Oh mais t'es là toi ? [Sarika]

Oh mais t'es là toi ?

Jilian tentait de se faire la plus petite possible maintenant que y'avait quelqu'un dans la pièce. Ledit quelqu'un bâilla à s'en décrocher la mâchoire avant de faire une pause au milieu de la pièce. De derrière la porte, impossible de savoir de qui il s'agissait. Pas que la probabilité que ce fut quelqu'un qu'elle puisse connaître soit importante mais savoir si elle avait à faire à un mec super baraqué ou à une nana qu'elle pourrait bousculer avant de prendre la poudre d'escampette aurait été cool. Elle n'amorçait cependant toujours pas le moindre mouvement, ne sachant vraiment pas ce qu'elle pouvait faire dans cette situation. Elle attendait sagement, estimant que les ennuis arriveraient assez rapidement. Une voix féminine qui ne lui semblait pas inconnue finit s'élever, prévenant "Séthi" qu'il était mort. Qui que ce fut la rouquine espéra fortement que la nana serait assez furax pour partir le chercher sur le champ. Tout en laissant encore la porte grande ouvert, ce serait vraiment le nirvana. Mais, au lieu de ça, elle vit une main passer à quelques centimètres d'elle avant que la porte ne claque violemment. Elle se retrouva alors face à une blonde qu'elle avait déjà rencontré. Sariva ? Samika ? Putain, c'était quoi son nom déjà ?! Lorsqu'elle l'entendit l'appeler par son nom la lumière finit par se faire. Mais oui, Sarika. Celle avec qui elle avait discuté elle avait quelques semaines déjà.

- Ben ch'uis entrée parcheque la porte était ouferte et que ch'avais faim.

On repasserait pour la présentation d'excuses et tout ce qui allait avec. Même si dire "Y'avait d'la lumière ch'uis entrée" c'était clairement pas la meilleure réponse à donner quand on était surpris à être entré chez autrui sans permission. Au fur et à mesure que Sarika détaillait ce qu'elle avait avec elle, soit les victuailles, elle semblait plus contrariée. S'étant rendue compte de ses ennuis de diction Jilian s'était empressée de retirer le morceau de pain de sa bouche et elle déglutissait maintenant le dernier bout qu'elle était en train de mâchonner. Malgré la colère apparente et la promesse de punition, la blonde finit par lui sourire. La rouquine lui rendit un sourire contrit et haussa vaguement une épaule. Elle avait clairement rien demandé à personne et comptait juste s'esquiver avant que qui que ce soit ne puisse la voir.

- On doit certainement pouvoir partager. J'te rends l'jambon mais ce serait vraiment super chouette de ta part si j'pouvais garder la tartine de fromage. J'en mange pas souvent du comme ça, finit-elle pas lâcher, espiègle.

Elle pouvait pas rester parfaitement courtoise plus de cinq secondes. Elle avait certainement parlé un peu vite mais Sarika n'avait pas l'air si fâchée que ça. Elle finit même par lui demander de ses nouvelles avant de se mettre à ranger dans la pièce que venait de visiter la rouquine. Elle avait l'air vachement plus sûre d'elle que la dernière fois. C'était cool de la voir comme ça. Elle semblait tout à fait à sa place ici. Bon, en même temps, apparemment c'était chez elle mais quand même. Elle avait pas le même air pas bien sûre de c'qu'elle faisait d'sa peau qu'elle avait la dernière fois.

- Pas grand chose. Ma vie n'a rien de très palpitant. J'ai rencontré quelques nouvelles personnes. Des sympas et d'autres moins sympas. Rien de bien dingue. Et toi, ça va ? T'as pu continuer à dessiner ?

La rousse se souvenait parfaitement du croquis que Sarika avait effectué de sa propre personne lors de leur première rencontre. C'était la première fois que qui que ce soit prenait la peine de la dessiner donc elle était pas prête d'oublier cette rencontre. Elle enfourna rapidement ce qui restait de la tranche de pain sans rien. Ca aurait été super mal poli de rendre une tranche à moitié mâchée, non ? Autant la manger, comme ça pas de gaspillage. Jilian s'était appuyée dos contre la porte, tentant de ne pas gêner la blonde dans ses mouvements pendant qu'elle rangeait. Elle aurait bien voulu l'aider mais, dans ce petit espace, elle savait qu'elle l'aurait plus dérangé qu'autre chose.

- J'pensais pas que quand tu disais que tu "bossais au cirque" tu voulais aussi dire qu't'y vivais.

Pas de curiosité, c'était un simple constat. En soit elle aurait quand même pu s'en douter. Les artistes qui animaient un cirque faisait pas les trois-huit en général, fallait qu'elle arrête de délirer.

Oh mais t'es là toi ?

Rien qu'à l'idée d'un vrai pique-nique l’œil valide de Jilian s'illumina. Elle allait pouvoir manger plus de fromage et plus de jambon, c'était vraiment chic de la part de Sarika. Elle savait pas bien comment elle avait fait pour s'attirer la sympathie de la blonde mais fallait avouer que c'était pas si mal. Pourtant c'était pas comme si elle avait été un modèle d'amabilité la première fois qu'elles s'étaient rencontrées. A la mention des "ennuis" la rouquine haussa vaguement une épaule. Elle savait pas si on pouvait vraiment parlé d'ennuis. Elle se frottait jamais à beaucoup plus gros qu'elle parce qu'elle savait que c'était pas une bonne idée et ça suffisait généralement à la conserver en sécurité.

- Les ennuis c'est très relatifs, finit-elle par décrocher. - Faudrait pas qu'tu t'tues à la tâche, z'aurez l'air malins tes patrons s'tu pouvais plus bosser à cause de ça.

