Tu ne sais pas où tu mets les pieds [PV Anastasya]

Kisui se dirigea vers l'extérieur pour prendre sa pause. De toute manière il n'y avait toujours personne autour de sa table de jeu alors autant aller voir ailleurs s'il y était. Il n'avait pas pour habitude de fumer aussi ne souhaitait-il sortir que pour prendre l'air et aussi pour se désaltérer un peu. Il passait devant le bureau de leur manager lorsque la jeune femme qu'il avait aperçu plus tôt en sortait. Leurs regards se croisèrent et le lézard détourna rapidement les yeux. En parlant d'yeux la jeune femme en avait de très beaux ceci dit, d'un bleu profond assez singulier bien qu'on ne put douter du fait que ce devait être naturel. Elle était suffisamment proche pour qu'il eut immédiatemment remarqué si elle avait porté des lentilles. Il fit un pas en arrière tandis qu'elle le saluait. Il était un peu plus grand qu'elle, pas de beaucoup mais en même temps il n'était pas un géant, ce n'était plus à prouver.

- Hum, bonjour, lâcha-t-il en tentant d'avoir l'air naturel.

Il n'aimait pas être aussi près d'autrui il se recula donc d'un demi pas. Il espérait que la demoiselle ne se vexerait pas en interprétant mal son geste mais il tenait à son espace vital. Il se demandait si elle était venue ici pour un entretien d'embauche. Dans ce cas-là ils seraient amenés à se voir régulièrement, autant essayer de poser des bases amicales dès le départ.

- Je m'appelle Kisui, enchanté, enchaina-t-il avec plus de naturel.

Il tendit la main avec un sourire. Il n'était pas très doué pour débuter les conversations ni même pour les continuer mais il avait pris un peu plus d'assurance depuis qu'il cotoyait régulièrement cet énergumène de Bastet. Même si on ne pouvait pas dire que leur relation avait commencé de manière classique. Le lézard chassa l'hybride de son esprit, ce n'était pas le moment de se perdre en divagation. Il ne frotta la nuque, légèrement mal à l'aise. Habituellement il aurait passé la main dans ses cheveux mais ces derniers étaient actuellement coiffés et retenus dans un catogan, il n'avait pas envie de ruiner ses efforts pour paraître présentable devant les clients.

- Je peux t'offrir quelque chose à boire ? Apparemment tu es là pour rejoindre notre joyeuse troupe donc euh...

Il ne termina pas sa phrase. Parce qu'en fait il n'y avait pas réellement de cause à effet mais peu importait. Il se contenta de se taire légèrement tourné vers en direction du bar. Il n'avait pas le droit de consommer d'alcool pendant ses heures de travail mais rien ne l'empêchait de prendre un verre de jus de fruit durant sa pause. Pause qui risquait d'être autrement plus intéressante qu'elle n'avait semblé l'être au départ.

Anastasya n'espérait pas tant d'accueil de la part d'un de ses futurs collègue, c'était très plaisant, elle avait déjà son nom et en plus il lui proposait une boisson, c'était assez agréable comme façon de faire, d'autant plus qu'il avait plutôt l'air sûre de lui. Alors la jeune femme lui tendit la main en retour pour appliquer la fameuse "poignée de mains", ni trop ferme ni trop molle, juste ce qu'il faut, elle appliquait bien cette formalité que l'on rencontre chez les occidentaux, peut-être l'était-il... La jeune femme lui répondit très simplement d'une voix claire et fluide, plutôt chaleureuse mais sans sourire -ce n'était pas très habituel pour elle - avec juste un petit mouvement de tête vers l'avant :

- Oh merci ce serait avec plaisir...

Elle le regardait dans les yeux, elle ne se lassait pas de les contempler, ils étaient hypnotiques, mais elle devait avoir de la retenue tout de même, alors elle se repris et se laissa guider jusqu'au bar. Elle s'assit confortablement sur l'un des sièges haut, se tournant vers lui, pausant un avant bras tout en douceur sur le comptoir, laissant sa main caresser la matière douce du meuble. Contre toute idée reçue la jeune femme commanda un milkshake Kaimaki bien crèmeux (glace à base de mastika issu de l'europe de l'est). Elle attendit que le garçon commande à son tour puis elle plongea son regard saphir dans celui lagon du bel homme. Elle était plus séduisante qu'insistante dans ses gestes car elle essayait de ne jamais le fixer trop longtemps, cela serait impoli. Elle reprit alors avec une voix douce cette fois ci pour se présenter :

- Enchantée Kisui, je m'appelle Anastasya.

Son prénom Russe ne collait pas du tout avec son langage parfaitement japonnais. Très certainement parce qu'elle ne se souvenait pas de son prénom d'origine mais plutôt de celui que Vladimir Gribov avait gravé en elle jusque dans sa chair. Cependant cette histoire était enterrée au fin fond de son esprit et n'en sortait qu'a de très rares exceptions voir quasiment jamais. Après avoir jeté un coup d'oeil sur le comptoir, dans le vide puis sur le serveur qui leur préparait leurs boissons, la jeune femme reprit en venant de nouveau capturer le regard de cet homme qui de premier abord avait l'air plutôt gentil et chaleureux :

- Je vais en effet rejoindre les effectifs pour un poste de serveuse. Merci de ton accueil.

Une fois que leurs boisson leur furent servies, le hibou prit une gorgée du savoureux MilkShake Kaimaki, on pouvait voir à ses yeux qui se fermaient et a sa moue que la boisson était tout simplement divine et exquise, ce gout si doux de cette boisson et de cet arôme si particulier étaient un mélange agréable surtout qu'il était bien réalisé. Anastasya finit par reprendre de nouveau la parole, avec une voix posée mais un peu plus chaleureuse :

- Les managers ont l'air plutôt sympas.. Quel est ton poste ici ? Cela fait longtemps que tu y travailles ?

Elle avait envie de poser pas mal d'autres question mais pour le moment elle se retenait, ce n'était pas un interrogatoire et il l'avait si gentilment invitée et installée qu'elle ne voulait pas abuser de cette gentillesse ni d'être très intrusive.

Anastasya, telle qu'elle s'était présentée, accepta son invitation avec un sourire. Ils s'installèrent sur les haut tabourets qui trônaient devant le bar. La jeune femme commanda un milk-shake à un parfum inconnu au lézard. Ce dernier se contenta de demander un thé glacé. Le bar du WW était le seul endroit où il se permettait de commander une telle boisson puisque c'était le seul endroit auquel il ait eu accès qui proposait cette boisson faite maison. Leurs regards se croisèrent plusieurs fois sans qu'aucune parole ne soit échangées ce qui commença à mener Kisui vers une gêne bien connue. Il remit vers l'arrière une mèche qui avait eu l'outrecuidance de fuir son catogan. Il détourna les yeux qu'il braqua résolument sur le comptoir lustré avec soin, comme toujours. Leurs boissons ne tardèrent pas à arriver et Kisui remercia le serveur qui était quelqu'un qu'il connaissait depuis un certain temps maintenant. Ce dernier lui fit un clin d'oeil, signe que les boissons étaient bien évidemment offertes et que celle d'Anastasya compterait comme si elle était déjà engagée. Cependant le lézard pensait aussi que cela dissimulait un certain intérêt pour la demoiselle qui se tenait à sa gauche. Il prit le parti de l'ignorer bien qu'il ne put empêcher une légère rougeur de lui monter aux joues. Anastasya lui offrit la distraction nécessaire en reprenant la parole.

- Les managers ont l'air plutôt sympas.. Quel est ton poste ici ? Cela fait longtemps que tu y travailles ?

Kisui prit une gorgée de thé glacé puis fit claquer sa langue contre son palais. Vraiment John connaissait toujours aussi bien son métier. Son sang froid n'appréciait pas tellement qu'il boive des choses glacées mais son côté humain lui permettait d'apprécier la boisson à sa juste valeur. Bref, revenons-en à nos moutons.

- De manière générale ils sont plutôt cools du moment que tu fais ton boulot correctement.

Il commençait par répondre à ce qui lui permettait de ne pas parler de sa personne. Ceci dit, simplement parler de son emploi n'allait pas risquer de faire tomber sa couverture. N'importe qui serait capable de dire à la jeune femme ce qu'il faisait de ses journées ici. Détends toi Kisui, s'intima-t-il mentalement. Il ne savait pas pourquoi il fallait toujours qu'il perde ainsi ses moyens lorsqu'il parlait avec quelqu'un qu'il ne connaissait pas. C'était quelque chose d'assez gênant il fallait bien l'avouer.

- Pour ma part je suis croupier. Ca va faire... deux ans je dirais. J'ai reçu une formation de serveur avant cela mais je préfère être aux tables de jeu et comme je m'en sors pas mal à ce poste j'ai pu y rester.

Bon, tout s'était bien passé. Pas de quoi stresser, vraiment. Il était d'une bêtise à se faire une montagne de tout et de rien. Il but une nouvelle gorgée de thé, dissimulant sa gêne derrière son verre. Il espérait que sa future collègue n'allait pas le prendre pour le crétin de l'endroit. Il se força à respirer profondément.

- Tu sais quand est-ce que tu vas attaquer ?

Il préférait détourner la conversation de sa petite personne pour se centrer davantage sur la nouvelle venue. De toute façon ce n'était pas comme s'il y avait grand chose à dire sur lui. Il laissa son regard courir le long du comptoir où se trouvaient quelques clients en plus d'eux. La robe fourreau semblait faire son petit effet à en croire les regards que deux amis en costume coulaient dans leur direction. Kisui devait bien avouer que cela lui allait parfaitement bien. Il reporta bien vite ses yeux sur son verre, ne voulant pas donner l'air d'être un pervers insistant.

