Eh ben euh bonjour? [Luna]

Euh, nan mais c'est bon, tu peux lacher ma main, hein, j'allais repartir! Et serre pas comme ça, enfin, c'est bon, quoi! Bon inutile de chercher à se libérer. J'étais déjà en train de reculer ma main quand elle l'a attrapé, et je peux dire à sa poigne qu'elle me lachera pas. Joli sourire, joli rire, et jolis yeux tout blancs. Elle est aveugle? Hmm, non, elle plisse les yeux. Photophobique, plutôt. Nom merdique, au passage, puisque c'est pas une peur de la lumière en vrai, mais une hypersensibilité prononcée. Je ne peux que compatir, j'ai eu ça, gamine. Une chératite, pour moi. Trois longs mois de collyres et de lunettes noires... Meme en classe. D'ailleurs, elle devrait s'abstenir d'enlever ses lunettes, ça va pas l'arranger.

Ouf, elle n'a rien. Je me connais je sais que je peux être brusque dans mes mouvements, et que j'ai du mal à maitriser mes mouvements quand je vais vite. Sinon... QUOI?! J'écarquille les yeux. Non, mais Sérieux?! Mais c'est quoi le problème là! Pourquoi tous les hybrides avec qui je RP en dehors du centre veulent me bouffer?! Attends avec qui je quoi? Oulah, je surchauffe moi. Et sérieux, ma cocotte, tu te rends comptes d'à quel point ce que tu dis est dangereux?!

Ok, alors dans tes mots visiblement, oui, tu te rends compte. Que ce monde est un monde d'humains et que les hybrides seules comme toi (oui, toi t'es seule, échappée ou je sais pas quoi) sont loins d'avoir un quelconque droit. Mais j'ai l'impression que c'est au cerveau que c'est pas monté. Un peu comme les gens en deuil, vous savez? Qui s'inquiètent du retard de la personne qu'ils viennent d'enterrer, parce que le cerveau n'arrive pas à envisager la possibilité que cette personne ne soit simplement plus. Ou qui préfère occulter cette hypothèse simplement pour se protéger d'une faille, d'une fissure qui pourrait se propager et briser l'être en 1000 morceaux. Et bien évidement, une fois cette phase finie, oui, la personne éclate en morceau, et faut tout recoller après... Quand elle éclate pas quelqu'un d'autre au passage. C'est bien ça, non, le principe des phases du deuil?

Je reprends ma main, subit la tape dans le dos, et la laisse s'exprimer sans commenter. Ah, mais arrête de dire putain à toutes les phrases! Je me contente de ranger mes feuilles et de vérifier dans mon sac la présence de mes armes. Parce que oui, j'ai fini par comprendre que Sofia n'avait pas tort, l'île est dangereuse. Et une midinette comme moi c'est un coup à me faire bouffer. Surtout que visiblement, que ce soit Sofia ou cette nana, pour elles c'est littéral. Et autant je peux le comprendre venant de la chienne louve, en mode "touche pas à mon mec" (bon, ok "mon maitre"), autant là... Non, à mon avis c'est juste qu'elle execre les humains. Bref, donc la midinette que je suis s'est armée. Pas avec grand chose, faut pas rêver. Je reste une majeure sous tutelle ET avec un casier judiciaire, j'aurais du mal à me procurer une arme à feu, ni même un couteau. Et même si j'avais, je saurais pas m'en servir. Un déo avec alcool en spray. Ca, c'est Milou qui m'a suggéré ça. Une alternative à la bombe au poivre, sauf que j'ai pas besoin de l'autorisation de mon tuteur pour acheter ça. Et deux seringues IM préremplies de Loxapac. Ca, j'ai pas dit à mon tuteur que j'en avais. Officiellement, ces deux seringues sont marquées dans le registre comme "cassées accidentellement". Même que j'ai un peu galéré à tricher comme ça, mais bon, c'est un sédatif efficace rapidement, qui n'a pas besoin d'être injecté dans une veine, encore plus facile à voler que des morphiniques (en soit, j'aurais même pu m'abstenir de ma comédie au taff, c'est pas des produits très surveillés) et les piqures, je maitrise par coeur.

