Songes au clair de lune [Pv]

Sa réponse laissait entendre que l'intrusion de la rabatteuse ne gênait en rien l'inconnu. Bien c'était déjà ça. D'ailleurs l'étranger ne semblait pas se tendre en sa présence et la jeune femme semblait plus percevoir de l'intérêt que de la méfiance de sa part même si de son côté elle se montrait prudente, déformation professionnelle oblige.

Éteignant sa lampe afin de ne pas gêner outre mesure l'homme face à elle, elle l'observait en silence, hésitant sur s'en retourner sur ses pas ou non. Après tout elle n'était pas venu là pour parler mais... Elle s'approcha et prit place sur une plate forme rocheuse, s'appuyant sur les reste d'un mur, conservant une distance toujours respectable avec l'inconnu qui prenait alors la parole, la faisant tourner son visage vers cette ombre se découpant dans la lune. Dans ce contre jour, elle distinguait que peu de choses de lui alors que lui devait la voir assez clairement. De plus les yeux de la jeune femme n'était pas habituée à cette lumière particulière, aussi détourna-t-elle les yeux.

"C'est indiscret en effet...."

Une première réponse qui semblait vouloir couper court à l'échange surtout que son ton n'était pas réellement avenant. Au fond Ena n'était pas du genre aimable et comme à son habitude elle ne faisait pas réellement exception à sa réputation de femme froide. Pourtant elle reprit après un moment de silence, son regard se posant sur la nature entouré d'un halo pâle face à elle.

"Mais bien que je doute que cela ne vous intéresse guère, ce sont les souvenirs qui m'empêchent de fermer l'oeil. Et vous ? Êtes vous venu ici pour rêver ou par manque de rêves ?"

Après tout il n'avait pas l'air d'être une personne en plein doute existentielle mais en avait-elle l'air elle ? Elle n'aurait su le dire. Elle avait parfois l'impression d'être un livre ouvert alors que ton visage était un mur de glace. Comme quoi entre ce qu'on pensait montrer et ce qui l'était, il existait parfois un fossé insurmontable. Elle s'appuya contre le mur et pencha la tête en arrière en soupirant.

"D'ailleurs il est rare de voir du monde ici. Vous venez souvent ?"

Questionner les autres pour ne pas avoir à se questionner sur soit.... En voilà une bonne technique de diversion.

Parler à un inconnu... Cette remarque lui arracha un sourire quelque peu ironique. Elle connaissait cela sauf que d'ordinaire, c'était elle qui écoutait et non l'inverse. Elle était psychologue à la base et avait étudié nombre de personne donc elle ne ressentait nullement le désir de s'ouvrir à une personne, plus encore si elle ignorait tout de cette dernière. Elle avait appris à se méfier de tout et de tout le monde, se forgeant une carapace et un esprit terre à terre. Elle continua de l'écouter et l'observa lever les yeux au ciel, en faisant de même après quelques instants.

"En effet l'ambiance de cet endroit est plaisant, j'en conviens."

La solitude qui régnait et cette sensation que planait une histoire riche derrière ses restes éveillaient la rêverie.Il n'y avait plus des souvenirs ici et elle avait l'impression d'être comme ces ruines : éteinte. Pourtant même au milieu d'un carnage on peut trouver la vie. Elle le savait. Il suffisait de savoir regarder mais elle ne voulait pas s'y attarder, elle avait d'autres projets, d'autres envies bien moins constructive pour elle. Elle sortit de ses réflexions et posa ses yeux sur l'hybride alors qu'il reprenait la parole.

"Je suis payée pour réfléchir après tout même si je ne suis pas là pour ça. Et la ville est assez loin de ce lieu en effet mais on dirait que ça n'empêche pas ceux qui le veulent de venir."

L'homme descendit alors de son perchoir et Ena se crispa, plissant des yeux, bougeant de façon à pouvoir se relever rapidement. Après tout elle ignorait si cet homme était ou non un hybride et ses yeux, malgré leur pupille humaine, restait dans des tons incongrus, la laissant méfiante. Elle l'observait, le détaillant de son mieux, enregistrant son physique pour pouvoir si nécessaire faire des recherches sur lui plus tard. Après tout peut être était-il dangereux... Mais elle remarqua qu'il restait encore à distance comme si lui aussi voulait préserver une certaine sécurité entre eux. Bien cela ne la dérangeait nullement bien au contraire.

"Si je comprends bien vous n'êtes pas du genre à avoir des horaires comme tout le monde. Car bon il est rare de voir quelqu'un venir ici juste pour pouvoir voir la lune. Après tout certains grattes-ciel de Togi le font aussi très bien. Vous vivez dans le coin ?"