Anastasya trouvait la réponse du jeune homme plutôt satisfaisante mais surtout intéressante et rassurante. La jeune femme quand à elle posait tantôt son regard sur le bard, tantôt dans les yeux du bel homme aux cheveux bleus tout en l'écoutant attentivement, c'était calme et pourtant il y avait autant d'hybrides que d"humains qui travaillait en cet endroit. Il y avait l'air d'avoir une certaine harmonie et une sorte d'égalité, comme si on entrait dans un autre monde ou chaque être vivant avait le droit d'avoir sa chance, elle mit cette reflexion agréable de côté et continuait de l'écouter avec attention. Cela faisait deux ans qu'il était là et il avait pourtant l'air assez jeune, elle se demandait même quel était son âge.Il était aussi important de savoir que si on avait du talent on pouvait garder un poste que l'on affectionne, lui était croupier, un métier qui s'exerçait à la fois avec délicatesse, concentration et fluidité, un véritable savoir-faire. Il était donc plutôt talentueux même avec sa jeunesse. Il l'intriguait toujours plus en fonction de ses réponses. Puis à sa prochaine question la jeune femme lui répondit avec un visage à la fois doux et légèrement souriant :

- Je commence demain après-midi.

Elle devait avouer qu'elle apprécierait travailler en même temps que lui, pour qu'il lui fasse découvrir un peu plus le casino. C'était simple et peut-être un peu idiot mais il était rassurant de travailler avec quelqu'un que l'on rencontre la veille, les présentations ne seraient plus à faire avec lui et cela la mettrait à l'aise et permettrait une bonne cohésion dans le travail d'équipe qui l'attendait. C'était donc pour le moment assez rassurant, en espérant tout de même que l'entente reste plutôt bonne par la suite mais après tout ils étaient tous les deux allés l'un vers l'autre, ils avaient donc peut-être les mêmes valeurs et donc quelques points communs.
Le Hibou reprit alors après avoir siroté un petit peu de son MilkShake Kaimaki sur un ton à la fois doux et curieux :

- Je ne voudrais pas te vexer ou paraître curieuse mais tu paraît plutôt jeune, tu as commencé à travailler assez tôt j'imagine ?

Elle eu du mal à se retenir de lui poser une question assez particulière car elle n'avait pas l'habitude de voir des humains autre que les membres du FALH soutenir la cause des hybride ou tout simplement les considérer comme leurs semblables. Ce n'était pas dans les mœurs de l'île de Togi après tout. Les humains qui arrivaient ici étaient plutôt pro-esclavage sans compter les natifs de l'île même si certains, sûrement trop rares ou même tout simplement cachés défendaient la cause et s'offusquaient contre le traitement infligés aux hybrides. Finalement la jeune femme, avant même qui le réponde reprit rapidement mais toujours calmement :

- Et... Je vois qu'il y a des hybrides qui travaillent ici, ils ont l'air d'être égaux par rapport aux humains, c'est plutôt positif je trouve, c'est une politique d'égalité ici ?

Elle sirotait de nouveau son Kaimaki, il était savoureux et pourtant elle regardait l'homme dans les yeux, la paille à la bouche comme si de rien était, comme si la dernière question était d'une banalité absolue, comme l'on parle de la pluie et du beau temps ou autre sujets classiques alors qu'indirectement cette question pouvait être prise comme d'ordre positif. Ce qui était certain c'était que ça sincérité était bien présente, elle pensait réèllement ce qu'elle disait sans aucun complexe.

Lorsqu'elle lui dit qu'elle commencerait demain le lézard ne put s'empêcher de se dire que c'était une bonne nouvelle, il pourrait la voir demain. Enfin, ce n'était pas comme si aucun employé ne l'avait vue aujourd'hui mais pour le moment il était le seul à lui avoir adressé la parole. C'était toujours plus simple d'entamer son premier jour de boulot quand on savait qu'on allait trouver sur place quelqu'un d'amical. Chacun but un peu plus de ce qui lui avait été servi. Le silence qui plana pendant quelques secondes n'était pas pesant. Chacun semblait un peu perdu dans ses pensées et l'activité qui régnait ici servait à dissimuler leur absence de paroles.

- Je ne voudrais pas te vexer ou paraître curieuse mais tu paraît plutôt jeune, tu as commencé à travailler assez tôt j'imagine ?

Les mots d'Anastasya le tirèrent de son étude attentive des veines du bois du comptoir. Il releva la tête et ses yeux rencontrèrent le bleu profond de ceux de la jeune femme. Il n'y avait rien de péjoratif dans ses paroles. Il était encore assez jeune, ce n'était qu'un simple constat. Et il ne pouvait nier que beaucoup d'humains de son âge poursuivaient encore leurs études. Il n'avait pas vraiment eu ce loisir mais ne s'en plaignait pas. Mieux valait être moins formé et libre que très éduqué et envoyé ensuite au centre de dressage. Rien que d'y penser il sentait des frissons parcourir son corps.

- J'ai commencé à travailler assez tôt, ouais. Mais je ne m'en plains pas, j'aime ce que je fais et ça me permet de gagner honnêtement ma vie. Peut-être qu'un jour je reprendrai des études.

Parler lui avait permis de chasser au loin les images qui étaient venues avec les pensées liées au centre de dressage. Il n'y avait jamais été mais on lui en avait parlé et ça ne donnait vraiment pas envie d'aller y faire un séjour. Quant à ce qu'il venait de dire sur les études il savait que c'était hautement utopique. Il ne pouvait pas se permettre de se mêler à trop de monde chaque jour ou quelqu'un finirait par découvrir qu'il n'était pas vraiment ce qu'il prétendait être. Il ne pouvait pas se permettre de détruire tout ce que Jiki, Jirou et Armand avaient construit pour lui.

- Ceci dit tu n'as pas l'air beaucoup plus âgée que moi, ajouta-t-il en souriant.

Il ne voulait pas se montrer outrancier en disant cela et on le sentait au son de sa voix. Comme lorsqu'Anastasya avait parlé de son âge, ce n'était qu'un constat. On voyait bien qu'elle n'avait pas trente ans. Dans tous les cas ce n'était qu'un moyen comme un autre de laisser la conversation suivre tranquillement son cours, tout cela était naturel. D'un côté comme de l'autre les réponses et réactions n'étaient pas faintes.

- Et... Je vois qu'il y a des hybrides qui travaillent ici, ils ont l'air d'être égaux par rapport aux humains, c'est plutôt positif je trouve, c'est une politique d'égalité ici ?

Le lézard s'immobilisa, le verre à mi-chemin entre le comptoir et ses lèvres. Il ne savait que répondre à cela. Était-elle en fait un Rabatteur ? Avait-on découvert quelque chose de suspect à son propos ? Bastet avait-il parlé de lui aux autorités ? Armand avait-il été obligé de trahir sa promesse pour préserver son entreprise ou même sa vie ? Le calme qu'affichait Anastasya ne parvenait pas à déteindre sur lui. Il avait soudainement peur. Peur que toute cette harmonie ne soit qu'un mensonge de plus, qu'elle n'ait fait semblant d'être amicale. Il avait peur de s'être fait duper. Cependant, malgré son trouble apparent ses yeux restaient calmes et Kisui se força à se détendre. Ce n'était pas le moment de se faire des films ou de se vendre avec ce genre de réaction excessive.

- Euh... Je... Ouais. Ouais c'est la politique d'Armand Wolfken, notre patron. Je ne sais pas trop ce qui l'a amené à penser comme ça mais ici aucun hybride n'est jamais maltraité. Ils reçoivent le même respect que les humains et les clients en sont informés. Ceux qui ne respectent pas cette règle ne remettent plus les pieds ici.

Sa voix avait tremblé mais il avait réussi à reprendre contenance. Ou, tout du moins, il avait l'impression qu'il avait réussi. Il avait fait bien attention à faire référence aux hybrides comme s'il n'en était pas un. Finalement tout cela n'était pas si naturel que ça. Comme toujours il finissait par apporter le mensonge. Il avait certainement tout fichu en l'air. Il bu distraitement la fin de son thé glacé avant de faire tourner les glaçons qui restaient au fond. Il était vraiment trop con. Pourquoi fallait-il toujours qu'il panique ? Il était toujours aussi mauvais alors qu'il avait fait ça toute sa vie...

Anastasya notait un très léger comportement de la part du jeune homme, presque imperceptible. Elle se demandait bien à quoi il pouvait penser de si perturbant pour un humain alors qu'il lui répondait simplement, lui dévoilant un peu plus son parcourt. C'était un parcourt simple, il n'était donc pas là pour un job étudiant. La jeune femme l'écoutait avec attention alors que leur regard bleus et vert se rencontrait, elle n'en démordrait pas, ses yeux étaient vraiment splendide, d'une couleur partagée entre le bleu et le vert, elle ne s'en lassait pas. Pourtant elle n'avait pas de tendances voyeuriste mais c'était là comme une oeuvre d'art. A la suite de sa réponse elle se dit qu'en effet, elle ne devait pas être beaucoup plus agée du haut de ses vingt-six ans mais elle avait tout de même l'impression qu'il était un peu plus jeune qu'elle. Cela ne la choquait guère, elle arborait un visage plutôt doux, comme si son passé ne l'avait pas marqué, comme s'il n'existait pas.