Nan mais arrête de sourire, faut pas. Quand tu souris c'est malsain. J'ai vraiment l'impression d'entendre Milou et Célia pendant une partie de jdr... Elle a pas une gueule de requin, contrairement au personnage de Jérémy, mais le sourire doux gentil avec les mots hyper dur? Elle peut bien prétendre qu'elle plaisante, je doute qu'il y ai besoin d'être hypersensible comme moi pour deviner qu'elle pense ce qu'elle dit. Et que ouais, le sourire c'est malsain. Moi, je souris pas. J'ai pas non plus l'air d'avoir peur. Je crois que t'es surtout trop con pour avoir peur... J'ai l'impression d'être face à un couple patient maitre chiant, comme l'autre gros relou qui me demandait  à quelle heure je terminais pendant que je fendais le platre de son hybride... J'ai de la patience, mais pour autant, faut pas en abuser. Et là, elle me met plus en rogne qu'effrayée avec ses menaces. Parce que franchement, tout ce que je demandais c'était d'étudier, pas de me faire menacer de mille morts! Surtout que merde, j'ai rien fait, cette fois! Mon nom? Compte pas que je te le donne. Ce que j'étudie, hein?

"La théorie du tricot chez les suricates."

Oui, c'est what-the-fuckesque. En même temps... question con, réponse... D'ailleurs c'est pas vrai. J'ai mis du temps avant de réussir à sortir cette phrase sans rigoler. J'ai aussi une réponse aux questions "vous finissez à quelle heure", et "c'est quoi votre numéro de téléphone", que j'ai appris à sortir sur ce même ton tout à fait sérieu, presque sans appel, et en même temps poli. Des heures de travail, j'vous jure. Ca suffit à décourager les plus fins des dragueurs de bas étages. Pour les autres, le second avertissement est nécessaire, et un troisième est même prévu sur les feuilles de "comment se débrouiller toute seule loin de nous en ville" offertes par Milou. Ca y est, j'ai fini de ranger mes affaires dans mon classeur. Sur lequel y a marqué en gros "cursus assist. vét.", avec un dessin tout mignon d'une infirmière en tenue façon manga. Pas facile d'ailleurs de trouver des dessins mangas d'infirmière en tenue MIGNONNE et non vulgaire. Je met le classeur dans le sac.

"Et tu devrais arrêter de regarder les gosses comme ça. Ca fait vraiment psychopathe."

Nan parce que franchement, que tu menace une adulte... oui, bon, de dehors, j'ai l'air d'une adulte! Ca passe encore. T'es une hybride révoltée contre les humains, ok, normalement, la fac comme le stage me répêteraient d'appeler immédiatement le QG des rabatteurs pour ne pas "laisser ce pauvre hybride tout seul et perdu il doit être amené au centre de dressage pour retrouver un sens à sa vie". Que dalle. Je dénoncerai pas et te laisserai aller te faire pendre ailleurs, comme dit l'expression. Par contre, les gosses, non. Faut pas exagérer.Tu te la joue surement pas Groach avec eux... Sur ce, moi, je me lève, et je m'éloigne, tranquille. J'vais chercher un autre banc, ou je pourrais réviser tranquille, sans qu'on me tire le poignet. J'veux bien, hein, discuter cinq minutes avec les gens... Pas entendre un discours sucré salé très salé sur l'humanité, parsemé de menaces de morts à la c!

Bon. Y a un banc de libre, pour m'y assoir? Parce que c'est bien d'être partie la tête haute, mais là niveau place... J'ai le choix entre le banc occupé par un couple de tourtereau, ou celui avec une dame qui parle au téléphone et fais des grands gestes. Ouais, on va chercher plus loin. Alors que je tourne sur moi même à la recherche d'un nouvel emplacement où poser mes fesses et mes cahiers, je vois du coin de l’œil la fille, debout devant le banc que nous partagions, l'air... ben de là où je suis je dirai l'air un peu con. En soit, c'est pas vraiment mon problème. Elle est blessée? Tant pis. Moi je me protège. Je suis déjà assez instable avec mes soucis personnel et mon travail sans avoir besoin d'elle pour fissurer un peu plus mon équilibre. Ah, tiens? Les tourtereaux s'en vont, tout mignons, main dans la main. Bon, ben j'en profite, hein?