Ce disant la rousse déposa sa tartine à côté du cahier à dessin avant d'essuyer ses mains sur sa veste. Veste d'une propreté douteuse mais ça partait d'un bon sentiment. Elle voulait pas saloper tout l'boulot de Sarika en foutant des traces de gras ou de crasse un peu partout. D'ailleurs, maintenant qu'elle était officiellement invitée, Jilian en profita pour aller se laver les mains dans le petit évier qu'elle venait d'aviser. Son système immunitaire d'vait être en béton d'puis le temps mais elle allait pas cracher sur un tant soit peu d'hygiène. A la mention du compagnon pas commode la SDF se contenta une nouvelle fois de hausser une épaule. Elle serait tomber sur lui que ça aurait été sa fête mais bon c'est l'jeu quand on pille le garde-manger d'autrui, elle savait qu'elle prenait toujours plus ou moins des risques à jouer la pique assiette. Elle aurait bien dit à Sarika qu'elle était du coup encore plus contente de tomber sur elle plutôt que sur l'autre mais elle avait peur que ce soit mal interprété alors elle préféra fermer sa gueule et aller s'installer de nouveau devant le carnet à dessin. Maintenant qu'elle avait les mains propres elle se sentait plus autorisée à feuilleter ce qu'il contenait. Elle repéra des esquisses de tatouages mais aussi des formes menaçantes. Elle fronça les sourcils et regarda en direction de la porte que la blonde venait de passer. Finalement elle était p'tètre pas la plus dérangée des deux. La rouquine passa rapidement sur ces feuilles, elle ne voulait pas en savoir plus que nécessaire. Glaner des infos c'était une chose, en récolter sur quelqu'un qu'était sympa c'en était une autre. Hors de question qu'elle tentât de ruser pour en apprendre sur Sarika. Pas alors qu'elle faisait partie des rares personnes sympas qu'elle ait croisé ici.

- J'ai pris un peu de tout. Tu aimes le vin ? Moi, je n'en bois pas, mais tu peux te faire plaisir, ils ne verront absolument pas sa disparition !

Jilian déclina l'offre pour le vin. Elle aimait ça mais doutait que son organisme, lui, apprécie beaucoup. Une petite voix lui disait qu'elle était vraiment conne de refuser, que ça pourrait l'aider à mieux repartir mais elle lui claqua la porte au nez. Elle allait pas se pochetronner ici tout de même. Elle vivait dans la rue mais il lui restait un tant soit peu de savoir vivre. Et puis, de toute manière, il y avait déjà largement de quoi faire en matière de victuailles. Elle ne connaissait même pas le nom de tous les fromages qui se trouvaient dans le panier d'osier qui trônait maintenant au centre de la table.

- Merci beaucoup ! J'pense pas qu'on pourra manger tout ça à deux mais tu pourras toujours en garder pour d'autres en-cas. Enfin, s'tu penses à fermer ta porte.

Elle n'avait pas pu s'empêcher d'ajouter le dernier commentaire, espiègle. Elle avait bien compris que la blonde n'était pas trop fâchée de son intrusion et qu'elle pouvait se permettre d'en plaisanter. Avant d'entamer ce qui se trouvait dans le panier Jilian mordit dans la tartine qu'elle s'était faite avant l'arrivée de celle qui était maintenant son hôtesse. Elle mâchonna tout en continuant de regarder les oeuvres de Sarika en tournant les pages de sa main pas encore couverte de nourriture.

- Tu fais des trucs supers cools en vrais. T'as pu tatouer du monde "en vrai" d'puis la dernière fois ?

Elles avaient évoqué rapidement la question quand elles s'étaient trouvées sur le toit de cet immeuble. La rouquine trouvait réconfortant comme idée de savoir que Sarika passait pas juste son temps à taffer ou à s'améliorer sur tel ou tel truc mais pouvait aussi prendre le temps d'faire des trucs qui lui plaisaient vraiment. Elle prit une nouvelle bouchée, se forçant à prendre le temps de mâcher avant d'avaler. Elle avait le temps, on allait pas venir lui voler sa bouffe.

Oh mais t'es là toi ?

Sarika avait l’air parfaitement à son aise et ça f’sait plaisir à la SDF. Elle avait pas si souvent qu’ça l’opportunite de côtoyer des gens bien dans leur vie et dans leur peau, elle pouvait pas cacher qu’c’était assez raffraîchissant. Elle esquissa un vague sourire en entendant l’hybride mentionner son intéret pour la médecine. Ça l’aurait bien bottée d’faire ce genre d’études mais bon. Elle chassa de son esprit de telles préoccupations, pas comme si ça risquait d’arriver. Elle préféra parcourir le carnet à dessins en prenant soin de pas l’abîmer. Pendant ce temps l’hybride s’était elle aussi faite un sandwich et commençait à manger pendant que la rouquine continuait à poser des questions. Elle s’embarassait pas d’savoir si elle était dans son bon droit ou pas. Maintenant qu’elle était invitée elle estimait que Sarika serait tout à fait capable d’lui dire si elle poussait le bouchon un peu loin avec ses interrogations. Mais, de toute évidence, aucun soucis de ce côté-là pour le moment.

- Bon, je ne fais pas encore de grosses pièces mais des petits tatouages ! Ça t’interesserait ?

La rouquine haussa un sourcil et leva même les yeux du carnet à dessins pendant quelques instants, se d’mandant bien si la d’moiselle était sérieuse. Les yeux de l’hybride brillaient d’anticipation. La sans-logi était navrée de d’voir la faire redescendre sur terre mais elle était pas du genre à tourner autour du pot.