A la réponse du croupier sur sa dernière question, la jeune hybride l'observa, plus attentivement encore, de son regard de prédateur, qu'elle n'affichait pas, simplement que sa nature profonde est celle du prédateur, du rapace. Il se comportait à présent comme une proie, avec un léger désir de fuite, une peur cachée mais pour elle tellement évidente, cela lui sautait aux yeux. Elle sentit un malaise, peut-être avait-il peur des hybrides ? Mais pourquoi irait-il travailler au milieux de ceux-ci, pourquoi ne quitterait-il simplement pas l'île ? Quel comportement étrange pour un humain... Elle s'efforçait de laisser ses aigrettes cachée pour ne pas montrer sa surprise à l'excès. son visage affichait simplement un air un peu étonné bien qu'elle aurait souhaité cacher un peu plus cette émotion. Elle l'avait bien vu bloquer là dessus, à la limite de ce braquer, alors elle répondit à ce mal-aise d'une voix calme et posée tout en sirotant sa boisson laiteuse :

- C'est bien je trouve, peut-être qu'avec le temps les hybrides auront un peu plus de liberté.

Elle ne voulait pas évoquer leur libération et l'équité total en raison de son appartenance à un groupe de libération des hybrides qui y travaillait dans l'ombre. Elle ne voulait pas non plus passer pour une révolutionnaire, donc pour quelqu'un de plutôt violent et trop encré dans ces idées ou bien pire, se faire démasquer au risque de finir au centre de dressage et de se retrouver nez-à-nez avec Vladimir, cette fois ci, c'était elle qui ressentit un frisson, alors que ses aigrettes avaient légèrement bougé contre son crâne alors qu'elle essayait de se reprendre. Le hibou se reprit, chassant cette idée dans son esprit et elle se rendit compte qu'elle réagissait comme lui, c'était étrange qu'un humain réagisse sur ce point comme elle, comme si lui aussi se protégeait de tout ça. Elle lui demandait sur un ton doux et presque bas, comme pour ne pas le froisser ou apporter de soupçons :

- J'ai l'impression que cette question te mets mal à l'aise, pourtant tu travail avec eux chaque jours et après-tout ils sont comme les êtres humains je trouve...

Et puis sa main se resserra légerement sur son verre, elle regarda le bois verni du bar d'un air pensif et ajouta d'une voix neutre, comme si elle n'aportait qu'une pur et simple constatation sur ce monde, sur cette île et sur les façons de faire des Hommes, comme si elle ne faisait pas partie des humains, peut-être même que cela la trahirait peut-être mais après-tout beaucoup d'humains pensaient comme elle donc c'était simplement un fait qu'elle énumérait dans un très léger soupir:

- Les humains s'approprient tout... Les animaux, les plantes, les hybrides, comme s'ils étaient les maître du monde. L'être humain n'a pas de limite, pourtant autour du monde certains humains pensent comme nous...

Et là le Hibou Grand Duc se rendit compte de sa bêtise, elle termina en une gorgée sa boisson tandis que ses aigrettes avaient une fois de plus légèrement bougé d'un mouvement incontrôlé et se reprit sans montrer ses émotions, sur un ton plus calme et plus présent, moins abstrait :

- Je veux dire, comme ceux qui ont une véritable conscience, parce que la majorité des humains sont avides de pouvoir, et puis de toute façons c'est l'argent qui dirige le monde après-tout.

La jeune femme se tut, elle attendait une réponse de la part de l'homme, et s'il le fallait, elle s'enfuirait voir même l'attendrait dans une ruelle pour lui régler son compte et lui faire comprendre qu'il n'avait pas interet à la vendre auprès de la hierarchie ou d'essayer de lui faire du chantage car elle avait des associés, une équipe qui pourrait lui régler son compte. Bref, elle ne laissait presque rien paraître,

Anastasya abonda dans le sens d'Armand et Kisui eut un sourire quelque peu teinté d'amertume. Les hybrides n'auraient certainement jamais les mêmes droits que ceux accordés aux humains mais il était beau de voir que certains pouvaient encore penser de cette manière. Alors que la jeune femme parlait le lézard cru apercevoir quelque chose se mouvoir au sommet de son crâne. Si laissa cela de côté, songeant qu'il devait y avoir eu une reflet ou que savait-il d'autre. Seuls les hybrides pouvaient prétendre avec des choses qui s'agitaient sur le sommet de la tête et, elle, elle était humaine, n'est-ce pas ? Quelque part dans son esprit se formait l'hypothèse selon laquelle la demoiselle était peut-être comme lui. Il y réfliéchissait sans même vraiment s'apercevoir, comme lorsqu'on cherche le nom d'un acteur avant que son nom ne fuse dans la conversation dix minutes plus tard en étant tout à fait hors de propos.

- J'ai l'impression que cette question te mets mal à l'aise, pourtant tu travailles avec eux chaque jours et après-tout ils sont comme les êtres humains je trouve...

Kisui se dissimula derrière un sourire. Si elle savait. Mais elle ne savait pas. Personne ne savait et c'était mieux ainsi. C'était de cette manière que Jirou pensait qu'il pourrait être sauvé. Il l'avait cru et il fallait bien avouer que cette technique avait plutôt bien fonctionnée jusqu'ici. Il n'y avait rien à redire. Être caché signifiait souvent être seul mais cela impliquait aussi d'être toujours en vie sans avoir souffert des affres de l'escalavage et de la captivité. Il n'allait pas mettre sa couverture en péril pour deux grand yeux bleus, aussi beaux soient-ils.

- Je ne les crains pas plus que je ne crains les autres êtres humains. Je sais simplement que ce genre de règles ne plaisent pas à tout le monde. Il laissa passer un très léger silence. C'est pour ça que je ne sais jamais trop comment le présenter ni même comment les nouveaux peuvent réagir.

Il se frotta la nuque et laissa échapper un petit rire gêné. N'importe qui penserait qu'il était ennuyé par ce qu'il venait d'avouer. Et pourtant sa gêne n'avait pour autre origine que le mensonge qu'il était en train de prononcer. Il avait eu envie que tout se passe pour le mieux pendant cette première entrevue. Tout avait d'ailleurs commencé de la meilleure façon qui soit mais il avait tout gâché, comme toujours. Il vit les phalanges d'Anastasya blanchir légèrement tandis qu'elle serrait davantage son verre. Elle parla de la propension des humains à se penser maîtres du monde voire même maîtres de l'univers.

- L'être humain n'a pas de limite, pourtant autour du monde certains humains pensent comme nous...

Alors qu'elle prononçait ses paroles Kisui vit de nouveau le mouvement furtif sur son crâne. Il en était maintenant sûr et certain. Elle était hybride. Entre ce qu'elle venait de dire et ce qu'il venait de voir il n'y avait pas le moindre doute possible. Il laissa ses yeux redescendre sur le visage de la jeune femme, tentant de masquer son trouble. Il ne parvenait pas à comprendre ce qu'elle faisait là, à lui parler en prétendant être humaine alors qu'elle ne l'était pas. Peut-être était-elle comme lui, une fugitive en quête d'une vie meilleure. Ou peut-être avait-elle réussi à fuir le joug d'un maître trop violent. Beaucoup d'hypothèse, aucune réponse. Le lézard préférait faire comme s'il n'avait rien remarqué. L'ignorance était la meilleure option qu'il avait pour le moment. Il ne voulait pas avoir d'ennuis. Depuis toujours on lui avait enseigné à se tenir loin de tout ce qui pourrait le mettre en danger. Il s'y était toujours appliqué et il n'allait pas changer cette bonne habitude aujourd'hui. La voix de la jeune femme masquait avec peine les bourdonnements de son propre esprit. Elle continua sa tirade sur quelques mots banals à pleurer. Elle se cachait, tentait de faire croire qu'elle était humains. Mais elle ne devait pas pratiquer depuis suffisamment longtemps puisqu'elle parlait encore d'elle-même comme ne l'étant pas. Kisui n'avait pas assez d'éléments pour comprendre pleinement la situation. Il ne pouvait qu'essayer d'agencer les quelques pièces du puzzle qu'il possédait. Il se mit soudainement à rire, faisant ainsi descendre la tension qui était devenus palpable. Il ne pouvait pas la laisser croire qu'il avait vu clair dans son jeu. Il devait se protéger, coûte que coûte.

- Ce n'est pas en travaillant ici que tu risques de changer d'avis sur ce point. De l'argent on est ici pour en faire dépenser aux clients. Des clients assez fortunés généralement bien qu'on ait quelques joueurs compulsifs dont les revenus ne suffisent clairement pas à couvrir leur amour pour le jeu.

En disant cela le lézard désigna un homme qui devait approcher de la cinquantaine et qui se tenait assis à une machine à sous. De loin on aurait pu penser qu'il n'était qu'un citoyen moyen mais, si on y regardait de plus près on voyait que les manches de sa veste étaient râpée et que ses chaussures auraient méritées un passage chez le cordonnier. Et puis, il était près de dix heures et demie et il était encore là.

- Ces types me font toujours un peu de peine et, heureusement, ils ne viennent pas très souvent aux tables. Je pense que je ne supporterai pas de devoir leur prendre ce qu'il leur reste, termina-t-il dans un soupir.

Il espérait avoir réussi à détourner efficacement la conversation. Il contrôlait son regard avec application afin de ne pas examiner ce qui se cachait entre les mèches de cheveux couleur corbeau. Si elle se savait découverte dieu seul savait ce qu'Anastasya pourrait faire. Elle avait l'air frêle mais cela faisait bien longtemps que le lézard avait appris à se méfire des apparences.