Uh? On vient de me passer en coup de vent. C'est encore la noiraude. Oui, surnom de merde, mais j'ai pas mieux. Elle a la peau noire, les vêtements noirs... Ouh, ok, euh tu sais que c'est pas la peine de te mettre à genoux comme ça? Et que tout le monde va te remarquer? Manqué de... C'est pas vraiment les termes que j'aurais employé. D'un autre côté "complètement merdé", c'est pas mieux. En général, insulter et menacer, même "pour de rire", c'est un mauvais début à la première rencontre. Bon, le reste, c'est décousu, voire recousu de fil blanc. Pas l'habitude des humains, aime aime pas, j'suis même pas sure qu'elle comprenne ce que... Attend. Oh merde.

Tu m'étonne qu'elle ne soit pas claire, elle est en train de s’asphyxier! Et vu que c'est le cerveau qui y est le + sensible... Elle a du commencer a perdre le fil de ses pensées avant même de se rendre compte qu'elle ne respire pas correctement. Au moins elle réagit instantanément, c'est peut-être pas la première fois. Changer l'eau? Non, pas tout à fait. Déjà l'empêcher de se blesser. Limiter sa consommation d'oxygène. J'accroche son regard, enfin autant que je peux puisque je vois pas ses yeux.

"Calme. Respire doucement."

Oui, plus facile à dire qu'à faire. Mais le danger là, c'est pas l'insuffisance en Oxygène, mais plutôt une trop rapide consommation du peu qu'il reste. Je répète ça, plus ou moins en boucle, en essayant de lui faire adopter un "bon" rythme de respiration, propre à calmer les angoisses.

"Respire." Un, deux, trois secondes. "Bloque." Un, deux, trois. "Souffle." Un, deux, trois, quatre. Et on recommence. "Respire."

Bon, tandis que j'essaie de lui imposer cette litanie, en espérant que sa panique ne l'empêchera pas de s'y tenir, je ne reste pas inactive. Elle a décroché son réservoir de son dos, je l’attrape, je le vide partiellement... et non, je ne le remplis pas à la fontaine. D'abord, on sécurise. J'y renverse donc le contenu de ma bouteille. Évidemment, c'est juste une bouteille de 50cl déjà entamée. Mais c'est suffisant pour qu'elle sente une petite différence quand je reconnecte l'engin.

"Respire. Bloque. Souffle. Tu sens l'oxygène qui revient? Respire le doucement. Inspire. Bloque. Souffle. Doucement, pour le laisser être efficace."

J'ai la voix douce de la soignante. Je sais ce que je fais, ma cocotte, alors calme toi, et fous pas mon travail en l'air. D'abord, sécuriser. Un gardien s'approche de nous.

"Tout va bien, mademoiselle?"

J'entends la question sous entendue: Est-ce qu'elle vous importune? Et en même temps, ben ça m'arrange qu'il soit là parce que j'ai pas 4 mains.

"Juste une insolation. Vous pourriez me remplir cette bouteille? Je suis vétérinaire."

En clair "je suis compétente, fais ce que je te dis". Et tant pis si je mens sur mon niveau d'expertise. Doucement, je prends le pouls de la bonne femme. Je précise au passage, histoire de pas la paniquer plus qu'elle n'est. J'ai comme qui dirait cru comprendre qu'elle aimait pas les contacts.

"Je prends ton pouls. Tu vas recevoir un peu plus d'eau propre dans une minute. Assez pour aller à la fontaine. Mais d'abord, il faut que tu te calme, pour ne pas gaspiller tes provisions. Tout va bien."

D'abord, sécuriser. Ensuite, traiter.

Bon, il faut un peu de temps mais elle se calme. Tant mieux, parce que j'avoue que j'aurais eu l'air con si elle s'était débattue sous la panique. Y a des humains de confiance? Euh cocotte, les humains c'est comme tout, hein? Moitié con, moitié sympa, un tiers connards. Et ça change selon les jours... Bon, elle rouvre les yeux et... Elle recommence à s'agiter. Est-ce qu'elle divague ou... Nan, mais oh, pose ton cul par terre!