Elle avait un ton tranquille, faisant la conversation sans grande curiosité, ses yeux se posant sur l'inconnu plutôt bel homme quand on y pensait, bien qu'en vérité cela ne la marquait pas réellement outre mesure. D'ailleurs son pouce vint jouer avec son alliance encore à son doigt, la faisant tourner dans un geste instinctif. Ça aussi un jour il lui faudrait l'abandonner mais actuellement elle s'y refusait. Elle était fidèle, encore et toujours. D'ailleurs.

" Vous êtes seul ici ?"

Elle détourna ses yeux, les posant sur les ombres autour d'elle, tendant l'oreille. Certes, elle n'avait vu que lui mais peut être n'étaient-ils pas que deux à regarder la lune ce soir... Elle n'y avait pas pensé et se le reprochait un peu car si cet homme était un hybride, il était fort probable qu'il soit avec d'autres de ses congénères surtout s'il était sauvage...

L'homme semblait parler de tout et de rien, se proposant pour écouter ce qu'elle avait sur le coeur tout en se doutant d'ors et déjà qu'elle n'en ferait rien. Son regard était posé sur lui comme pour lui signifiait qu'il avait vu juste et un léger sourire étira ses lèvres mues dans le silence. Ena n'était pas le genre à être expansive ou elle ne l'était plus. Elle se contenta donc de l'écouter poursuivre sur l'éclat de la lune, se détendant un peu, trouvant son partenaire du soir quelque peu poétique et philosophe.

"C'est possible, moi j'y viens pour le côté perdu, désertique et pourtant encore vivant. Je ne prends plus top le temps de lever le nez pour admirer la lune, je me contente donc souvent du paysage face à moi. De plus ce genre de paysage est plus souvent dans les romans d'aventure que dans d'autres non ?"

Elle observait les lieux, repensant à ses romans de capes et d'épées qu'elle lisait à Ewen et qui, désormais, trônaient sur les étagères, prenant la poussière. Elle, elle ne lisait plus rien en dehors de ses rapports et ses dossiers. D'ailleurs sa vie se résumait à son travail et ses relations gravitait aussi autour de cela. C'est peut être le fait de se perdre dans ce dernier qui la rendait aussi curieuse et qui la fit s'interroger sur l'inconnu face à elle. Savoir s'il vivait loin ou s'il était seul. Des questions montrant sa prudence vis à vis de lui. Il faut dire qu'elle était seule, non armée et en désavantage flagrant face à un hybride alors quoi de plus logique en un sens.

"A pied de la ville ? Et bien vous avez du courage dites moi.... Peu s'y risque en effet surtout en ce moment avec les agressions qui se font plus présente qu'à une époque. Et non vous ne vous trompez pas. J'aime réfléchir et penser et ce lieu s'y prête aisément."

Le seul fait de répondre à sa question réveillait en elle une souffrance étouffante, un poids qui semblait lui broyer le coeur et le ventre. Elle détestait en parler ou même effleurer le fait qu'ils n'étaient plus là, qu'il ne lui restait que les souvenirs. C'était insupportable et plus encore quand il y avait des gens pour le voir. Dans ses moments son regard se durcissait et ses traits se figeaient alors qu'elle ravalait sa souffrance, se sentant faible, vide. On lui avait arraché tout ce qu'elle aimait, tout ce pour quoi elle vivait et elle refusait de l'accepter, de l'admettre pleinement. Elle avait parlait du bout des lèvres, doucement et reprit d'une même voix, déviant son regard pour le perdre dans les ténèbres.

"Les souvenirs sont de bons échappatoires."

Elle reprit un inspiration, désireuse de chasser ce sentiment qui lui broyait l'âme pour reporter son regard sur l'étrange personnage.

"Pourquoi ne pas lire un roman si ces paysages vous plaisent tant ? Cela vous éviterait des heures de marches pour un simple paysage.... D'ailleurs pourquoi ne pas venir en voiture ? Vous n'avez pas le permis adéquats ? Car venir en voiture pourrait vous évitez de mauvaises rencontres en route en prime...."

Oui elle changeait de sujet, évitant de continuer sur sa personne. Peu de gens aime aborder la peine des autres et encore moins l'Irlandaise qui préférait de loin panser ses plaies seule dans son coin qu'en faire étalage à des inconnus. Sa souffrance était tout ce qu'il lui restait avec ses souvenirs, ça et une plaie béante dans le coeur. Chaque jour qui passait ne parvenait à l'atténuer et elle se contentait d'avancer en silence, espérant un jour punir ceux qui avaient osé les tuer. Elle voulait préserver les autres et peut être était-ce pour cela qu'elle invitait le jeune homme à se montrer plus prudent. Les tensions avec les hybrides se faisaient de plus en plus récurrentes et la Rousse craignait un autre débordement même si elle avait d'autres choses en tête.

