Balade au coucher de soleil [PV Jilian]

Balade au coucher du soleil

Jilian n'avait pas jugé bon de répondre quant au côté "agréable de l'endroit" pour elle c'était juste un endroit pas trop mal pour piquer un somme. Ou, tout du moins, un endroit donc on était pas encore venu la déloger ce qui était tout à fait suffisant à son humble avis. A la place elle émit un grognement tout en continuant son atelier manuel. La quête de feu se termina par un petit objet tendu par Blondie.

- Tu as de la chance, j'arrive rarement à le garder aussi longtemps sur moi.

La rouquine marmonna un merci qui sembla lui arracher la bouche. Elle n'aimait pas dépendre de qui que ce soit ne serait-ce que pour allumer sa clope. Sa putain de fierté était vraiment mal placée fallait le reconnaître. Enfin, son attitude lui permettait surtout de planquer le fait qu'elle bavait d'envie devant le sandwich de la biquette. Son estomac se tordit douloureusement tandis que des effluves venaient jusqu'à son nez. Elle lui aurait bien juste volé son bien et serais partie avec mais elle voulait pas perdre son squat. Ce qui arriverai certainement si elle barbotait ne serait-ce qu'un bout de pain avec du jambon. Elle alluma la cigarette et tira une longue bouffée. Le tabac avait le mérite d'être partiellement coupe-faim. Elle espérait qu'on allait pas lui faire la morale quant à son tabagisme, c'était un truc qu'elle détestait par dessus tout. A la place Blondie lui fit la plus belle proposition qui puisse être : elle l'invitait à mordre dans son dîner. Une lueur d'intérêt brilla dans l'oeil bleu de la rouquine. Cependant elle n'osa pas tendre la main. Elle ne savait pas trop ce qui l'en empêcha. A la place elle tira de nouveau sur sa clope avant de rejeter une épaisse fumée.

- J'm'appelle Jilian.

C'était court mais ça avait le mérite d'être clair. Elle pouvait pas faire mieux de toute manière. Elle n'était pas très douée pour la parlote et toutes ces choses qui faisaient les "relations humaines". Elle avait plusieurs wagons de retard sur le sujet et elle était pas prête de les rattraper vu la mauvaise volonté qu'elle y mettait.

- Et euh, ouais j'admets que j'ai un peu les crocs.

Elle n'attrapa néanmoins toujours pas l'objet de son intérêt. Dire qu'elle lui avait parlé juste en espérant lui soutirer de la bouffe voilà qu'elle hésitait comme une débile. Elle fuma encore et porta son regard sur les toits qui se trouvaient face à elles. Le silence se faisait presque pesant. Pas comme si Jilian en avait quelque chose à foutre mais elle se sentait redevable de la proposition de Blondie aussi avait-elle décidé de faire un certain effort de communication.

- Tu fais quoi dans la vie ?

Ca sortait un peu de n'importe où mais bon. Elle espérait juste que la demoiselle ne lui retournerait pas la question. Dire qu'elle était sdf, voleuse et menteus ne serait certainement pas pour la rassurer. N'ayant pas reçu de contre ordre de la part de la propriétaire Jilian se saisit de la nourriture qui trônait encore sur les genoux de la blonde. Elle croqua dans le pain et prit le temps de bien mastiquer. Elle savait qu'elle devait profiter qu'on lui offre quelque chose à se foutre sous la dent. C'était loin d'arriver tous les jours, autant profiter. Et puis, vu son hygiène corporelle globale il était presque certain que Sarika -elle faisait même mentalement un effort pour cesser de l'appeler Blondie- ne voudrait pas récupérer sa bouffe.