"Doucement."

Le ton est ferme, en accord avec mes mains qui se déplacent sur son épaule pour la "contraindre" à rester au sol. Oui, je met des guillemets, parce que j'ai pas la poigne assez forte. Et je tais le "t'auras pas l'air plus sécure si tu t'écrase comme une merde devant eux." Mais à mon avis il se lit sur mon visage. Elle continue de divaguer un peu vite, et de glousser nerveusement, j'ai dans l'idée qu'elle a pas encore récupéré. Quand aux trois gars un peu chelou, je me contente de hausser un sourcil dans leur direction. Ben quoi, les gars, vous avez rien de mieux à foutre? Ils baissent les yeux. Ouah, je ne me savais pas si intimidante. J'aurais peut-être du faire ça avec Sofia... Ah non, ok, c'est le gardien qui est intervenu. Ouais c'est de suite plus logique.

Un sourire au cinquantenaire, et je récupère ma bouteille d'eau. Évidemment elle en profite pour essayer encore de se redresser... et réussit à se mettre à genoux. Oh elle m'agace...

"Arrête de gigoter. Je t'ai dit d'économiser tes réserves."

Bon, sang, elle a pas l'habitude du réservoir ou quoi? Pourtant elle sait le manipuler, et c'est pas hyper simple et intuitif, il m'a fallu quelques jours pour comprendre. Et elle continue dans son délire. L'empoisonner pour la revendre... Alors cocotte, heureusement pour toi que le gardien a pas l'air d'avoir bien entendu, parce que sinon, il aurait bien compris que t'es sauvage et je jurerai qu'il a reçu la même formation que moi à ce sujet: "contactez les rabatteurs immédiatement patatipatata." Oh moins elle est à peu près consciente qu'elle est pas en état de s'enfuir en courant. Après je ne doute pas qu'elle pourrait m'en mettre une... Ca l'avancerait pas à grand chose, mais bon.

Allez, nouvelle dose d'Oxygène. Respire. Oui, t'as failli y passer. Mais t'inquiète, je te le ferai sentir tout à l'heure. Et bordel, t'as toujours pas récupéré un rythme pulsatile normal, ta tension est en train de redescendre, tu vas te recasser la gueule dans trente secondes! Je veux bien entendre qu'elle ne veuille pas paraitre "faible", mais quand même! Une fois par terre elle sera comment?

Bon, le gardien nous laisse sur une banalité, le même genre que moi quand on me dit "vous êtes gentille" et que je réponds que ça fait partie de mon travail. Et l'autre qui repart... Euh, c'est quoi le rapport entre "je sais que tu te foutais de ma gueule" et "tu m'as sauvé les miches?" J'suis pourtant pas hyper linéaire niveau pensées mais là, elle est partie loin! Et se retrouver asphyxier à la merci de n'importe quel humain, c'est sa définition de "ne pas se faire chier"?

"Assieds toi. Tu vas"

le tomber je le prononce pas, il vient de se produire. Bon, on prend une grande inspiration par le nez, on souffle doucement... La traiter d'imbécile suicidaire ferait-il avancer le schmilblick? Nan, je crois pas. Donc... Et elle a faim. Ah, ah, hilarant.

"Alors. Pour la quatrième fois, tu attends que ton organisme aie récupéré. T'as pas eu l'air assez con de t'effondrer, tu veux remettre le couvert? Ensuite, si tu veux haïr les humains, c'est ton droit, mais vu que tu semble inapte à te gérer seule, je te conseillerai de la mettre en veilleuse. Et oui, c'est pour toi que je dit ça. Et enfin, cocotte, tu vas me faire le plaisir de te mettre une bouteille de flotte dans ton sac, histoire de pas te retrouver à nouveau dans la merde."