- C’est super sympa d’ta part mais j’pense pas que j’pourrais m’payer ce genre de truc.

Elle baissa de nouveau les yeux sur les dessins et croquis. Pour elle la question était réglée mais elle entendit Sarika soupirer. Jilian se d’manda si c’était d’la deception. Elle en doutait. Elle aurait d’autres occasions de tatouer et le ferait sur des gens primo, capables de payer et, secundo, plus propres qu’elle. La SDF enfourna le dernier morceau de sa tartine et se retint de justesse d’essuyer ses doigts sur son jean crasseux. Elle préféra tendre la main pour attraper une feuille de sopalain. La question suivante de la blonde la surpris malgré elle. Elle releva son oeil valide en direction de l’hybride avant de hausser négligemment une épaule.

- J’y vais encore parfois mais t’sais j’bouge pas mal. J’vais à droite, à gauche, c’mieux d’pas être fixe, moins dangereux.

Elle se garda bien de préciser pourquoi la sédentarité representait un danger réel dans son cas. Ceci dit, depuis l’autre gringalet qui l’avait pistée pendant plusieurs jours elle avait pas eu de soucis particulier. Elle s’était même dégottée une nouvelle source de revenus alors c’était pas mal.

- Enfin, si jamais tu m’cherches, tu m’trouveras probablement à la soupe populaire. Même si j’essaie d’pas dépendre d’la charite des autres l’hiver un r’pas chaud ca s’refuse pas vraiment.

Elle n’allait pas dans les refuges par peur de se faire voler ses maigres possession ou qu’il lui arrive des ennuis simplement parce que c’était une femme mais personne n’oserait foutre le bordel pendant la distribution d’la soupe. Beaucoup ne s’abaissaient pas à voler comme elle le f’sait et avaient besoin que la bonne volonté de ces gens perdure. Pour ça mieux valait pas s’battre. Jilian voyait pas bien pourquoi on pourrait bien la chercher mais bon. Elle referma le carnet à dessins, un peu déçue de ne pas avoir pu voir le portrait que Sarika avait fait d’elle lors de leur dernière rencontre. Elle se garda néanmoins de faire la moindre remarque et se lança dans la confection d’un second sandwich. Pain bi et re-fromage de chèvre frais parce qu’elle adorait ça. Elle récupéra un couteau et se permis de découper quelques rondelles d’andouillette, tant pour elle que pour Sarika. C’était pas prévu pour aller sur sa tartine aussi se contenta-t-elle d’en récupérer de temps à autre un morceau qu’elle mangeait juste comme ça.

- Enfin, j’essaie d’me tenir loin des ennuis et j’tente d’apprendre à m’defendre autrement qu’en prenant mes jambes à mon cou, même si ch’uis plutôt douée à ce p’tit jeu.

Elle sourit presque malgré elle en repensant à sa rencontre avec Sofia, celle-là c’était vraiment un sacré numéro. La rouquine masqua ses pensées en mordant dans sa tartine non sans avoir arrosé le tout d’un bon coup d’eau. Manger et boire l’aidait grandement à depasser le contre-coup induit par ce qu’elle avait pris. La compagnie devait aider aussi supposa-t-elle sans pour autant aller plus loin dans sa réflexion.

Oh mais t'es là toi ?

Payer en renseignements ? Ca elle faisait pas mal mais y'avait des choses plus fondamentales qu'un tatouage dans la vie. Du coup il était peu probable qu'elle donne un d'ces quatre un tuyau à Sarika. Même si elle l'aimait bien et que ça pourrait être cool d'être tatouée par elle, elle avait des priorités. Bouffer mais aussi planer. Même si, étrangement, elle prenait un peu moins de drogues ces temps-ci. Elle chassa ces proccupations en croquant dans sa tartine. Non mais, à quoi elle pensait ? Comme si elle allait s'arrêter demain. Non mais, n'importe quoi. Après que Jilian eu évoqué ses petits soucis de logement elle haussa une épaule à la mention des dangers qui pouvaient la guêter. Hybride ou humain, une fois dans la rue, ça n'avait plus d'importance. Ils étaient la lie de la société et on le leur faisait bien comprendre.

- C'est surement toujours aussi difficile qu'avant...

La rouquine haussa un sourcil surpris lorsqu'elle entendit cette remarque. Sarika avait donc déjà vécu dans la rue ? Ca expliquait pas mal de choses et notamment pourquoi elle la nourrissait comme si elle était pas entrée par effraction chez elle. Elle savait c'que c'était que d'avoir faim. Ca faisait enfin à peu près sens dans l'esprit de la sans-abri qui avait pas mal de soucis avec le simple concept d'empathie. Toute sa vie tout avait dû se marchander alors quand ça arrivait tout cuit, juste comme ça, elle pouvait pas s'empêcher d'craindre un piège quelconque. Enfin, plus en compagnie de l'hybride. Elle savait qu'elle craignait rien. Elle finit par avaler ce qu'elle avait dans la bouche avant de répondre. Un minimum de politesse, merci.

- Ben t'sais quand t'es une nana qu'tu sois hybride ou pas ça t'attire des ennuis s'tu vois c'que j'veux dire. Et puis j'laisse p'tètre parfois mes oreilles trainer où faut pas et du coup certains s'fâchent de temps en temps. Mais bon, du moment que j'cours plus vite qu'eux j'm'en tape. Ils ont la mémoire courte.