Alors que la tension était palpable, le jeune homme aux cheveux soyeux se montrait rassurant sur son propre état d'esprit. Peut-être qu'avec le temps elle pourrait lui faire confiance. Pour l'instant ce n'était pas le cas, après quelques minutes de rencontre c'était un peu précipité comme façon de réagir. Elle écoutait le jeune homme, suivant du regard ce qu'il désignait de la tête, à savoir un homme d'une cinquantaine d'années pas tout à fait frais, et au vêtements abîmés à leurs extrémités. En effet c'était un pauvre homme, Anastasya ressentait de la compassion pour lui, il était esclave de son addiction, enfermé dans un cercle vicieux qui l'empêchait de sortir de cet état. La jeune femme pensait qu'il serait peut-être bon que l'entourage de ce monsieur fasse quelque chose pour le sortir de là... Mais bon, la solidarité n'était pas toujours chose présente, surtout sur Togi dont elle avait l'image de l'île typiquement individualiste. Effectivement, elle ne risquait donc pas de changer d'avis sur l'argent, mais c'était un fait, ceci dit, rien n'empêchait de sortir un jour de cette spirale infernale non ?

En écoutant davantage le jeune homme elle s'apperçue qu'il avait l'air d'avoir de l'empathie. C'était agréable de remarquer ce genre de choses chez un humain en dehors du FALH, cela voulait bien dire qu'il y avait un espoir, que tout n'était pas perdu en ce qui concernait l'être humain. Le hibou était donc rassurée et se calmait, oubliant un peu sa question de base, son attention était en effet reportée sur autre chose à présent. En effet, que faire lorsque quelqu'un se ruine à ce point ? Le laisser toucher le fond ? Lui dire de partir ? Ou continuer à lui tirer autant d'argent que possible sans se soucier de son avenir ? Cela détournait l'attention du hibou grand duc et libérait cette tension qu'elle ressentait, il fallait vraiment qu'elle apprenne à mieux se cacher et à ne pas parler de ce genre de sujet sensible avec les humains. Elle lui répondit alors en replongeant son regard dans celui du jeune homme, sur un ton peu expressif, comme pour mettre le doigt sur un fait avéré :

- Il est dépendant celui ci, ce sont des choses qui arrivent, c'est comme une drogue pour lui je pense. Il est prisonnier de cet état...

Elle regarda le fond de son verre puis elle se replongea dans le vert presque bleu de son collègue, passant une main sur sa boucle d'oreille, et lui demanda calmement, comme par logique et investissement dans son futur travail :

- Et que fait-on de ce genre de personnes si elles insistent trop à rester ? On les laisse se ruiner pour faire du profit ou on garde un peu d'empathie pour les faire sortir d'ici afin qu'ils ne se retrouvent pas complètement à la rue ?

C'était important d'avoir une réponse sur ce genre de sujet, il s'agissait du client et du regard que d'autres clients pourraient avoir sur le casino. Soit c'était un lieu entièrement de profit sans se soucier de sa clientèle, soit la clientèle avait une place très importante ce qui engendrait donc une image de qualité clientèle et d'élégance dans un sens, avec le savoir faire et le savoir vivre. On pourrait penser que ce sont les bases du commerces mais aujourd"hui c'est le profit qui prime avant tout malheureusement. Elle reprit ensuite curieuse :

- Du coup tu es croupier mais, c'est que tu aimes le jeu ou simplement la manipulation de cartes ?

Elle lui avait demandé sur un air bien plus curieux et pourtant très doux, sans être inquisitrice, bien loin de là. Mais qu'est-ce qu'un garçon de formation de serveur ferait-il à devenir croupier ? Pourquoi avoir choisit cette voie ? Qu'est-ce qui lui plaisit dans ce milieu exactement ?

Le regard d'Anastasya se portait maintenant sur l'homme qu'il lui avait désigné. La tension était retombée d'elle-même tandis qu'ils s'agoinaient du sujet sensible qu'avait soulevé la demoiselle. Kisui était content de la tournure que prenait la conversation. Il aurait été dommage que tout se termine ainsi entre eux alors qu'ils venaient à peine de se rencontrer. Le lézard savait maintenant qu'elle était comme lui, une hybride inconnue du grand public. Il n'en dirait rien à qui que ce soit et ne montrerait en aucun cas qu'il l'avait démasquée. Il ne la connaissait pas suffisamment pour savoir ce qu'il se passerait s'il se laissait aller à lui faire une remarque à ce sujet. Mieux valait se tenir coit. La jeune femme continua sur le sujet qu'il venait de lancer, parlant de la drogue qu'était le jeu pour cet homme. Kisui hocha doucement la tête, c'était triste mais ce n'était pas comme s'il pouvait y faire quelque chose. Il détourna son regard de cet homme, il ne voulait pas qu'il se sente épié. Son regard rencontra de nouveau celui d'Anastasya. Il détourna les yeux. Il ne savait pas ce qui le rendait si timide face à elle. Enfin, pourquoi il se sentait plus gêné qu'habituellement d'être aussi craintif. Parce que la timidité en elle-même n'était pas une grande nouveauté. Elle poursuivit sur le même sujet, l'interrogeant sur ce qu'ils allaient faire. Kisui haussa vaguement une épaule, un peu honteux de ce qu'il allait dire mais sachant aussi qu'il n'y avait pas d'autres réponses à apporter.

- Tant qu'ils ont de l'argent on ne peut pas vraiment les chasser. On ne peut pas sevrer de force une personne dépendante de n'importe quelle substance. C'est la même chose pour le jeu. Si on le chasse d'ici il ira ailleurs et cela ne se fera pas sans heurts. Alors on les laisse faire. Certains finissent par se lasser ou alors sont pris en charge par leur famille, des amis ou encore des associations mais, nous, on ne peut pas faire quoi que ce soit. Il laissa passer un silence qu'il acheva par un soupir. Nous ne pouvons rien faire.

C'était une conclusion qui était très loin de lui convenir mais il n'en voyait pas d'autre. Ils étaient nombreux à dépenser tout ce qu'ils avaient ici. Certains étaient plus ou moins reconnaissables et plus ou moins dépendants. Dans tous les cas ils avaient leurs "habitués", ceux qu'ils voyaient au moins une fois par semaine. Certains n'étaient que de riches propriétaires qui ne savaient que faire de leur fortune mais d'autres n'étaient que de pauvres types en quête de la richesse qu'on leur faisait miroiter à leur entrée ici. Le lézard repoussa son verre vide. Il allait bientôt devoir retourner travailler, il avait déjà pris presque vingt minutes de pause. Il savait qu'on ne lui en tiendrait certainement pas rigueur si, pour une fois, il dépassait un peu le temps qui lui était aloué. Anastasya lui posa une nouvelle question, plus personnelle mais pas trop. Elle dosait ses paroles, on pouvait le sentir, mais sans qu'elle n'en donna l'impression. Kisui n'était amené à penser cela qu'à cause du petit dérapage qui avait eu lieu un peu plus tôt.

- Le jeu en lui-même m'intéresse, il est toujours assez intéressant d'observer les différentes façon de jouer de ceux qui se trouvent autour de la table. Mais j'admets que ce qui m'amuse le plus c'est les cartes en elles-mêmes. On peut leur faire dire ce que l'on veut, il suffit de savoir comment procéder.

Il avait ajouté cette dernière phrase en relevant la tête vers la jeune femme, une étincelle amusée dansant au fond de son regard bleu-vert. Il n'allait pas lui avouer qu'il faisait en sorte de mélanger le jeu au fur et à mesure pour empêcher les autres de compter. Il n'avoua pas non plus qu'il lui arrivait de désaventager certains clients. Il lui arrivait de procéder de cette manière lorsqu'il voyait des signes de sévices sur les hybrides qui accompagnaient les joueurs. Évidemment il se devait d'être prudent, de ne pas être pris. Si quiconque s'en rendait compte il aurait de ennuis. De très gros ennuis. Mais il estimait que le jeu en valait la chandelle. Et puis, cela rendait son travail plus intéressant.

- C'est le contact avec les gens qui t'intéresse dans le service ? Ou est-ce seulement le salaire proposé qui t'a attiré ? Plaisanta-t-il avec légerté.

Il savait qu'il n'avait pas à juger l'état des finances de la jeune femme et il ne le faisait pas. Il préférait seulement que leur conversation ne se ramène pas aux conditions des hybrides. Ne pas glisser sur une pente savonneuse lui semblait une bonne idée. Il était parvenu à reléguer ses inquiétudes dans un petit coin de son esprit. Il aurait tout le temps de traiter toutes ces informations un peu plus tard. A comprendre : quand il serait seul chez lui.

A la réponse à sa première question, Anastasya remarqua qu'elle avait manqué de logique, il était tout à fait vrai qu'une addiction pouvait asservir quelqu'un au point d'être prêt à tout pour assouvir leur besoin, que cela soit en matière de drogue, d'alcool, ou tout simplement de jeux d'argent. Il n'y avait donc rien a faire, et finalement, ils faisaient tourner tout ça avec la plus grande puissance du mon : l'argent. Et elle allait travailler comme serveuse pour ce genre de business... Mais en même temps, l'argent n'empêche pas de raisonner de manière bienveillante, comme par exemple dans le cas présent où les hybrides sont traités en égaux face aux humains. Et puis, ce jeune homme en face d'elle représentait vraiment le WW, il en était l'image. Et pour le moment, l'image qu'elle avait de lui était celle de quelqu'un doué d'empathie mélangé à un professionnalisme, il avait vraiment l'air propre sur lui, c'était appréciable. La jeune femme sourit au moment où le jeune homme lui conta qu'il aimait jouer avec les cartes, elle aurait cru entendre un magicien. Il était pourtant rare qu'elle sourisse mais là il était vraiment attendrissant, ce beau jeune homme aux yeux d'une couleur si particulière, qui avait commencé dans la vie active assez tôt et qui était investi tout en étant pris de passion pour son job, c'était vraiment splendide.