Le ton est pas froid, mais clairement agacé, et recadré. J'appuie volontairement certain mots, histoire d'être sure qu'ils sont bien compréhensibles. Certes, mon accent est meilleur depuis que je vis ici, mais je reste Gaijin. La preuve, le "cocotte" en français. Objectif? "l'assomer", la couper dans son élan, et ainsi la reprendre en main. Je fouille dans mon sac... J'ai une barre hyperprotéinée vanille noisette. Déjà au nom c'est pas top, au gout c'est immonde et elle est à moitié écrasée. Mais c'est des fois tout ce que j'ai pour tenir la journée, c'est pratique. Et pis eh, j'vais pas l'inviter au resto non plus? Je vérifie son pouls, accompagné d'un "montre ton pouls", et... mouais pas hyper stable encore, mais mieux.

"Pas la tête qui tourne? Allez attrape mon bras, on va finir de remplir ton réservoir. Et prends la bouteille avec toi."

Ca, une bouteille d'eau, je peux être généreuse, ma logeuse ne boit que de l'eau minérale, donc prendre une bouteille vide c'est fastoche. Je ne l'autorise pas à marcher seule. j'ai posé d'autorité a main droite sur mon avant bras droit, et j'ai la main gauche qui se tient prête à la rattrapper par le fond de son pantalon. De manière à l'accompagner au sol si elle tombe. Et c'est comme ça que je la guide au lavabo vide.

"Tu t'es pas enfuie depuis longtemps toi."

Oulah. Bon, je crois que le ton "soignante en colère" est plutôt au point. Ou qu'elle a pas l'habitude de se faire gronder par quelqu'un qui pense d'abord et avant tout (bon peut-être pas avant "tout" mais quand même) à sa sécurité à elle... En tout cas, elle se recroqueville un peu sur elle même et se laisse faire. Evidemment, je m'assure de ne pas l'enfoncer plus que ça. Ma main ne la touche pas, et mon bras ne fait que la soutenir. Elle voudrait elle pourrait se casser. Et au lavabo, elle n'a pas à se "débattre" beaucoup pour que je la laisse. Elle a le souffle court, ce à quoi on peut s'attendre, et elle doit se sentir un peu nauséeuse. Elle titube, et j'ai automatiquement mes mains au niveau de la taille, à quelques centimètres de la peau. Je la touche pas, mais si elle tombe, je suis à proximité pour la sécuriser. Elle a le bon réflexe de stabiliser sa respiration comme je le lui ai montré tout à l'heure. C'est une base de méditation qui peut peut-être lui servir, en tout cas, là, ça semble lui faire du bien.

"Assieds toi, tu seras mieux."

Le ton est moins "sermon" que tout à l'heure. Juste sécurité. Et en fait c'est peut-être moi qui devrait m'asseoir. De QUOI?! Un personnage de JDR n'a jamais de parents. S'il en a eu ils sont morts de manière violente et traumatisante. Ou alors c'est le grand méchant. Nan mais ta gueule mon cerveau! C'est pas le moment avec tes disgressions à la con! Bon, alors j'ai du mal à comprendre si elle le vit bien ou si elle est encore en phase... Nan définitivement elle est pas en déni. Alors un gros bobard? J'ai pas non plus ce sentiment. Mais quand même laché commme ça au débotté... Ca fait une semaine? Ouais bon, je sais pas si c'est vrai si ça l'est pas. J'ai pas vraiment d'a priori, en soit. J'ai déjà eu un patient me soutenant qu'on l'avait tabassé pendant 3 jours alors qu'il avait juste une coupure au pouce, et plusieurs autres qui m'assuraient être "tombés dans les escaliers", en sachant que les escaliers ils font 1,70 à 1,80m, et ils ont tous "de bonnes raisons". Et forcément, je peux entendre qu'elle aie pas envie de retourner en cage. Sauf que si c'est pour crever de faim... de tous vos repas, je ne veux en aucune sorte, et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. Hmm, bon, ok, je me tais, je regarde plutôt dans mon sac. J'y ai pas un truc à grailler? Une barre hyperprotéïnée, immonde, au gout artificiel de vanille et de noisettes, mais qui nourrit bien.