Elle lança un sourire espiègle à Sarika. Ce sourire ne lui ressemblait pas mais elle était détendue et, pour une fois, sans avoir été aidée par un p'tit comprimé. Plutôt sympa comme sensation. Elle avait oublié à quel point ça pouvait être cool d'avoir des potes. Pas sûr que Sarika la considérât comme autre chose qu'une âme à sauver mais, pour la rouquine, elle était ce qui se rapprochait d'une amie. Cette dernière ne tarda pas à lui proposer de l'aider au combat. L'offre ne manquait pas de charme mais Jilian sentait des douleurs musculaires parcourir ses muscles et un mal de tête couvait non loin, prêt à bondir sur elle. Elle savait pas exactement c'qu'elle avait foutu les deux dernières heures et apparemment elle avait pas chaumé.

- Pour le moment j'pense que j'vais me tenir tranquille. La journée a pas été d'tout r'pos. Mais j'retiens que si j'ai b'soin d'quelqu'un pour m'aider à m'entraîner j'peux passer ici. Elle laissa passer une pause avant de continuer. Du coup t'as vécu dans la rue aussi ? Ch'uis contente que t'ai trouvée un moyen d't'en sortir.

Elle était sincère. Tout le monde n'avait pas cette chance. Elle était pas en train de s'appitoyer sur son propre sort, c'était qu'un constat comme un autre. Et puis, maintenant qu'elle savait où habitait Sarika elle pourrait p'tètre bien v'nir toquer à sa porte quand le besoin s'en ferait vraiment ressentir. Ou juste pour la saluer. Parce que bon, ça s'faisait aussi de passer voir des potes sans rien avoir à leur réclamer.

- Au fait, tant qu'à être ici, tu peux profiter de la douche si tu veux. J'imagine que ça ne doit pas être facile de trouver un endroit où se laver...Oh et je peux peut-être te donner des vêtements qui ne me vont plus et que je ne porte plus...Autant qu'ils te servent s'ils te vont.

Elle releva son oeil bleu dans la direction de l'hybride. Son air espiègle avait disparu, remplacé par de l'étonnement. Ca faisait une sacrée paye qu'elle avait pas trouvé de nouvelles fringues et c'était clair que son jean avait bien trop vécu et on allait même pas parler des deux sweats et du tee-shirt qu'elle portait sous son espèce de trench coat kaki. La surprise passée elle se fendit d'un grand sourire. A croire qu'on v'nait d'lui offrir la lune, se dit-elle en reprenant un minimum de contenance. C'était pas l'bout du monde une douche, fallait qu'elle se détende. Même si elle se souv'nait plus vraiment à quand r'montait la dernière fallait bien qu'elle l'avoue.

- T'es sûre qu'ça t'embête pas ? Un nouveau jean ce s'rait bien ouais. Et puis... hum... si t'as des pulls ce serait bien aussi.

Son regard reparti derchef en direction du sol. Elle voulait pas dépendre des autres, elle voulait pas qu'on lui fasse l'aumône. Elle faisait quoi là ?! La rouquine ne savait plus trop où elle en était mais, de toute manière, maintenant que c'était parti autant profiter d'une douche. Chaude la douche. Ce qui serait un agréable contraste avec le temps glacial que tous ceux de la rue supportaient depuis des semaines.

- Par contre j'garde mon trench. J'l'aime bien même s'y r'ssemble plus à rien.

Elle ne précisa pas qu'si elle l'aimait tant c'était parce qu'elle avait aménagé pas mal de poches intérieures pour planquer ses larcins. Et puis, de t'manière, un truc imperméable c'toujours pratique. Son manteau était peut-être dégueu, hyper délavé et moche mais c'était l'sien.

Oh mais t'es là toi ?

A la mention des risques encourus par la gente féminine dans son ensemble Sarika avait arboré une expression que Jilian avait appris à reconnaître. Si elle même s’en était plutôt bien sortie de ce côté-là ce n’était apparemment pas le cas de l’hybride. Ni l’une ni l’autre n’avait à cœur de remuer le couteau dans la plaie aussi la conversation poursuivit-elle son cours sans que la rouquine ne fasse la moindre remarque. C’était pas comme si y’avait quoiqu’ce soit à dire de t’manière. Elle préféra hocher la tête avec un demi-sourire amusé lorsque Sarika fit mention de ses entrées par effraction. D’où le bon accueil qu’elle lui avait fait quand elle l’avait trouvée ici. Lorsque la blonde évoqua son passage au centre de dressage son regard s’assombri de nouveau. Jusqu’à ce qu’elle fasse mention des Révolutionnaires. La sans logis hocha distraitement la tête avant de se décider à dire tout haut c’qu’elle pensait tout bas.

- Ch’ais pas trop quoi en penser d’ces mecs. Pas comme si c’qu’ils font avait un impact sur ma vie mais bon, comme j’côtoie des hybrides et que tous ont un avis sur la question ça m’pousse à y réfléchir.