Balade au coucher du soleil

Jilian gromella de nouveau un merci, cette fois-ci pas à cause de sa mauvaise humeur habituelle mais parce qu'elle avait la bouche pleine et que, du coup, elle pouvait pas articuler convenablement. Elle sentait le goût de la viande, exacerbé par le gras présent dans le jambon, se répendre dans sa bouche. C'était vraiment la meilleure surprise de la semaine. Voire même du mois. Le pain était croustillant et même pas de la veille. C'était presque le luxe aujourd'hui en fait. Bon, fallait pas non plus déconner, y'avait des jours où elle bouffait correctement mais elle avait un peu tendance à dépenser ses thunes à tort et à travers. Blondie lui avait définitivement légué ce bien en ajoutant qu'elle pourrait parfaitement re-manger plus tard. L'humaine hocha la tête pour toute réponse. Elle-même était posée juste à l'entrée de son palace. Un rictus cynique déforma ses traits pendant quelques secondes avant qu'elle ne se reprenne. On attaque pas les gens qui nous offre à bouffer. Elle écouta la cornue lui parler de son taff en tant qu'assistante du magicien. Fugacement Jilian se dit que ça devait être bien sympa et qu'elle aurait voulu être à sa place. Elle rejeta très rapidement cette pensée. La bonne Sarika avait paumé une corne et avait des cicatrices ça et là. Elle devait pas dû couler que des jours paisibles au cirque, fallait pas rêver. Elle était hybride et, ici, c'était très loin d'être gage de bons traitements.

- Ouais, ouais, j'viendrais ptètre. Si j'ai l'temps.

La rouquine savait que c'était un mensonge éhonté. Elle avait largement mieux à faire de ses journées et des quelques sous qu'elle grattait que d'aller au cirque. Elle n'avait jamais aimé ces endroits. Elle s'y sentait à l'étroit. Quelque part une petite voix lui susurra qu'elle aimait pourtant ça quand elle était enfant. Elle la chassa en croquant férocement dans le sandwich. Elle ne voulait pas penser à sa vie en Irlande. C'était du passé. C'était très loin. Ca servait à rien d'y penser. Ce lui remplirait pas l'estomac et ça lui offrirait pas de quoi oublier la réalité. Biquette la sortit de ses pensées de manière assez désagréable en lui retournant sa question. Jilian eut un sourire sans joie et fit face à Sarika, délaissant sa contemplation des toits de Togi pour quelques instants.

- J'pense pas que tu veuilles vraiment savoir, c'est très loin d'être glamour et j'pense qu't'es suffisamment futée pour capter que ch'uis pas une lady habituée au luxe.

Elle était plus que consciente de sa pauvre situation. Cependant, entre le savoir et l'exprimer il y avait une grande différence. Mette des mots sur ce qu'elle était et les prononcer à voix haute rendrait le tout beaucoup trop réel. Elle préférait essayer d'ignorer ce qu'elle était. C'était bien plus confortable. Elle faisait l'autruche avec application, essayant de se persuader que de toute manière elle n'avait que ce qu'elle méritait et qu'aucune autre vie que celle-ci ne lui conviendrait jamais. Mieux valait souffrir en être libre que d'être bien traitée mais entravé par la bienséance et toutes ces conneries dans lesquelles se pavanait le monde.

- Dans tous les cas ça doit être sympa d'bosser au cirque. Certainement pas simple mais mieux que rien. Ils te traitent correctement là-bas ou ils en ont rien à foutre comme la plupart des mecs qui s'offrent des hybrides ?

Elle savait que cette question était parfaitement indiscrète mais ce n'était pas comme si le tact et Jilian étaient les meilleurs amis du monde. Elle partait simplement du principe que si une question nous plaisait pas suffisait de pas répondre. Ou mentir. C'était aussi une option qu'elle utilisait régulièrement. Enfin, dans tous les cas, la bonne Sarika pouvait faire ce qu'elle voulait de sa question, elle était juste curieuse. Elle savait que les hybrides étaient très loin d'être bien traités la plupart du temps et vu les marques sur le corps de la cornue Jilian se demandait seulement si elle avait trouvé un meilleur cheval sur lequel miser.

