du corps. La direction que devait prendre le coup. Elle pensait qu’elle arriverait à se souv’nir. Elle en était là dans sa réflexion quand la main de Sofia heurta rudement son avant-bras.

- Hééé ! Les explications avec la petite démo étaient suffisantes. J’te crois quand tu m’dis que c’est efficace, j’ai pas besoin de tester , lâcha-t-elle en se frottant la joue.

Elle grimaça un sourire, signifiant que même si son bras était rouge et risquait de la cuire pour quelques minutes, elle lui en voulait pas. Elle s’était souvenue après coup que Sofia prenait tout au pied d’la lettre. Elle avait juste voulu bien faire, fallait pas qu’elle la braque. En plus que c’était vraiment cool leurs entraînements, elle avait pas envie d’arrêter.

- Ceci dit, au moins maintenant j’sais que ça fonctionne encore mieux quand on prend la personne par surprise. Elle laissa passer un léger silence. Et aussi qu’j’ai d’la chance que t’ai pas mis toute ta force là-dedans sinon je serais probablement transformée en carpette sur la p’louse.

Parce que bon, même si elle ne l’avait frappé qu’au niveau de l’avant-bras elle avait vacillé quand elle l’avait frappé pour de vrai. Son amie lui demanda de refaire le geste. Jilian s’y appliqua trois ou quatre fois, laissant le temps à son corps d’assimiler ce que son cerveau venait d’observer. Elle ne s’essaya pas à tester pour de vrai sur Sofia. Elle avait encore besoin de pratique.

- Ok, je pense que j’ai compris. Ca a l’air rud’ment efficace. J’te dirais si c’est aussi bien qu’ça en a l’air la prochaine fois qu’on s’verra. J’vais filer.

Elle récupéra sa veste qui traînait par terre. Elle doutait que tout ça intéressa vraiment Meyer, même si ce dernier était descendu avec elles deux dans l’arrière cours. Restait qu’elle était contente d’l’avoir rencontré. Il était important pour Sofia alors c’était cool de pouvoir mettre une tronche sur son nom. Jilian lui tendit la main. Elle savait qu’les japonais faisaient pas ça mais c’était pas comme s’il avait l’air du coin et à peu près partout ailleurs les poignées d’main c’était normal.

- Ravie d’t’avoir rencontrée. P’tètre à une prochaine.

Elle lui aurait bien rajouté un « Oublie pas d’bien prendre soin d’Sofia. » mais elle était pas vraiment légitime. Et puis, elle voulait pas que l’mec se vexe et qu’il interdise à Sofia d’la voir. La rouquine savait que tout ordre venant de cet homme serait obéi, quoi que ça puisse coûter à son amie. Alors autant fermer sa gueule et s’montrer un peu polie pour changer. Elle se retourna pour adresser un sourire et un signe de la main à Sofia.

- Encore merci pour l’entraînement. On s’recroisera bien en ville et puis, sinon j’sais où t’trouver maintenant. Prends soin de toi !

C’était peut-être un peu expéditif comme départ mais elle sentait que c’était le moment de filer. Elle avait suffisamment imposé sa présence. Ils avaient peut-être des trucs de prévus et elle voulait pas foutre le bordel dans leur emploi du temps. Elle leur adressa un dernier signe de la main avant de partir pour de bon. Son maître était plutôt un chic type, songea-t-elle en partant.

La proposition ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. En une fraction de secondes, Sofia alla se changer et se rua vers la porte d’entrée pour enfiler ses chaussures et sortir de l’appartement. Jilian et moi nous levâmes en même temps de nos chaises, et nous suivîmes Sofia qui devait déjà être en bas.

- J’crois qu’ça lui fait autant plaisir qu’à moi, déclara la rouquine tandis que nous descendions les escaliers.

Je hochai la tête. Quand il s’agissait de se battre, Sofia était toujours présente, prête à en découdre. C’était un peu sa raison de vivre. Une fois dehors, la jeune femme déposa sa veste dans l’herbe et fit face à son adversaire qui s’échauffait. Elle reçut comme conseil de faire de même pour éviter tout accident. Je regardai autour de moi, trouvai un coin d’herbe où m’asseoir, au pied d’un arbre contre lequel je m’adossai. Elles terminèrent leurs étirements et se mirent en position. Jilian se tenait différemment de Sofia et elle ne semblait pas trop en confiance. Mais peut-être était-ce une stratégie. En fait non. Car même si Sofia la prévint qu’elle allait frapper, elle ne parvint pas à éviter le coup. Heureusement pour elle, elle arrêta son poing avant de toucher sa joue. Le combat reprit. Ce fut si rapide que mes yeux eurent du mal à suivre l’action, jusqu’à ce que Jilian se retrouve au sol.