La situation des hybrides elle en avait un peu rien à foutre, surtout quand elle voyait qu’c’était pas forcément mieux pour les humains d’puis l’arrivée du nouveau maire. Elle haussa vaguement une épaule, continuant de manger. P’tètre qu’sa franchise froisserait un peu son hôtesse mais bon, c’était pas comme si elle allait s’forcer à penser autrement. S’tu pouvais pas dire c’que tu pensais à tes amis tu pouvais l’faire avec personne de l’avis de la rouquine. A la mention d’une douche chaude l’ambiance changea d’un coup et Sarika termina son propre repas avant d’lui indiquer où elle pouvait se laver. Des nouveaux vêtements ? Ça arrivait pas si souvent et ça aurait été mentir si elle avait dit qu’elle était pas contente. L’hybride lui montra la salle de bain avant de lui sortir tout le nécessaire. C’était pas grand mais ça avait l’air assez bien agencé et de l’avis de Jilian, du moment qui y’avait d’l’eau chaude, tout allait très bien. Elle se déshabilla rapidement avant d’se mettre sous l’eau. Elle soupira de contentement, sentant ses muscles se dénouer peu à peu. Elle frotta vigoureusement les quelque plaies qu’elle avait sur les mains et les avant-bras. Elle s’était aussi écorné un genou y’avait quelques temps. Le savon c’était pas l’top mais c’était toujours mieux que d’pas laver tout ça du tout. Les produits n’avaient pas une odeur trop forte, pour le plus grand plaisir de la rousse. C’était cool d’être propre mais sentir l’bonbon pendant quatre heures ça faisait un peu chier. Elle se lava les cheveux puis, tortillée dans une serviette ressortit de la salle de bain, entendant Sarika siffler un air qu’elle ne connaissait pas.

Le changement le plus impressionnant était ses cheveux. Les anciennes mèches blondes ressortaient plus crument sur sa crinière couleur feu et sa frange apparaissait pour ce qu’elle était vraiment : un amas de ch’veux coupes un peu à la va vite et qui avaient bien repoussés depuis la dernière coupe.

- P’tain ça fait vraiment du bien, lança-t-elle.

Elle prit ensuite conscience qu’elle venait de jurer mais fit comme si de rien n’était. De t’manière “putain” et “merde” c’étaient pas vraiment des jurons, c’était d’la ponctuation. Le sourire de la rouquine était sincère même si son phrasé laissait à désirer. Elle avait perdu, pour un temps du moins, l’air maussade et suspicieux qu’elle arborait habituellement.

- Encore merci Sarika, c’est vraiment chic de ta part.

Elle aurait bien fait un peu mieux pour lui prouver sa gratitude mais elle savait pas trop c’qu’elle pouvait faire. A moins que... Elle avait prévu de donner cette information à Tronche de Canari mais comme elle l’aimait pas plus que ça et qu’elle en d’vait une à Sarika. Jilian regardait intensément l’hybride de son œil valide. Est-ce qu’elle lui donnait ou est-ce qu’elle lui donnait pas ? D’autres informateurs lui donneraient bien plus qu’un repas et une douche mais elle en avait strictement rien à foutre. Là c’était différent. Elle détourna le regard, laissant la question en suspens dans son esprit.

Oh mais t'es là toi ?

Le sourire de Jilian se figea puis disparut aussi rapidement qu'il était arrivé. Son oeil valide passa rapidement de Tronche de Canari à Sarika puis de Sarika à l'autre connard qui commentait la vue. Elle lui aurait bien foutu son poing dans la gueule mais ça se faisait pas. Néanmoins il était impossible de manquer la colère qui irradiait de la jeune femme. Qui avait invité ce guignol ?! De même, elle aurait eu la vie bien plus courte dans la rue si elle n'avait pas été capable de repérer la tension qui régnait dans la pièce. Elle savait pas de quoi ces deux-là étaient en train de discuter avant qu'elle se ramène mais, apparemment, c'était pas joisse. Elle plissa légèrement les paupières, percevant à peine les paroles de l'hybride.

- Tu pourrais pas plutôt m'dire ce qu'il fait là, lui ?

C'était tout à fait inapproprié mais elle en avait rien à carer et, quelque part dans son esprit pas du tout embrumé pour une fois, quelques pièces d'un puzzle se mettaient en place. Ce guguss s'était mis à la traquer assez peu d'temps après qu'elle ait rencontré Sarika la première fois. Elle avait pas pu voir l'portrait que l'hybride avait dessiné d'elle dans son carnet. L'autre agissait ici comme s'il était chez lui. Et si c'était Sarika qui l'avait mis sur sa piste ? Le regard suspicieux glissa du voyeur à celle qu'elle avait prise pour une amie. Cette dernière lui tendit des vêtements. Jilian enfouit ses doutes pour quelques temps et s'en saisit.

- J'vais r'tourner dans la salle de bain. Loin des pervers, ajouta-t-elle avec un regard écoeuré en direction de l'individu qui avait interrompu ce qui était pourtant une bonne soirée.

Elle s'enferma dans la salle d'eau, le coeur battant la chamade. Si elle se l'était jouée cool et l'air bravache c'était pas forcément ce qu'elle ressentait. Pourquoi est-ce que Sarika aurait donné le dessin qu'elle avait fait de sa tête ? C'était n'importe quoi. Sans cela elle voyait mal comment l'autre abruti aurait pu finir par la trouver ceci dit. La rouquine ne savait pas quoi en penser. Vraiment. Elle aurait dû se sentir horriblement trahie et elle le ressentait un peu comme ça. Néanmoins la réaction du mec blond et son regard inquisiteur faisait passer les actions de l'hybride au second plan. Il pouvait toujours aller se faire foutre pour qu'elle lui refourgue une info capitale. S'il était pas foutu de la traiter mieux qu'une pièce de barbaque qu'on étudie chez l'boucher alors y pouvait aller voir ailleurs si elle y était. Jilian se cogna contre le lavabo et jura avant d'essayer les vêtements donnés par Sarika. La rouquine finit par jeter son dévolu sur un tee-shirt noir à manches longues. Par dessus elle passa un tee-shirt manches courtes gris. Ce n'était pas le top du glam mais la technique de l'oignon avait toujours du bon. Elle garda de côté un sweet à capuche, noir lui aussi et conserva le jean basique qu'elle avait pu enfilé. Elle sortit enfin de la salle de bain, plus calme qu'avant d'y entrer. Faisant comme si elle n'avait pas interrompu les questions de l'hybride avec son mauvais caractère elle reprit les choses là où elles avaient été laissées.