Hein? une main sur mon menton? Euh, j'ai plus l'âge qu'on m'oblige à bouger. Et de quoi?! "Non." Je crois qu'elle a pas entendu parce qu'elle continue sur sa lancée. Attends à quel moment est-ce que "non mais je te tuerai pas si tu refuse" est supposé être un encouragement?! Encore heureux, enfin! Ca l'avancerait à rien, d'une part, et deux, je veux bien qu'elle soit paumée, mais au point de demander à une handicapée mentale? Elle est pas au courant. Certes. Mais c'est quand même complètement idiot! Bon, elle continue de parler, elle parle trop. Seigneur, et c'est à moi qu'on dit d'arrêter de parler!

Ben oui, être sauvage c'est renoncer à pas mal d'avantages. Enfin, je peux pas critiquer, après tout, moi on m'enlève mon téléphone, mes livres, mon lit confortable ou ma musique, je ferais la gueule. Et rester toute seule encore plus. Nan mais stop, là! Je vois pas ses yeux, avec les lunettes, mais je vois le reste, sa bouche qui se tort un peu, son cou qui se tourne de manière à me regarder par en dessous... Ah, elle chante? Et elle à l'habitude de se présenter sur scène? Est-ce qu'elle fait peur... Boh, elle fait juste vachement grande, avec des cornes, des grandes dents, et des yeux que je sais blanc sous ses lunettes, donc dérangeants.

"Ca y est, c'est mon tour?"

Elle veut faire un tour? C'est pas faux, on est un peu visibles, là. Je reprends le pouls qu'elle me tend, et je suis rassurée de voir qu'elle semble un peu mieux. Un mouvement de tête pour qu'elle me suive et je commence à marcher doucement dans les allées du parc. Assez doucement pour qu'elle suive sans peine. Et je reprends la parole, avec un ton plus doux, même si il y a toujours cette distance que je maintiens volontairement

"Donc. Non, je ne t'adopte pas. Je me gère déjà difficilement seule, je ne suis certainement pas apte à te prendre soin de toi en plus." J'espère que ça, c'est clair. Et "j'oublie" le détail qui dit que je suis considérée comme une enfant par la loi. Et les enfants ne possèdent pas d'esclave... "Du peu que je sais et non, je ne veux pas en savoir plus..." Je me protège. "Tu peux envisager plusieurs alternatives. Tu peux t'endurcir, et rester sauvage, peut-être même en ville. En chercher d'autres, t'associer à eux pour survivre. Tu seras pas toute seule, tu seras libre. Au moins autant que possible en s'associant à d'autres." C'est à dire pas forcément tant que ça, sans parler des risques d'être attrappée par les rabbatteurs. "Tu peux rester seule te cacher dans des grottes comme tu l'as fait, et te faire passer pour une "gentille esclave" pour descendre en ville. Je suis sure que tu sais très bien comment agir en vrai. Tu as déjà suivi tes maitres dans les rues, observé d'autres hybrides... Je suis sure que tu connais les reflexes, te faire petite, baisser le regard... Tu peux te faire aider par des humains qui aident les hybrides. Il y en a surement, mais j'ignore où exactement. Ou alors... Tu peux peut-être témoigner. Pour toi, soyons franc, tout le monde s'en fichera." Suffit de voir les plaintes qui aboutissent pour les femmes libres, alors une esclave... "Mais si tu peux prouver que ton maitre est un connard et un assassin, la peine pour les meurtres c'est l'esclavage. Evidemment, ça te renverra toi en animalerie, mais d'une part, si tu ne te sens pas capable de rester en vie libre, alors peut-être que c'est pas ce qu'il te faut, et y a pas de honte à ça, et d'autre part, un humain asservi est en dessous d'un hybride."

J'ai énoncé les diverses options sans la regarder, bien qu'en m'assurant qu'elle suive du coin de l'oeil. Je m'arrête finalement sur un banc, relativement isolé, derrière le spectacle de Guignol. Je sors de mon sac la barre à moitié écrasée et la lui lance.

"Mais soyons franc. Je ferme ma gueule cette fois, je suis une pauvre cruche et je n'ai pas pensé à te demander quoi que ce soit. J'en ferais pas plus pour toi. Parce que sinon, je risque trop gros."

Et il y a beaucoup de choses auquelles je ne renoncerait pas, encore moins pour une inconnue.