Balade au coucher du soleil

Blondie eut la bonne grâce de s'excuser d'être venue trop près de chez elle. Jilian se contenta de hausser vaguement une épaule pour toute réponse. Elle lui aurait bien dit "Merci" mais c'était pas vraiment le style de la maison, même si la personne à qui ce mot aurait dû s'adresser à quelqu'un qui venait de lui donner à manger sans rien attendre en retour. L'irlandaise remarqua aussi que l'autre la prenait pour une hybride. Cela amena un sourire cynique sur les lèvres de Jilian. Ils pensaient tous que les humains ne pouvaient pas se trouver dans les rues sans un sous et pourtant. La rouquine en connaissait plusieurs. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'il y en avait autant que des hybrides mais il y en avait quand même.

- C'est cool qu't'ai trouvé un endroit où il fait bon vivre.

Elle était sincère même si le ton de sa voix ne le laissait pas forcément croire. Sa voix était un peu atone et elle gardait son regard diminué sur les toits. Elle était vraiment contente pour Blondie de savoir qu'elle avait réussi à se tirer de la rue. Elle-même ne savait pas si elle avait vraiment envie de s'en sortir. Ce qu'elle savait de ce qu'il se passait hors de la rue elle n'avait pas vraiment envie d'y retourner, aussi pourrie sa vie puisse-t-elle être elle préférait ça à ce qu'elle avait avant. Ou, tout du moins, c'était ce dont elle s'auto-pressuadait depuis plusieurs années. Jilian offrit un regard étonné à Sarika lorsqu'elle lui demanda si elle était hybride ou humaine. Elle n'était pas étonnée qu'on ait pu lui poser la question, ce n'était pas la première fois, mais elle ne pensait pas que cela viendrait aussi rapidement dans la conversation alors qu'elle venait juste de se rencontrer. A la mention de ses cheveux Jilian ne put s'empêcher de laisser échapper un espèce de rire plus proche de l'aboiement. Elle ne pouvait pas faire autre chose de toute manière. Mieux valait en rire qu'en pleurer et puis, elle savait qu'elle ne payait clairement pas de mine.

- N'as-tu pas envie de vivre dans une maison comme tout les autres ?

Cette phrase-ci, par contre fâna immédiatemment son sourire. Elle se contenta de lancer un regard sans vie depuis son oeil valide. Elle ne savait pas trop quoi répondre à cette question. Elle finit par détourner le regard, incapable de soutenir la lueur qui brillait dans le regard rouge de Sarika. Cette dernière avait dû passer de sales moments et elle ne savait pas ce qu'elle pouvait s'autoriser à répondre ou non. Pas qu'elle s'attarde beaucoup sur ce que les autres pouvaient ressentir néanmoins, aujourd'hui, c'était un peu particulier. Malgré tout, chassez le naturel et il revient au galop. Les mots s'échapèrent sans qu'elle n'ait de moyen de les penser, de les ressasser.

- Ch'ais pas si j'pourrais m'y faire. Souvent j'me dis qu'ce s'rait bien d'pouvoir rentrer chez soit, d'bouffer à sa faim et d'pas avoir à voler. Mais ça fait tellement longtemps que j'vis comme ça, je sais pas si j'pourrais encore vivre enfermée entre quatre murs.

Elle avait l'impression d'être bien loin de Blondie. Cette dernière avait fait en sorte de se sortir de la rue, elle avait trouvé un certain équilibre et même, si Jilian en croyait ce que la cornue affichait, une certaine sérénité. Jilian mit dans sa bouche la dernière bouchée du sandwich. C'était agréable de sentir son estomac qui ne cirait plus famine. Ce n'était pas un repas dantesque mais ça avait le mérite d'être suffisamment consistant pour qu'elle ne sente pas cette crampe qu'elle avait appris à si bien connaître au cours des années.

- Mais ouais, ch'uis humaine et j'vivais avec mes vieux jusqu'à c'que j'me tire. C'était y'a longtemps, ajouta-t-elle en tournant de nouveau son regard borgne vers Sarika.

Il n'y avait rien de plus à dire sur le sujet. Elle s'était barrée pour une raison idiote et n'avait pas pu faire marche arrière. Elle s'en rendait compte maintenant mais ne se risquait que très rarement à se l'avouer. Elle posa ses mains à plat dans son dos, les yeux tournés vers les étoiles.