Anastasya repoussa également son verre, passant une mèche de ses cheveux ébène derrière son oreille, petit geste d'automatisme, il lui plaisait bien, mais elle n'était pas là pour ça, et puis ce n'était pas son genre d'être attirée par le premier jeune homme qu'elle voyait, après tout, la jeune femme en avait déjà vu de toute les couleurs avec mâle humain, ce n'était pas aujourd"hui qu'elle serait intéressée par l'un d'eux pour autre chose qu'une relation cordiale ou d'amitié. Elle chassa donc toute idées un peu envieuses de sa tête et se contenta de répondre à ses questions, elle étaient pertinentes, Anastasya garda son sourire, et sans s'en rendre compte, son regard changea, se faisant un peu plus taquin, plus détendu, elle allait être totalement honnête avec lui :

- Très sérieusement ? Pour les deux raisons que tu as cités !

Le hibou grand duc n'était pas timide, bien au contraire, même si d'ordinaire elle restait très méfiante, il en était autrement avec ce jeune homme. Alors, pour apporter un peu plus d'informations sur la raison de sa présence, elle plongea son regard dans celui du garçon, sans être trop insistante non plus pour ne pas l'indisposer ou le rendre mal à l'aise, elle avait remarqué qu'il était timide, c'était presque criant, et la jeune femme ne comptait pas lui rentrer dedans brusquement, elle était une femme respectueuse de chacun, de surcroit si on est agréable et respectueux envers elle.

- J'ai le sens du service et la rigueur, cela fait partie de mes valeurs tout comme l'assiduité...

La jeune femme carressa le bois verni du comptoir, d'une manière presque suave sur un mouvement pourtant automatique, puis d'un ton un peu plus energique tout en ayant une voix plutôt basse, comme si c'était un secret alors qu'en réalité ça ne l'était pour personne, c'était même plutôt chose évidente :

- Je t'avoue que j'ai besoin de travailler pour m'assumer aussi ! Il faut bien manger, ce travail me correspond bien et le rythme est vraiment idéal pour moi, les horraires me conviennent pleinement pour mes autres projets de vie.

Ses autres projets de vie étaient bien évidement son investissement au sein du FALH qui était une organisation bien gardée et tenue secrète; elle n'allait donc pas le crier sur tout les toits ni entrer davantage dans les détails. Cela risquerait de compromettre tout le parcourt qu'elle avait entamé jusque là.
Anastasya reprit le sujet précédent sur un ton curieux sans non plus être espiègle :

- Mais dis moi, pourquoi ne fais tu pas magicien si tu aimes tant les cartes ?

Elle aurait tant aimé qu'il lui montre comment cela se passe, quel talent il avait, là sur le champs, elle voulait voir, par curiosité, parce que cela devait être quelque chose de beau de voir quelqu'un faire ce qui le passionne avec beaucoup de talent, car en effet, selon les réponses du bel homme, la jeune femme se faisait une idée de lui d'un excellent batteur de cartes voir même illusioniste.

Kisui était content de voir qu'elle ne prenait pas ombrage de ses questions. Même plus, elle en riait ouvertement, c'était une belle récompense, ce rire, pour un l'être aussi peu enclin au contact qu'il était. Le lézard laissa un sourire flotter sur ses lèvres alors qu'il gardait les yeux posés sur le visage de la demoiselle. Elle avait des traits fins et la pâleur de sa peau contrastait élégamment avec la couleur de ses cheveux et de ses yeux. De nouveau il détourna le regard. Ce n'était pas comme s'il se passerait jamais quoi que ce soit entre eux. Ne serait-ce que parce que ce genre de filles pouvaient trouver bien mieux qu'un mec pas tellement grand, loin d'être baraqué et loin de rouler sur l'or. Mais peu importait, il venait à peine de la rencontre. Il n'était pas du tout utile de s'encombrer de telles pensées. Il l'écouta parler des qualités qu'elle estimait posséder. Il n'y avait pas là de vantardise. Elle ne faisait que dire ce qu'elle pensait d'elle-même. De l'avis de l'hybride il était très sain de savoir ce pour quoi on était fait. D'autant plus que la fausse médiocrité était quelque chose qu'il exécrait plus que tout.

- Je t'avoue que j'ai besoin de travailler pour m'assumer aussi ! Il faut bien manger, ce travail me correspond bien et le rythme est vraiment idéal pour moi, les horraires me conviennent pleinement pour mes autres projets de vie.

Elle était pleine d'entrain lorsqu'elle disait cela et Kisui se surprit une nouvelle fois à sourire. Il hocha simplement la tête. Il lui aurait bien demandé ce qu'elle avait à faire qui puisse supporter des horaires aussi changeants mais il se retint. Il n'avait pas envie d'apprendre qu'elle était en fait un Rebelle. Il détestait tant ces hybrides et leurs méthodes qu'il ne saurait quelle serait sa réaction si Anastasya était l'une des leurs. Néanmoins il voyait mal l'un des membres de ce groupe capable de se promener ainsi parmi les humains sans perdre son calme. D'autant plus qu'elle était détendue et discutait avec lui depuis tout à l'heure tout en pensant qu'il était tout ce qu'il y avait de plus humain. Il se laissa malgré tout aller à sa curiosité de manière partielle :

- Tu pratiques un sport peut-être ? Je ne veux pas me montrer indiscret donc tu n'es pas obligée de répondre. Juste j'admire les gens qui sont capables de faire un sport de manière régulière.

Son physique de gringalet parlait pour lui. Oh il faisait bien un peu de jogging mais il était loin d'y aller chaque matin. Il se contentait d'y aller lorsqu'il sentait qu'il avait besoin d'évacuer le stress ou simplement d'occuper une après-midi particulièrement improductive. Dans tous les cas il n'était clairement pas un grand sportif. Anastasya l'interrogea ensuite sur ses possibilités d'évolution, appelons ça de cette manière.

- Je ne sais pas. J'admets que je n'y avait jamais pensé. Je n'aime pas tellement être le centre de l'attention alors faire de la scène ça ne m'attitre pas plus que ça. Je sais faire quelques tours du reste mais ce n'est pas bien l'endroit pour te montrer tout ça. Beaucoup de gens supposent que je distribue parfois les cartes de manière... particulière disons, mais très peu ont des preuves. J'aime autant que ça reste en l'état.

ll rajouta un clin d'oeil à tout cela. Il n'allait certainement pas révéler l'ensemble de ses tours. De plus, il savait qu'il ne maniait aussi bien les cartes que grâce à son hybridation. Cette dernière lui donnait une promptitude qui n'avait rien d'humaine. C'était aussi et surtout la raison que le tenait loin des scènes et de toute autre exhibition. Pour vivre heureux vivions chachés disait le dicton. On pouvait dire qu'il le suivait à la lettre.

- Ceci dit il faut que je retourne à ma table, je suis en pause depuis déjà trop longtemps.

Le lézard se releva de son tabouret et commença amorça un demi-tour avant de s'arrêter pour regarder de nouveau sa compagne de l'instant. Elle avait semblé intéressée lorsqu'il avait parlé du jeu peut-être voulait-elle venir voir. Normalement il fallait payer pour pouvoir jouer et s'approcher des tables de jeu mais il n'y avait presque personne et ils pourraient toujours prétendre qu'Anastasya souhaitait mieux apréhender son nouveau lieu de travail.

- Tu peux venir voir si tu veux. Je ne sais pas s'il y aura des joueurs mais je pourrais au moins te montrer les bases. Enfin, tu n'es pas obligée de me dire oui.

Kisui songea qu'il avait certainement pris ses désirs pour des réalités et se dit qu'il était bien bête d'avoir parlé ainsi. Elle ne devait pas en avoir grand chose à faire. Quoi qu'il en soit il devait retourner travailler ou il allait finir par se faire taper sur les doigts, bon élément ou non.

Anastasya contemplait le sourire du jeune homme, il était timide mais en même temps plein d'expression, c'était tout simplement adorable et touchant. Elle ne s'attendait pas à tant de douceur d'un humain non engagé dans un groupe de défense des droits des hybrides. C'était comme si toute cette situation ne le touchait pas. Elle le pensait tellement innocent fface à ce monde. Et la jeune femme se disait qu'il restait encore beaucoup de sentiments de bienveillance de la part des humains. Elle se délectait de ce moment. À sa première question, concernant le sport elle répondait simplement et honnêtement sans trop en dire non plus :

- oui je suis assez sportive, je pratique quotidiennement le sport, c'est important pour être en bonne santé.