- Ben du coup, j'pense que tout ça c'est pas mal. T'es sûre que ça t'dérange pas ?

Elle se doutait que la blonde ne lui ferait pas quitter les vêtements qu'elle avait sur le dos. Même si Jilian ne savait pas pourquoi elle avait donné sa description à l'autre guguss elle avait pas non plus envie de s'apesentir sur le sujet pour le moment. Peut-être quand elles seraient tranquilles. Ou alors elle ferait juste l'autruche et comme si tout ça n'existait pas. C'était un bon plan aussi. Elle faisait bien l'autruche.

- Et pour mes ch'veux ch'ais pas. Ch'ais même plus qui les a coupé la dernière fois en fait. J'étais un peu... ailleurs.

Complètement high aurait été plus approprié comme descriptif de son état mais elle préférait rester évasive. Elle était une junkie, c'était plus à prouver mais elle était pas non plus du genre à l'brailler sur tous les toits, c'était privé. Elle haussa vaguement une épaule alors qu'elle reprenait la parole, répondant enfin à la question que son amie lui avait posé.

- S't'as du temps à perdre et l'envie qui va avec tu peux t'amuser si t'as envie, fais juste pas attention aux mèches, elles finiront bien par partir. C'était vraiment une idée à la con, conclut-elle avec un demi-sourire.

Ce dernier était un peu forcé, assez loin de la spontanéité de tout à l'heure mais elle ne pouvait pas offrir mieux à Sarika. Pas après l'arrivée surprise de Tronche de Canari et de ses mauvaises manières. Si Jilian n'était pas prude et très loin d'être vierge on pouvait pas dire qu'elle avait souvent "fait l'amour" elle avait beaucoup plus baisé avec n'importe qui et souvent pour obtenir quelque chose. Les regards comme celui-ci elle les connaissait et c'était pas parce qu'elle les utilisait à son avantage quand c'était nécessaire qu'elle les appréciait.

Oh mais t'es là toi ?

Tout comme elle, Sarika tentait de prétendre que l'autre connard n'était pas là. Bien, elles étaient sur la même longueur d'onde au moins à ce sujet, c'était pas plus mal. La rouquine balança une remarque de merde à propos de ses cheveux après avoir remercié d'un simple hochement de tête la blonde pour les vêtements. Si c'était vraiment des trucs qu'elle portait pas elle se sentait un peu moins morveuse, elle avait un peu moins l'impression de d'mander l'aumône. L'hybride rétorqua que les mèches blonde sur le roux était une idée qu'elle trouvait pourtant sympa, lui suggérant de faire quelque chose qui demanderait moins d'entretien. Jilian haussa vaguement une épaule.

- Ptètre que j'f'rais ça un jour. Mais si j'devais m'mettre à faire des colorations j'choisirai un truc plus discret qu'le roux. C'pas la meilleure couleur de l'univers quand tu veux passer inaperçu.

Et c'était vrai. Dire aux flics qu'on avait aperçu une rouquine réduisant largement plus facilement le champ des recherches que de dire qu'on avait vu une meuf avec des ch'veux bruns. C'était aussi simple que ça. Enfin, dans tous les cas, c'était pas comme si elle avait vraiment le temps ou les moyens d'aller cher l'coiffeur. Sarika avait eu la bonté de lui proposer une coupe et ce serait probablement la seule à laquelle elle aurait droit avant très longtemps. Elle avait d'autres priorités. Suivant l'hybride la sans-logi s'installa sur une chaise de la cuisine, se tenant aussi droite que possible pour que Sarika puisse avoir accès à la tignasse rousse. Elle entendit les excuses de la blonde et se retint de hausser une épaule, mouvement habituel mais qui aurait probablement dérangée Sarika dans son travail.

- On fait tous c'qu'on peut avec c'qu'on a.

C'était laconique et ne voulait pas dire qu'elle lui pardonnait d'avoir été donnée en pâture à elle ne savait vraiment qui mais ça reflétait malgré tout plutôt bien c'qu'elle pensait de toute cette situation. Sarika devait avoir ses raisons, de même qu'elle avait ses raisons de voler pour survivre. C'était pas la peine de chercher midi à quatorze heure comme on disait. On faisait tous c'qu'on d'vait faire pour survivre, c'était une loi immuable. Le silence régna quelque instant, seulement entrecoupé par le chop-chop des ciseaux, signe que Sarika s'était officiellement attaquée à la rude tâche qu'était celle de faire quelque chose des cheveux de Jilian.

- Tu as vraiment une belle couleur de cheveux ! J'avoue que je t'envie un peu, parfois j'aimerais bien une vraie couleur !

La sans-abri ne savait pas trop quoi répondre. Sa couleur de cheveux était pas discrète et elle s'était jamais résolue à se faire les cheveux réellement courts pour ressembler davantage à un mec et moins attirer l'attention dans la rue. Ceci dit, ça avait pas l'air correct de pas répondre à l'hybride alors fallait quand même qu'elle trouve quelqu'chose à dire.

- Moi j'trouve que tes ch'veux blancs ont leur charme. Ce s'rait bizarre si tu les teignais. Enfin ptètre que ce s'rait sympa mais ce serait quand même étrange j'pense.

Au yeux de la rouquine la pâleur de ses cheveux lui donnait un air apprêté qui ne pourrait être immité si elle teignait tout ça dans une teinte plus commune. Et puis, de toute manière, c'était pas ça qui la rendait le plus reconnaissable. Elle avait quand même une corne sur le côté gauche de la tête, c'était un détail difficile à dissimuler. Jilian tenta de se focaliser sur autre chose que la fuite. Elles étaient en train d'parler de couleur de ch'veux comme des gens normaux, pas de comment telle ou telle couleur les aiderai le mieux à passer inaperçues.