- On m'prend souvent pour une hybride. Les gens, ou les hybrides tels que toi, pensent tous que les humains ont de bonnes conditions et c'est l'cas pour ceux qui achètent des hybrides. Mais on est un paquet dans les rues, juste parce qu'on a pas de taff ou que sais-je.

Elle n'apportait là aucune critique. Ce n'était qu'un constat, qu'un reflet des pensées qu'elle avait eu quelques minutes auparavant. Elle n'avait pas pour habitude de mâcher ses mots et ces quelques phrases en étaient la pure illustration.

Balade au coucher du soleil

Lorsque Blondie lui demanda si elle pouvait la dessiner la clocharde haussa un sourcil surpris. Elle se foutait de sa gueule ou quoi ? Ceci dit ça ne semblait pas en être une. L'hybride sortit d'on ne savait trop où un calepin et un crayon. Devant prendre l'air incrédule de la rouquine pour un refus elle lui proposa de la nourriture voire même de l'argent en échange. Trop éberluée pour répondre Jilian se cantonnant à répondre à la question concernant sa vie dans la rue. C'était trop bizarre qu'on veuille la dessiner. Lui courir après parce qu'elle avait volé un truc, ouais, souvent mais ça. Elle ne parvenait pas à comprendre alors elle préférait éviter le sujet le temps qu'elle trouve ce qu'elle devait en penser et, par extension, qu'elle sache quoi faire à ce sujet. La conversation se poursuivait, sans trop de soucis jusqu'à ce que Blondie s'aventure sur un terrain beaucoup trop glissant.

- Mais qu'est-ce qui peut pousser à quitter ses parents ? Ils étaient violents ?

A ces mots la jeune femme se raidit. Il lui avait pourtant semblé avoir montré clairement qu'elle n'avait aucunement l'intention d'approfondir le sujet. Elle cherchait quoi la biquette ? A la faire sortir de ses gongs ? A démontrer qu'aucun humain ne pouvait être parfaitement sympa avec une hybride ? La rouquine tourna un regard brûlant d'une colère contenue en direction de sa compagne du soir. Ce qu'elle vit la calma presque instantanément. Les yeux rubis étaient calmes et ne laissaient pas le moins du monde à penser qu'il y avait une quelconque mauvaise intention derrière tout cela. Jilian soupira bruyamment avant de ressortir son paquet de tabac. Ca lui valait rien de cotôyer d'autres êtres vivants. C'était trop compliqué. D'autant plus qu'elle disait avoir "vu" que l'autre ne pensait pas à mal mais ça s'trouvait qu'elle était juste bonne manipulatrice.

- J'veux pas en parler.

Comme ça il n'y avait plus moyen de s'y tromper. Si elle revenait à la charge soit elle était très impolie soit elle se foutait vraiment de sa gueule. Dans les deux cas ça l'agacerait fortement et elle s'autoriserait certainement à essayer de lui envoyer une droite. Elle pensait bien "essayer" parce qu'au vu des muscles secs qui courraient tout le long de ses bras Blondie n'était pas un joueur à prendre à la légère. Dans tous les cas, ses résolutions d'amabilité ne s'étant pas encore complètement envolée, elle tenta de reprendre la conversation, et le tout sur un ton moins sec que sa dernière phrase. Ce qui ne serait certainement pas bien compliqué vu qu'elle avait dit ne pas vouloir parler de son passé sur un ton des plus cassants.

- Et j'pense qu'ici comme ailleurs y'a des gens bien et y'a des cons. Doit bien y'avoir des humains bien lotis et sympas. Enfin, j'en sais rien. Moi t'sais, à part essayer d'm'en sortir...

Elle laissa sa phrase en suspens, pas bien certaine de ce qu'il se passerait si elle la terminait. Parce que l'état des droits des hybrides à Togi fallait bien avouer qu'elle en avait absolument rien à foutre. Si ce n'était quand alimenter la guerre entre les rebelles et les autorités lui permettait de gagner un peu d'argent. En dehors de ça elle se tenait aussi loin que possible de cette histoire. Ne serait-ce que parce qu'elle n'avait sur elle que d'anciens papiers d'identité qui avaient cessé d'être valables depuis au moins trois ans.