Disait-elle dans un léger sourire, il y avait un léger effet miroir, il souriait avec douceur et timidité et elle lui répondait avec un sourire doux et spontanée. La jeune femme se permit de se laisser aller pour une fois. Ça n'était pas très prudent mais ce garçon était intéressant et empli de gentillesse, comment résister à cette tentation de faire connaissance ? Et puis lorsque le croupier répondit par la suite avec la même honnêteté qu'elle la jeune femme ne fut point surprise car en effet il était risqué de passer pour quelqu'un qui truquerait un jeu, cela serait mal vu et il risquerait sa place, elle le comprenait parfaitement et aurait agit de la même manière à la place du bel homme. Dans sa réponse il avouait une part de timidité ou de réserve, la jeune femme trouvait cela toujours plus touchant, c'était rare pour un homme, les humains ont des codes tellement strictes dans cette société patriarcale, lui dérogeait à la régle, Anastasya interprétait cela comme une force de caractère, il assumait malgré tout sa réserve sans se sentir redevable de quoi que ce soit. Il était simple elle appréciait cela.

Puis lorsque l'humain l'informa qu'il devait, malgré ce bon moment, repartir au travail, ce qui était tout à fait normal, la jeune femme fut troublée. Elle ressentit un pincement, comme une frustration, elle aurait pu rester des heures à discuter avec lui. Et alors qu'elle le voyait partir, dos tourné, son visage prit une expression particulière que l'on a lorsque l'on se refuse à voir partir quelqu'un que l'on affectionne. Sa main se leva, et alors qu'elle s'apprêtait à le ratrapper par le bras l'homme se retourna, leurs regard se rencontraient à nouveau, il lui proposait de venir le voir à sa table, un sourire se dessina sur les lèvres d'Anastasya, elle lui répondit doucement contenant une joie qu'elle trouvait déplacée :

- Oui bien sûr, ça serait avec plaisir ! Nous pourrions former une meilleure équipe grâce à cela. Et puis, j'avoue que je n'ai jamais vu ça en vrai !

Eb effet la jeune hybride n'avait jamais eu cette occasion de pouvoir admirer un tel travail et encore moins de la part d'un véritable professionnel.
La jeune femme se leva de son siège le moins brusquement possible malgré la hauteur et elle suivit le jeune homme aux cheveux bleus et au regard intense jusqu'à la table des jeux. Elle le regarderais faire avec beaucoup d'attention et de concentration pour comprendre le métier qu'il exerçait chaque jours.

Kisui vit qu'Anastasya avait la main tendu dans sa direction. Aurait-elle voulu le retenir ? Il chassa cette idée de son esprit, il était inutile de se faire de faux espoirs. Même s'il l'appréciait il n'avait jamais eu d'amis vraiment proches et il ne pensait pas que cela puisse changer à cause du secret qu'il tenait à tout prix à protéger. Néanmoins son sourire fit écho à celui qui se trouvait encore sur les lèvres de la jeune femme. Elle semblait assez enthousiaste et ça faisait plutôt plaisir à Kisui qui n'était que rarement le centre d'aussi sympathiques attentions.

- Nous pourrions former une meilleure équipe grâce à cela. Et puis, j'avoue que je n'ai jamais vu ça en vrai !

Eux ? Une équipe ? Le lézard se sentit un peu troublé sans trop savoir pourquoi. Il se détourna de peur que son visage ne traduise ce sentiment qu'il ne pouvait expliquer. Peut-être était-ce simplement parce qu'une jolie femme s'intéressait à lui. C'était bien la première fois que ça lui arrivait et ça le perturbait, il fallait bien l'avouer. Il la guida jusqu'à la table de jeu qu'il occupait habituellement. Il n'y avait toujours personne mais cela n'allait pas l'empêcher de lui montrer de quelle manière distribuer et lui expliquer les règles de base. Il n'y avait pas grand chose à dire et, en fait, c'était plus pour la garder un peu plus longtemps avec lui qu'autre chose qu'il avait fait cette proposition. Il prit un paquet de cartes et se mit à les battre rapidement tout en s'adressant à Anastasya.

- Beaucoup de gens jouent au poker, c'est très à la mode. Le but du jeu c'est, avec sept cartes, de faire la meilleure combinaison possible avec cinq de ces cartes. Le plus généralement on joue au Texas Hold'em bien qu'il existe pas mal de variantes. Donc j'ai ici 52 cartes, j'en pose cinq au centre.

Tandis qu'il parlait il déposa rapidement les cartes face cachée au centre de la table de jeu. Il ne savait pas si Anastasya avait déjà joué à ce genre de jeu aussi se dit-il qu'il n'allait pas entrer dans les détails des mises qui pouvaient s'avérer un peu délicats dans la mesure où il n'y avait pas de situation réelle à laquelle se référer. Il allait se contenter des cartes.

- Après on distribue deux cartes à chaque joueur, cartes qu'il ne regardera pas immédiatemment. Après cette distribution on a les premières mises. Une fois que ces dernières sont faites les joueurs regardent leurs cartes et je retourne les trois premières. Ca permet de commencer à voir si on peut faire quelque chose d'intéressant ou pas.

Il s'enterrompit, se rendant compte qu'il parlait beaucoup trop. Il se retint de se frotter la nuque, cela aurait trahi sa gêne. Il n'avait pas pour habitude de se montrer si bavard. Habituellement il écoutait les autres parler sans trop lui-même participer à la discussion. Il préférait être effacé et puis, il était toujours agréable d'avoir quelqu'un a qui parler. Il était cette oreille attentive pour un certain nombre de ses collègues.

- Désolé, je parle trop. Ca t'intéresse peut-être pas tellement tout ça.

Il voulait retourner la conversation un peu dans sa direction. Primo il n'aimait pas être le centre de l'attention et deuxièmement il ne voulait pas sembler imbu de sa personne à Anastasya en ne parlant que de lui-même ou de son travail. D'autant plus que si lui était passionné par les cartes la jeune femme ne l'était peut-être pas.

- Est-ce que tout ça te donne quelques idées sur l'équipe que nous pourrions former ?

De nouveau il se sentit légèrement gêné à cette idée. Peut-être était-ce seulement l'idée de pouvoir faire partie d'un groupe ? Il ne savait pas pas. Il n'avait pas l'habitude qu'on le considère comme un allié potentiel. En même temps il n'était ni particulièrement brillant ni particulièrement fort alors bon. Il chassa ces idées de son esprit. Ca n'avait rien à faire là. Ce n'était ni le lieu ni le moment.

Anastasya écoutait Kisui tel une élève attentive, c'était un peu compliqué à comprendre tout cela mais elle finirait bien par y arriver. Sa concentration était au maximum, rien que pour un jeu de cartes, et en même temps, son futur équipier était vraiment agréable à regarder, la jeune femme découvrait une part d'elle inconnue jusqu'à lors, elle qui n'avait jamais pu s’intéresser à un garçon, toujours poussée à obéir à ses maîtres. Il était jeune et frais, beau comme le jour et mystérieux comme la nuit, elle ne s'en lassait pas. La voix de l'humain était si agréable à entendre, elle lui paraissait fluide et en même temps discrète. Cela l’intéressait assurément, mais Anastasya remarquait quelque chose d'étrange qu'elle n'arrivait pas à comprendre, était il gêné ? Indisposé ? Peut-être le gênait-elle ? Toutes ces questions se bousculait dans sa tête. Elle s'était fait une petite idée sur le genre d'équipe qu'ils pourraient créer, premièrement s'il y avait du monde, Anastasya serait amenée à faire le service à cette table. Après, le restait était à voir, elle n'avait pas d'idée précise. Sur ces mots le hibou répondit d'une voix presque enjouée, elle ne se reconnaissait pas vraiment :

- Eh bien, si beaucoup de joueurs se présentent, alors je serais très certainement sollicitée pour faire le service des boissons, il faudra assurer !

Elle mit une main devant sa bouche, c'était trop d'expression, trop de spontanéité, elle n'avait pas l'habitude de se comporter comme cela, d'être si naturelle, pourtant le vieil homme chez qui elle avait vécu en dernier avait été très gentil mais, elle n'avait jamais été naturelle, il fallait respecter les traditions, se comporter sans montrer ses sentiments, et puis, elle ne l'avait jamais réellement fait devant qui que ce soit. La jeune femme rougit un peu, faisant ce qu'elle pouvait pour se contenir, passant une main dans ses cheveux, mais qu'allait-il penser d'elle ? Elle devait être si ridicule, les humains sont semblables mais n'ont pas la même empathie, pas tous en tout cas, elle espérait qu'il comprendrait, alors elle s'excusa platement et timidement, on pouvait ressentir une très légère gêne, comme si elle avait honte, ou peur du jugement :

- Ah, désolée, je suis trop spontanée, trop expressive.

Elle devrait améliorer ce point de son caractère et en même temps, cet humain si gentil et inofensif lui faisait quelque chose, une sensation qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant, mais qu'était-ce ? Avait-il des pouvoirs magiques ? Etait-il un si grand magicien pour faire cela ? L'hybride se posait des questions. Puis elle reprit plus calmement, comme pour se rattraper aux branches :

- Euhm, après c'est à voir mais, peut-être que l'on pourrait se faire signe, du regard... Enfin non, je veux dire, peut-être pourrions nous nous donner rendez-vous pour prendre nos pauses en même temps ? Enfin, euh de temps en temps si ça ne t'embête pas.

Anastasya ne souhaitait absolument pas lui causer du tort dans son travail ni même le gêner, cela ne se fait pas sur Togi, peut-être ailleurs mais pas ici. Elle se gratta nerveusement l'arrière du crâne avec légèreté et dans un sourire innocent elle reprit :

- Ah, désolée, je suis peut-être trop franche, n'hésite pas à me le dire si ça te gêne surtout.