- D'ailleurs, fais c'que tu veux avec mes tiffs. Je sais qu'y sont plutôt épais et qu'c'est pas si simple d'en faire quelque chose alors bon.

En fait elle ferait probablement plus comme elle pouvait que comme elle voulait, c'était à peu près c'que voulait dire la dernière phrase lâchée par la rousse. On lui avait suffisamment répété que ses cheveux étaient un cauchemars et elle-même en avait suffisamment pris soin dans ses jeunes années pour avoir appris à les détester autant qu'à les aimer. Elle reprit la parole, presque timidement.

- Par contre, si j'pouvais garder ma frange ce s'rait cool.

Ca sonnait presque comme un aveu de faiblesse à ses propres oreilles : elle venait de faire preuve de coquetterie. Cette journée était vraiment sans queue ni tête.

Oh mais t'es là toi ?

Jilian esquissa un demi-sourire amusé lorsque Sarika lui fit remarquer que la discrétion c’était un peu mort quand on avait les cheveux blancs et une corne, un peu comme si elle avait lu ses propres pensées en cet instant. Les mèches rousses, parfois entrecoupées de blond, tombaient sur le sol à allure régulière. La sans-abri savait pas vraiment quelle longueur allait ressortir de tout ça mais c’était pas vraiment important. C’était presque agréable d’avoir quelqu’un pour prendre soin d’elle. Et elle disait bien « presque ». Depuis l’temps qu’elle s’débrouillait par elle-même c’était pas si simple de s’laisser aller de d’confier ne s’rait-ce que ses ch’veux à quelqu’un d’autre. C’était une situation un peu stressante en fait. Elle gardait le dos parfaitement droit et prenait garde à ne pas faire l’moindre mouv’ment qui pourrait déranger Sarika dans son travail. Cependant, la rousse était pas suffisamment égocentrique pour pas remarquer le tremblement qui avait commencé à agiter la main d’l’hybride ni même l’humidité qui faisait briller ses yeux un peu trop fort. Pas alors que juste avant elle s’foutait gentiment d’sa gueule à propos d’son envie d’garder une certaine féminité malgré sa situation. Jilian remarqua tout ça et s’apprêtait à dire quelque chose quand la blonde lui coupa l’herbe sous l’pied en reprenant la parole la première :

- Alors, nous disions donc, une frange !

L’Irlandaise était pas suffisamment conne pour pas s’douter que l’attitude de Sarika avait quelque chose à voir avec l’autre gros con qu’était v’nu pourrir leur soirée. Elle pouvait pas voir son visage, il était dans son dos, mais à n’en pas douter l’hybride pouvait parfaitement le voir puisqu’elle lui faisait face pour raccourcir sa frange.

- Ouais, ma p’tite trace de coquetterie. C’est un peu con si on y pense quand on voit comment j’vis mais bon, ça m’fais plaisir.

D’après elle c’était une raison tout à fait valable. Si ça lui plaisait d’faire les choses comme ça ben elle les f’sait d’cette manière. C’était simple, non ? Et au moins ça évitait pas mal de prise de tête. Elle devait d’comptes à personne et elle s’occupait qu’d’elle-même. Sarika continua ses commentaires capillaires, reprenant contenance. Quoi qui ait pu lui passer par la tête c’était parti. Ou alors elle l’avait planqué suffisamment loin pour qu’ça paraisse plus. Jilian poserait pas d’question. Pas maintenant en tous cas. D’ailleurs elle était tentée d’partir et d’rev’nir un jour où elles seraient débarrassées d’l’empêcheur d’tourner en rond. Histoire qu’elles puissent vraiment discuter comme elles le f’saient avant qu’l’autre s’invite. Elle plaça bientôt un miroir devant elle et la rouquine put enfin voir les chang’ments. Elle tourna la tête, observant en silence ce qu’avait fait l’hybride. Elle lui adressa ensuite un regard qui s’voulait rassurant. Elle souriait moins que quand elles étaient seules, se retranchant derrière son attitude blasée habituelle. Hors de question qu’l’autre puisse apprendre quoi qu’ce soit d’plus sur elle. Se planquer et planquer c’qu’elle pensait c’était sa seule manière d’survivre alors il était ptètre bon mais c’était pas non plus un putain d’devin.

- C’est cool, ça fait du bien d’un peu moins r’ssembler à une bestiole ébouriffée quelconque.

C’était pas forcément la coupe la plus seyante de l’univers mais c’était mieux comme ça. Elle voulait pas avoir l’air plus apprêtée qu’nécessaire. C’était pas bon pour ses affaires. Plus elle avait l’air crasseuse moins on la r’gardait. Les gens détournent le regard quand ils croisent une personne dans l’besoin. C’était tout ce dont pouvait rêver la pick pocket. Moins on f’sait attention à elle, mieux elle s’portait. A la nouvelle question de Sarika dont la voix était partiellement couverte par le bruit du sèche-cheveux, Jilian haussa vaguement une épaule.

- Ben déjà grâce à toi j’ai pu manger c’qu’est déjà top donc j’pense que j’vais essayer d’me trouver un coin pas trop pourri, à l’abri d’la pluie et piquer un somme.

Elle précisa pas qu’elle comptait s’lever suffisamment tôt pour aller traîner autour des arrêts d’bus et autre endroits bondés aux horaires d’ouverture des bureaux et des boutiques pour faire quelques poches. Parce qu’elle s’était bien marrée les dernières nuits mais du coup fallait qu’elle s’renfloue un peu.