- Et pour l'dessin j'vois pas pourquoi j'te dirais non. Fais comme tu veux même si j'vois pas bien quel intérêt peut y'avoir à m'croquer.

Jilian s'absorba dans le roulage d'une nouvelle cigarette. Elle avait encore perdu ce putain de feu et, un demi-sourire aux lèvres, elle annonça son prix à Sarika.

- Pour toute rémunération si j'pouvais garder ton briquet ça s'rait parfait.

On la sentait légèrement amusée. Elle savait que c'était ridicule et qu'en plus de ça elle était revenu sur un sujet qu'elle avait délibéremment éludé précédemment. Blondie devait la croire complètement toquée à l'heure qu'il était. Mais bon, quelle importance après tout ?

Balade au coucher du soleil

La conversation mourut d'elle-même en suivant les réponses de Blondie. Cette dernière semblait rester légèrement pensive face à ce que venait de dire la rouquine. Qu'il pouvait y avoir du bon et du mauvais partout, chez les humains comme chez les hybrides. Aux yeux de la clocharde ils n'étaient pas si différents en définitive. Chacun cherchait seulement à vivre au mieux au dépend de la liberté d'autrui. Parce que fallait pas croire qu'avec cette histoire d'asservissement des humains y'allait pas y avoir des abus. Jilian était persuadée que cette loi instaurée par le maire ne ferait qu'envenimer la situation. Les Révolutionnaires n'étaient pas du genre à faire dans la finesse mais ils n'étaient pas non plus complètement cons. Ca allait bien leur permettre de ralier quelques humains à leur cause. Ce dont se passerait bien les autorités cela allait sans dire. Absorbée par ses pensées la rousse n'entendit que d'une oreille distraite la réponse de Sarika. Elle se contenta de hausser un sourcil étonné lorsque la jeune femme déclara la trouver jolie. Elle laissa passer et revint sur la question de ce qu'elle gagnerait à accepter de voir son portrait couché sur le papier. L'accord de la dessinatrice obtenu Jilian plaça le briquet dans l'une des poches de sa veste. Parfait. Elle avait mangé et trouvé un nouveau briquet. Elle avait bien fait de pas se montrer trop désagréable avec Blondie lorsqu'elle l'avait aperçue.

- On m'attribue souvent des qualificatifs mais "jolie" ça a pas dû arriver bien souvent.

Des souvenirs d'une vie lointaine lui revinrent pourtant. Sa mère avait coutume de lui dire qu'elle était belle. Elle songea aussi à Will qui lui disait que son oeil et sa chevelure flamboyante lui donnaient un air sauvage. Elle n'aimait pas repenser à sa vie d'avant la rue mais, parfois, les images revenaient malgré elle.

- Enfin, on m'l'avait pas dit depuis longtemps.

On pouvait presque sentir une certaine tendresse dans sa voix rauque. Elle alluma la cigarette qu'elle venait de rouler, plus par habitude que par réelle envie. Elle tira une bouffée avant de poser son menton dans sa paume, cigarette calée entre le majeur et l'index. Elle glissa un regard en direction de l'hybride qui profitait des derniers rayons du soleil pour capturer ce moment. Jilian admirait les artistes. Non pas qu'elle eut voulu en devenir une, elle estimait avoir égaré sa sensibilité et son âme il y avait trop longtemps, elle aimait simplement les voir évoluer.

- Tatoueuse, hein ? Laissa-t-elle échaper, pensive.

Son oeil valide était toujours tourné vers Sarika bien que le reste de son corps fut davantage en direction du vide. Ne pas montrer d'attention trop soutenue, c'était impoli. Et puis, de toute manière, c'était pas comme si elles allaient devenir les meilleures potes du monde alors bon.