Elle eu un petit rire mal à l'aise, elle ne savait plus où se mettre, si elle avait pu être une souris elle se serait cachée dans le premier trou qu'elle aurait vu pour ne plus en sortir. Ces sensations nouvelles, Anastasya ne savait pas vraiment les gérer, et en même temps, elle ne pouvait certainement pas lui dévoiler son histoire sous peine de gâcher sa couverture, et puis ça n'était pas une excuse, chercher à justifier ses actes, c'est être coupable, c'est que l'on a quelque chose à se reprocher. Donc elle n'allait même pas essayer de faire cela, ce serait ridicule. Mais la jeune femme allait devoir s'y habituer rapidement et apprendre à gérer ce type d'émotions au plus vite, elle savait retenir la peur, la tristesse et la colère, les émotions les plus négatives mais ces nouvelles émotions, la jeune femme n'avait pas appris à les gérer et en même temps, son travail allait l'aider dans sa démarche.

Kisui émit un léger rire devant la joie d'Anastasya. Elle semblait se détendre et ce n'était pas pour déplaire au lézard qui se détendait lui aussi au fur et à mesure qu'elle se sentait à l'aise. Il était un peu une éponge à émotion et l'attitude d'autrui influait toujours fortement sur la sienne. Cependant cet élan de spontanéité fut de courte durée. La jeune femme ne tarda pas à se renfermer avant de passer une main dans ses cheveux. Kisui ne savait que trop bien ce que ce geste pouvait signifier puisqu'il possédait un tic similaire.

- Ah, désolée, je suis trop spontanée, trop expressive.

L'hybride aux cheveux bleus sourit doucement et reposa les cartes sur la table de jeu. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle s'excusait. Ou, tout du moins, il n'aurait pas compris s'il n'avait pas vu les excroissances qu'elle portait sur le dessus du crâne. Si elle était hybride et qu'elle avait eu un maître prompt à la réprimander tout devait clair comme de l'eau de roche. Kisui sentit son coeur se serrer à cette pensée. Comment les hommes pouvaient-ils être si cruels ? Il se posait cette question depuis bien longtemps mais n'avait toujours pas de réponse. Il se contenta donc de la rassurer comme il pouvait.

- Tu n'as pas à t'excuser de quoi que ce soit. C'est bien de montrer de l'enthousiasme pour ce qu'on fait.

Ces quelques mots étaient d'une simplicité presque affigeante aux yeux du lézard mais ils avaient le mérite d'être vrais. Il posa ses mains à plat sur le tapis vert, ne sachant trop qu'entreprendre pour faire comprendre à Anastasya qu'elle n'avait pas à ressentir de gêne face à ses propres émotions. Il n'y avait d'ailleurs certainement rien qu'il ne puisse faire. Si elle avait été victime de mauvais traitements ce n'était pas lui qui parviendrait à l'aider. Il savait parfaitement écouter mais il évitait généralement de trop s'impliquer. Les relations restaient généralement superficielles. Ne pas se mettre en danger. Cette phrase régissait sa vie. La jeune femme recommença à parler, s'embrouillant dans ses explications tandis que Kisui souriait de plus belle. Elle qui avait semblé si assurée lorsqu'ils étaient encore au bar semblait maintenant décontenancée. D'où pouvait provenir ce si soudain changement ? Nul n'aurait pu le dire si ce n'était sa vis-à-vis elle-même. A moins qu'elle ne fut comme lui pas bien douée pour décrypter ses propres émotions. Cependant il ne tarda pas à perdre de sa superbe lorsqu'elle proposa qu'ils prennent, plus tard, leurs poses ensemble. Son sourire se fana et, s'il n'avait pas pertinemment sur qu'ils n'étaient que tous les deux il se serait retourné pour voir si elle ne parlait pas à quelqu'un d'autre. Les gens appréciaient généralement le calme dont il faisait toujours preuve mais il n'était pas un compagnon des plus locaces et les autres préféraient souvent prendre leurs poses sans lui. Enfin, non, il exagérait. On ne faisait pas exprès de l'éviter, il était loin d'être un paria, mais disons qu'il ne s'arrangeait avec personne. Une part de lui-même était complètement abasourdie tandis que l'autre se réjouissait. Ce conflit intérieur dut se lire sur son visage puisqu'Anastasya ne tarda pas à s'excuser de nouveau. Parlant de sa franchise qui, aux yeux du lézard, était une qualité bien plus qu'un défaut. Bien évidemment ça ne devait pas plaire à tout le monde mais bon, personne ne pouvait plaire à tout un chacun.

- Non, enfin si, euh... Désolé, je...

Il se mit à bafouiller comme le dernier des idiots tandis que, dans sa tête, il essayait de formuler une réponse claire. D'ailleurs, dans sa caboche, tout cela était parfaitement limpide, bien loin de la bouillie de mots qui était actuellement en train de sortir de sa bouche. Il s'interrompit soudainement, se frotta la nuque et reprit, tentant de le faire plus calmement.

- C'est juste que je n'ai pas l'habitude qu'on me fasse ce genre de proposition. Mais je serais ravi qu'on puisse passer un peu plus de temps tous les deux.

Il se serait gifflé. Il baissa les yeux, rougissant légèrement. Tourné de cette manière il avait l'impression d'être un énorme pervers qui lui courrait après. Il n'osait plus croiser son regard et il se redressa, reprenant les cartes qu'il avait laissé sur la table. Il les battit de nouveau, sans discontinuer, évacuant sa frustration comme il pouvait. Il n'était clairement pas un as lorsqu'il fallait s'adresser à la gente féminine. D'ailleurs il songea qu'il s'en faisait certainement pour rien et que ses réactions de gamin allait peut-être la faire fuir. Cette idée lui déplaisait fortement mais il ne parvenait pas à trouver de solutions. Continuant de mélanger les cartes il tenta de se redonner contenance en reprenant la conversation tout en conservant le regard obstinément braqué sur la table de jeu.

- La franchise est une qualité que j'apprécie donc je ne risque pas de te dire que ça m'ennuie. Et hum... désolé. Enfin... Je veux dire... Désolé d'être aussi maladroit.

Il releva finalement la tête, les joues encore un peu roses. Il avait cessé de jouer frénétiquement avec les cartes. Il ne croisa cependant pas encore le regard de la jeune femme par peur de ce qu'il pourrait y lire. Moquerie. Haine. Dédin. Tant d'émotions qu'il avait déjà endurées auparavant et qui, habituellement, le laissait de marbre. Mais aujourd'hui c'était un peu différent. Pour une fois il avait l'impression qu'il avait trouvé quelqu'un qui pouvait le comprendre. Quelqu'un qu'il pourrait même peut-être un jour qualifier d'amie. Il n'avait ressenti ce genre de proximité pour personne depuis le départ de Yukio au Japon. Ce garçon avait été le seul avec qui il avait réussi à se lier. Il n'était pas un hermite mais s'il avait des collègues, des connaissances, il n'y avait qu'une seule personne avec qui il eut délibéremment partagé son secret et c'était Bastet avec qui il avait une relation des plus singulières. Les Wolfken savaient mais ce n'était pas lui qui leur en avait parlé, c'était Jirou qui l'avait fait lorsqu'il lui avait cherché un emploi. Il se rendit compte qu'il s'était perdu dans un silence méditatif et vaguement morose. Il croisa le regard bleu d'Anastasya avant de se mettre à rire avec légerté.

- Tu dois vraiment me prendre pour un type bizarre.

Il laissa la tension s'envoler, s'évacuer. Advienne que pourra de cette relation. De toute manière ce n'était qu'un premier contact n'est-ce pas ? La première impression se doit d'être bonne puisqu'elle n'arrive qu'une fois et il pensait que, globalement, il avait fait du bon travail. Si elle partait soudainement en courant il aurait un soucis mais, apriori, ça n'allait pas arriver dans l'immédiat.

Les deux jeunes gens étaient à la fois totalement opposés dans leurs vies respectives mais leur comportement, leur gène et leurs réactions étaient presque identiques. Ils se considéraient tous les deux comme maladroits, et dans un sens c'était totalement le cas. Ils étaient tous les deux dans une situation nouvelle a laquelle ni l'un ni l'autre ne s'était préparé, l'inattendu et le merveilleux à la fois. Anastasya le trouvait adorable, doux et attendrissant. Ce jeune homme était rassurant comme aucun humain hors FALH ne l'avait jamais été avec elle, et cette sensation nouvelle si singulière qu'elle ressentait était difficile à identifier. A ses premières réponses, la jeune femme baissa la tête, qu'avait-elle dit ? C'était la honte, quelle idiote, elle avait tout fait foirer; Elle avait l'impression d'être dans le fond du fond, une catastrophe ! Et puis elle fut rassurée qu'il en soit ravi mais, disait-il cela pour ne pas la vexer ou bien par simple honnêteté ? Elle ne savait que penser. Et puis, petit-à-petit, Anasatasya découvrait qu'ils étaient tous les deux dans le même état d'esprit, elle en avait le profond sentiment. Elle releva doucement et timidement la tête vers lui, il était irrésistiblement attendrissant. Non, il n'était pas bizarre, il était juste comme elle, il ne savait pas où se mettre, et lui aussi devait avoir envie de se cacher dans un trou de souris.

Anastasya avait prit un regard doux et sincère, qu'elle n'avait jamais vraiment pu avoir auparavant, et pourtant c'était naturel, un sentiment qui la faisait sentir comme un chamallow, ou comme dans du coton lui parcouru le corps, elle lui sourit avec spontanéité, chose pourtant rarissime chez elle, puis elle lui dit d'une voix douce et avec sensibilité :

- Non... tu n'es pas bizarre, tu es un être humain incroyablement gentil...