- A vitesse réelle, c'est plus compliqué, reconnut Sofia en l’aidant à se relever. Tu dois toujours te tenir prête. Si tu te fais surprendre, t'es foutue. N'oublie pas de bien viser la tempe à la fin, c'est ce qui permet de sonner ton adversaire et l'empêcher de répliquer tout de suite.

Jilian hocha la tête, compréhensive.

- OK, va falloir qu’on l’re-décompose lentement d’abord parce que j’suis pas sûre d’avoir tout saisi. D’abord le poing, ensuite l’coude, coup de genou mais après j’suis perdue.

Elle continuèrent l’entraînement. Malgré les nombreuses fois où elle mordit la poussière, Jilian se releva et demanda des conseils supplémentaires, très motivée à l’idée d’en apprendre plus. Sofia était très efficace et ne lui laissait aucune chance. Après quelques minutes de dur labeur, elles firent une petite pause. La rouquine fit remarquer qu’elle aurait besoin de plusieurs séances pour maîtriser parfaitement les mouvements. Il lui fallait juste un peu plus de temps. Je compatissais. Cela faisait longtemps que je ne faisais plus de sport. En voyant Jilian essoufflée et en sueur devant une Sofia en pleine forme, je comprenais parfaitement qu’elle puisse avoir du mal face à un tel adversaire. Elles reprirent l’entraînement. Cette fois, Jilian réussit son coup. A sa manière mais ça passait.

- Tu vois, j’t’avais dit que j’m’étais entraînée ! s’exclama-t-elle contente.

Sofia se releva.

- Ça se voit que tu t'es entraînée, Jilian, confirma-t-elle. J'ai plus rien à t'apprendre sur cette technique à présent, seule la pratique fera qu'tu pourras t'améliorer.

Elle ajouta qu’elle voulait lui montrer quelque chose, une technique d’humiliation apparemment plutôt marrante à adopter : une claque, tout simplement. Surprenant. Mais pourquoi pas ? D’après Sofia, il y avait plusieurs endroits précis pour mettre une claque : l'oreille, la tempe, le menton et le début de la mâchoire.

- Pour commencer, tu dois être bien relâchée du poignet à l'épaule. La frappe va partir de la cheville, on effectue une rotation.

Elle fit une démonstration en frappant l’avant-bras de Jilian. Je regardai attentivement, ça pouvait toujours servir. La technique consistait à faire un mouvement court et rapide, du haut vers le bas car la première réaction de l’adversaire était de se baisser pour éviter le coup. Étourdie, la rouquine assura qu’elle se contentait largement des explications.

- Ceci dit, au moins maintenant j’sais que ça fonctionne encore mieux quand on prend la personne par surprise, déclara Jilian avec un sourire grimaçant. Et aussi qu’j’ai d’la chance que t’aie pas mis toute ta force là-dedans sinon je serais probablement transformée en carpette sur la p’louse.

Pas faux. Même si ce n’était qu’un entraînement, Sofia n’avait pas retenu ses coups. Peut-être fallait-il qu’elle apprenne à se modérer… Pourtant, quand son professeur lui demanda de reproduire le mouvement, Jilian s’exécuta. Elle essaya plusieurs fois jusqu’à maîtriser la technique correctement.

- OK, je pense que j’ai compris, annonça-t-elle satisfaite de ses performances. Ça a l’air rud’ment efficace. J’te dirai si c’est aussi bien qu’ça en a l’air la prochaine fois qu’on s’verra. J’vais filer.

Elle alla ramasser sa veste. Je me mis debout et époussetai mon pantalon. Cet entraînement avait été court mais j’avais pu voir Sofia en pleine action et je pouvais dire que j’étais plutôt fier d’elle. Et Jilian avait fait de beaux progrès. Elle vint me tendre sa main. Je la serrai volontiers.

- Ravie d’t’avoir rencontré, dit-elle aimablement. P’t-être à une prochaine.

Elle adressa un signe de la main à son amie, la remercia pour l’entraînement.

- On s’recroisera bien en ville et puis, sinon j’sais où t’trouver maintenant. Prends soin de toi !

Et elle s’en alla. Au final, je ne connaissais pas grand-chose de cette femme mais à première vue, elle tenait à Sofia et elle avait l’air d’être quelqu’un de bien. Je n’étais pas très doué pour cerner les gens, surtout sur une courte durée. En tout cas, j’étais content que Sofia ait pu se faire une amie comme Jilian.