- Ca t'plairait de savoir dessiner sur la peau des gens ? Tu aimerais faire quoi ? Réalise, bioméca ?

Elle-même avait une préférence marquée pour ce qui se faisait en noir et gris. Ca faisait au moins un sujet de discussion. Un qui convenait très bien à la rouquine parce qu'il n'était pas question de sa vie privée ou de quoi que ce soit du genre. Le terrain était parfaitement non-glissant. C'était parfait.

Balade au coucher du soleil

La rouquine hocha lentement la tête lorsque Sarika lui fit part de son stress en cas d'échec pour un tatouage. Elle comprenait. C'est sûr que c'était une sacré responsabilité que de déposer sur la peau de quelqu'un quelque chose d'indélébile. S'il y avait un manqué le dessin pouvait devenir sacrément laid. Jilian ne chercha pas à se montrer rassurante, ce n'était tout simplement pas dans son cractère. Il continua de fumer, le regard courant distraitement sur les toits. Elle n'avait pas relevé sur ce que l'hybride avait dit sur son physique, considérant la question qui avait été posée comme étant rhétorique. Elle ne s'aimait pas beaucoup alors elle n'avait pas envie de s'attarder sur le sujet. Le tatouage était nettement plus approprié.

- Je ne connais pas encore tout les styles, je les apprends petit à petit. Mais j'aime bien le réaliste. J'ai plusieurs tatouages sur moi, mais je ne sais pas si j'aimerais reproduire ce genre de dessins.

De nouveau la rousse se contenta de hocher la tête, ses yeux explorant rapidement le corps de l'hybride à la recherche desdits tatouages. Elle avait bien sûr vu la fleur au niveau de sa corne manquante ainsi que la partie de celui qui se trouvait sur sa poitrine mais avant cet instant elle n'avait pas noté l'arbre qui pointait le bout de ses branches dans le dos de la blonde. Elle était pas forcément très observatrice. Jilian la vit prendre du recul par rapport à sa page, effacer, préciser un trait. Ce n'était finalement pas si désagréable. Elle finit par lui brandir la page que la rousse regarda sans vraiment se reconnaître. Pas que c'était mal fait. Simple manque d'habitude. C'était comme se voir par les yeux de l'hybride et ce qu'elle voyait n'était pas si laid. Les ombres et lumières accentuaient ses traits trop fins mais Sarika avait eu l'amabilité de gommer certaines imperfections comme les cernes qui couraient sous ses yeux ou l'aspect crasseux de ses cheveux.

- C'est vrai que j'ressemble presque à quelqu'un de fréquantable là-dessus, finit-elle par dire avec un sourire en coin.

Venant de la sans-abri c'était là un très beau compliment. La blonde ne s'en rendrait peut-être pas compte mais ce n'était pas important. La soirée s'était mieux passée que prévu. C'était tout ce qu'il fallait retenir de tout ça. Il y avait bien peu de chances pour que leurs routes se croisent de nouveau.

- Et si tu as envie de venir me voir ou une faim insoutenable, tu sais où me trouver.

Jilian la remercia tout en sachant pertinemment qu'elle n'irait pas. Sarika était très gentille mais elle-même n'irait pas imposer sa présence à ceux qu'elle appelait affectueusement "les garçons". Elle n'avait pas besoin qu'on lui fasse la charité. Elle savait que ce n'était pas dit dans ce sens là mais c'était malgré tout ainsi qu'elle le ressentait. Elle se débrouillerait, fallait pas s'en faire. Depuis le temps elle connaissait les astuces pour survivre même au plus fort de l'hiver.

- Merci pour le feu et ptètre à une prochaine.

Elle n'ent dit pas plus tandis que la blonde récupérait son manteau et tournait les talons. Comme quoi fallait peut-être qu'elle laisse une chance à l'humanité. Ca avait pas été si désagréable de discuter avec l'hybride. Elle haussa une épaule et se dirigea vers les quelques effets. Elle sentait qu'elle avait les paupières lourdes et préférait profiter du sommeil pendant qu'il voulait bien venir à elle.