- Mais, t’sais comment c’est, on s’démerde toujours pour peu qu’on sache un peu où chercher.

Elle se retint de se mordre la lèvre après avoir fait cette remarque. Elle savait pas à quel point l’autre connaissait la vie de Sarika et elle savait pas si elle avait bien fait de faire référence à son passé. Elle se garda bien de changer d’attitude, histoire que ça puisse passer comme n’importe quel commentaire à la con sur sa coupe. Ca s’trouve qu’il avait pas entendu avec l’bruit du sèche-cheveux. Et puis, ptètre qu’il était tout à fait au courant et qu’elle s’en f’sait pour rien aussi. C’était tout à fait probable même. Ce mec avait réussi à la pister à travers toute la ville, il était forcément du genre bien renseigné.

Oh mais t'es là toi ?

Sarika légitima son besoin de coquetterie. Ca ne changeait pas vraiment l’avis de Jilian sur la question mais elle appréciait l’effort et se fendit d’un sourire qui, même s’il était pas très franc, avait le mérite d’exister. L’Irlandaise chassa cependant d’un mouvement de main vague la réflexion selon laquelle elle était jolie. Elle était bien sympa Sarika mais fallait pas non plus la prendre pour une débile. Elle avait pas b’soin de compliments à ce point, elle était parfaitement consciente que son physique était loin d’être des plus flatteurs. Elle se mit d’ailleurs à grimacer à la mention d’une robe, avant de comprendre que l’hybride se foutait ouvertement de sa gueule quand elle entendit la description d’la merveille qu’elle d’vrait essayer d’porter.

- Na, mais t’sais, comme ch’uis d’humeur magnanime j’te laiss’rait l’honneur d’porter une telle beauté.

La discussion dériva sur les abris envisageables pour la rouquine. Un haussement d’épaule et quelques mots plus tard la réflexion de Sarika se fit entendre. Ok, l’autre guignol d’vait être au courant pour son passé de bestiole des basfonds sinon elle en aurait pas parlé aussi librement. Jilian ajouta cette info dans un recoin quelconque de son cerveau. Elle savait pas bien c’qu’elle en f’rait mais c’était toujours bon d’avoir à l’esprit quels étaient les sujets potentiellement sensibles et ceux qui pouvait être abordés sans se soucier d’la compagnie qu’elles pouvaient avoir. Jilian sourit de nouveau face aux commentaires de Sarika. Un peu plus tôt dans la soirée peut-être même se serait-elle laissé aller à rire mais ce n’était plus vraiment l’ambiance même si l’une comme l’autre elles avaient tenté de jouer le jeu au mieux.

- J’imagine qu’ils avaient un peu la même tête que toi quand tu m’as trouvée ici en fait, laissa-t-elle échapper avec un air amusé.

Même si l’ambiance n’était pas aussi chaleureuse qu’elle l’avait été auparavant ça l’empêchait pas d’faire un peu d’humour quand même. Maintenant qu’elle avait les ch’veux secs Sarika vira les quelques mèches qui f’saient encore n’imp avant d’observer le résultat final. Jilian jeta un regard dans le miroir, tentant se tordant pour apercevoir le dos et, de fait, voir quelle était sa nouvelle longueur de tifs. L’hybride lui avait enlevé quinze bons centimètres. C’était parfait.

- P’tain, on dirait que t’as assassiné Garfield, commenta-t-elle avec un sourire en regardant le sol jonché de cheveux roux.

Elle aidait rapidement la propriétaire des lieux à passer un coup d’balais. Elle avait beaucoup fait pour elle ce soir, c’était la moindre des choses que de virer ses tifs du sol. Elle avait pas b’soin d’un tapis du genre.

- Et voilà, c’est tout bon ! Un ventre plein, une bonne douche, des vêtements propres et neufs, et une nouvelle coupe, une soirée parfaite, non ?

Jilian ne put que sourire avec chaleur face à tant d’enthousiasme. Elle était un peu gênée par la générosité de Sarika mais elle savait que si elle tentait d’lui rendre quoi que ce soit elle allait s’faire engueuler. Elle hocha rapidement la tête pour appuyer son sourire.

- Ouais, une très bonne soirée. Puis, surtout, j’étais super contente de t’voir. On s’recroisera ptètre un d’ces quatre. De t’manière s’tu me cherches je s’rais probablement au courant.

Si elle avait réussi à pas s’attirer trop d’ennuis pour l’moment elle était malgré tout très au fait des circuits de communication qui régissaient Togi et savait parfaitement les exploiter si besoin était. Si Sarika la cherchait, elle finirait par le savoir et elle pourrait aller à sa rencontre si l’hybride lui mettait pas la main d’ssus avant. L’Irlandaise enfila son trench. Son aspect miteux relevé par les habits non-percés et propres qu’elle portait actuellement. Elle sentit les pommes qu’elle avait chaparder taper contre sa cuisse. Elle préféra ne rien dire à ce sujet. Sarika savait très bien qu’elle avait gratté à bouffer ici, elle s’rait pas surprise de voir qu’il manquait deux fruits. Si elle le r’marquait un jour.

- Encore merci pour tout. J’t’en dois une. A la prochaine Sarika.

Elle tourna les talons et agita vaguement la main gauche alors même qu’elle avait déjà le dos tourné. Elle avait sciemment ignoré l’empêcheur de tourner en rond. Elle en d’vait une à Sarika. Pas à lui. Rien à foutre des relations qu’ces deux-là pouvaient entret’nir. C’était pas un billet interchangeable.