Elle ne savait même plus ce qu'elle disait, cela sortait, cela avait envie de sortir, c'était incotrolable pour elle alors qu'elle avait résisté à la torture et à la souffrance toujours en quête de liberté quel qu'en soit le prix et la douleur à payer et subir.

- Je veux dire... tu es un homme doux, généreux...

Finalement, les détraqués, c'était les autres, la majorité des êtres humains de cette île étaient cruels, ne venait que pour assouvir leur besoin de contrôler quelqu'un, cette soif de pouvoir total sur un être vivant humanoïde qui ne pouvait dire "non" sous peine de passer un très mauvais moment en tout légalité. Là ou l'asservissement était naturel et délibérément cultivé, approuvé de tous au grand jour et en toute impunité alors que sur le reste de la planète, ce genre de chose était considérée comme barbare, arrièrée et proscrite. Cela, elle l'avait apprit grace aux membres du FALH qui lui avait enseigné l'histoire de ce monde, l'histoire des hybrides et l'avidité des humains qui était sans fin, qui voulait toujours occuper plus de terrain tel des termites en puissance.

Alors qu'elle entrecroisait et se tordait les doigts pour libérer sa nervosité et sa maladresse le hibou reprit :

- Ce n'est pas toi qui est bizarre, ce sont les gens d'ici qui ne sont pas normaux... Et par raport aux habitants de cette île tu es simplement différent...

Elle plongea son regard indigo dans le regard vert lagon de l'humain qui était devant elle et lui dit avait une voix plus sûre d'elle, comme si elle avait repris le contrôle d'elle même :

- Tu sais, tu as des qualités très précieuses, garde les comme si c'était un trésor...

Anastasya se dit qu'elle allait peut-être trop loin et puis elle se rappela qu'il aimait l'honneteté alors, pourquoi se cacher de ce qu'elle pensait réellement de lui, elle n'avait plus rien a perdre à présent après tout. Elle était heureuse de ce premier contact riche en nouveauté, que ce soit pour l'apprentissage des cartes, de ce qu'était son nouvel environnement de travail, surtout pour une première expérience chez les humains dans une position de liberté totale, et surtout, elle avait découvert une autre part d'elle, de nouveaux sentiments qui restaient inconnus mais qu'elle ne craignait pas. Cet homme aux magnifiques cheveux verts était tout simplement une pépite, quelqu'un d'adorable et généreux qu'elle aurait beaucoup aimé rencontrer à l'extérieur du travail, mais cela, elle le gardait pour elle, c'était bien trop tôt et bien trop direct, elle ne voulait pas le faire fuir. Si elle lui disait en plus qu'elle ressentait quelque chose de nouveau, un sentiment un connu, il la prendrait pour une folle, ou pour quelqu'un qui sortirait de nulle part et il fuirait à toute allure. Au font d'elle, la jeune femme se disait qu'il était hors de question que cela se produise.

Son rire ne tarda pas à s'étrangler dans sa gorge lorsqu'elle se référa à lui comme à un être humain. Il baissa les yeux, incapable de soutenir le regard bleu nuit. Il avait envie de lui révéler la vérité mais il ne pouvait pas. Il ne devait pas faire confiance à la première personne venue, aussi bon puisse être leur premier contact. Il avait beau sentir qu'un lien était en train de se créer il ne pouvait lui accorder sa pleine et entière confiance. Il n'était pas prêt. Peut-être ne le serait-il jamais. Le tout étant que sa propre trahison le faisait souffrir. Il sentait son coeur se serrer et sa gorge se nouer. Il n'était qu'un idiot. Pour qui s'était-il pris ? Pour quelqu'un de normal ? Pour quelqu'un qui pouvait être proche de qui que ce soit ? Foutaises. Il était seul et il le resterait. Tel était le destin qui endurait depuis de nombreuses années. Cela ne le blessait généralement pas tant. Aujourd'hui était différent, aujourd'hui était un jour particulier. Pour une fois il aurait aimé ne pas avoir à mentir, à prétendre être ce qu'il n'était pas. Cette envie de tout envoyer valser avait rarement été aussi forte. Elle parla des qualités qu'elle lui prêtait et il ferma les yeux quelques secondes. Il appuya sa main droite sur la table de jeu, la gauche ramassant les cartes qu'il avait commencé à distribuer. Si elle avait parlé d'honnêteté il se serait certainement barré en courant. Il était enveloppé d'une hypocrisie qui l'étouffait soudainement.

- Ce n'est pas toi qui est bizarre, ce sont les gens d'ici qui ne sont pas normaux... Et par raport aux habitants de cette île tu es simplement différent...

Il n'était pourtant pas si différent. Il était seulement plus trouillard que ceux qui se battaient pour les droits des hybrides. Il ne possédait aucun courage ni n'avait trouvé de raison valable de se battre. Et, de toute façon, il ne comptait pas participer à cet étalage de violence. La violence contre la bêtise humaine ne résolverait rien. De plus, il était bien placé pour savoir qu'il ne fallait pas mettre tout le monde dans le même sac. Il y avait tous ces humains qui l'entourait, qu'il connaissait, qui avaient pris soin de lui et de sa couverture. Il rangea les cartes, tentant de retrouver un semblant de calme dans ces gestes qu'il effectuait chaque jour. Il releva les yeux suffisamment longtemps pour croiser le regard d'Anastasya. Il ne tarda pas à détourner les yeux. Elle semblait si sincère et si douce. Lui-même n'était qu'un usurpateur. Il se dégoûtait.

- Je doute mériter autant de compliments mais, merci.

Il redressa la tête, un sourire forcé et gêné plaqué sur les lèvres. Le moment avait perdu de sa superbe. Ce n'était pas de la faute de la jeune femme. Elle n'avait rien fait de particulier. C'était simplement à cause de ce qu'il était. Il avait été bien sot de songer qu'ils pourraient un jour être amis. Cela passait par la confiance et, après ce qui venait de se passer, elle ne risquait plus de lui accorder la sienne. Et lui-même ne savait pas s'il serait capable de confier son secret à qui que ce soit. De nouveau la peur régissait sa vie. Une terreur sans nom qui le dévorait, insatiable. Il jeta un oeil à la pendule. Il était midi.

- Hum, j'ai terminé, je vais te laisser. A bientôt.

Le regard fuyant il partit. Il n'aurait certainement pas dû. Le ton de sa voix n'avait pas été sec ou quoi que ce soit. Mais peu importait. Il partit. Il quittait son poste à l'heure pile, ça n'arrivait pas si souvent. Généralement il restait discuter avec ses collègues. Mais là il fuyait. Non pas Anastasya mais lui-même. Il fuyait ses mensonges, son dégoût de lui-même, cette situation qui l'avait poussé à mentir une fois de trop. Il rentra s'enfermer chez lui à double tour. Il lança de la musique. Seether. Rock à la fois agressif et mélancolique. Ce serait parfait. Parfait pour tenter d'oublier à quel point il avait été con.

L'atmosphère se tendit, c'était étrange, Anastasya ne comprenait pas, elle se demandait bien ce qu'elle avait pu dire ou faire pour déranger cet homme à ce point, pour lui infliger une telle gêne. Elle avait tellement envie de le retenir, de lui demander ce qui n'allait pas, mais elle ne s'accorda pas ce luxe, elle ne pouvait pas enfoncer le couteau dans la plaie, même si elle ignorait où cette fameuse plaie se trouvait et ce qui avait pu l'ouvrir. Accepterait-il de prendre ses pauses avec elle ? Lui en voudrait-il de ce qu'elle aurait bien pu lui dire ? Même s'il la remerciait de son compliment il avait l'air presque triste comme déçu de quelque chose, Anastasya eu un pincement au coeur, comment rattraper cela ? C'était une question de taille, ses joues se teintaient de rose, elle avait croisé son regard lagon puis était repartie dans un autre sens, elle esquivait de honte.

Le voila qui regardait sa montre pour partir précipitamment, c'était l'heure ? Déjà ? Et il partait comme un fugitif, il était troublé et Anastasya restait sur place, inquiète pour lui et pensive alors que cela ne faisait qu'un peu moins d'une heure qu'il bavardaient, une heure déjà, c'était passé si vite, cela avait été un moment délicieux empli de sensation nouvelles, inconnues, difficiles à assimiler et à comprendre. Toute cette joie était retombée, ce moment tendre et maladroit qu'elle découvrait, cet homme si différent des autres, si tendre, si doux, comme un petit cocon. Que devait faire la jeune femme la prochaine fois ? Elle avait si peur de lui adresser de nouveau la parole au risque de le vexer, de l'importuner. Peut-être allait-elle l'éviter dans les premiers temps. Cependant, encore fallait-il que les deux jeunes gens puissent se croiser de nouveau en ayant des horaires similaires.

Le hibou se caressa le bras, comme pour se rassurer toute seule, comme pour se dire que, dans le fond, ce moment avait été d'une légereté et d'une simplicité des plus agréables, elle avait savouré même si ce moment avait prit fin de façon soudaine, sans brutalité pourtant, seulement comme si un courant d'air l'avait emporté. La jeune femme sortit d'un pas doux du casino. Elle se rappellerait longtemps de cet instant si court et si long à la fois, comme une fraction de seconde qui dure une éternité. Elle rentrait chez elle sous ce beau ciel bleu de printemps et cette température douce et ce petit vent qui caressait son visage. Anastasya aurait pu contempler les yeux verts et écouter le son de la voix du jeune homme pendant des heure sans s'en lasser,