"Au faite vous travaillez dans quel domaine ?"

La jeune femme l'écoutait, tranquille, chassant ses fantômes en essayant de reprendre son humeur en main. Après tout il n'avait pas à subir son chagrin ou sa peine sous prétexte qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment. D'ailleurs la Rousse n'était pas femme à s'épancher de chagrin sur l'épaule d'un inconnu. Aussi le questionna-t-elle sur son travail, recevant alors une réponse des plus .... évasives.

Elle avait le regard posé sur lui, intriguée et affichant clairement un intérêt courtois. Intérieurement la femme s'interrogeait sur le domaine où était le jeune homme. Après tout les intérimaires avaient bien des domaines particuliers non ? Mais avant qu'elle ne puisse approfondir, il la devança et elle se leva tranquillement, époussetant ses vêtements d'un geste nonchalant avant de relever les yeux sur lui, les posant dans les siens en répondant naturellement.

"J'enquête pour le centre des rabatteurs afin de trouver les hybrides coupables de crimes pour les arrêter et les mettre devant la justice. "

Après tout pourquoi aurait-elle caché son métier ? Rabatteur était un boulot comme un autre non ? Après ce n'était peut être pas le lieu le plus propice pour en parler mais la jeune femme ne sentait aucun tension ni aucune animosité venant de l'homme face à elle et elle ajouta en souriant doucement.

"Avant cela j'étais consultante pour la police dans mon pays de naissance."

Elle eut un sourire nostalgique avant de reprendre.

"Et quelle est votre corps de métier si ce n'est pas trop indiscret ? Peut être que je connais du monde qui accepterait de vous prendre qui sait."

L'Irlandaise le pensait vraiment. Même si elle était devenue assez sauvage depuis la disparition des siens, elle n'en restait pas moins assez courtoise pour connaitre ses collègues et aussi certaines personnes qui étaient passé au centre pour des affaires. Et puis cela ne la dérangeait pas d'en savoir un peu plus sur ce drôle de personnage qui venait à pied de la ville et qui semblait ignorer tout des agressions et des tensions actuelles. Il devait être un sacré rêveur bien loin des vagues de violence qui secouait la ville de Togi.

La jeune femme regardait l'inconnu et sembla percevoir un certain stress. Ses années de psychologie et d'études du genre humain la firent douter mais elle se sentait si rouillée qu'elle préféra mettre ce sentiment et cette observation de côté. Après tout il était tard, il faisait sombre et peut être se laissait-elle envahir par sa prudence. Elle soupira et eut un sourire à sa tirade, ignorant le trouble qui habitait l'homme qui lui faisait face.

La jeune femme repoussa une de ses mèches rousse derrière son oreille tout en l'écoutant poser sa question. Les sauvages.... Sur ce point elle était mitigée sur le plan personnel mais en revanche, côté professionnelle c'était autre chose....

"Oui il y a bel et bien des hybrides qui se promènent dans la nature. Je ne chasse pas à proprement parlé. J'enquête. Après même si ce n'est pas mon domaine, je me dois d'interpeller tout hybride ne présentant aucune trace d'adoption ou de propriétaire. Un hybride sauvage est potentiellement un révolté et pour éviter tout incident, il faut rester prudent. De plus je doute qu'ils vivent forcément bien à l'état sauvage.... Ils seraient bien mieux auprès d'une personne qui veillera sur eux que dehors dans le froid, surtout avec l’hiver qui arrive."

La jeune femme posa ses yeux sur le jeune homme, franche. Après tout elle savait que certains humains étaient des salauds mais la majorité respectaient et aimaient leurs hybrides. Ne pouvaient-ils pas tous vivre ensemble au lieu de vouloir s'entredéchirer ? D'autant plus que si les hybrides commençaient à réellement faire preuve de violence, la rousse ne doutait pas une seconde que les humains y répondraient de la pire manière qui soit. Il suffisait de se référer à l'histoire pour voir à quel point le genre humain est horrible.

Mais loin des affres de l'histoire, la jeune femme nota encore une fois à quel point son interlocuteur semblait bien ignorant des affaires de l'île. Après tout, les hybrides sauvages, c'était connu et reconnu. Il y avait toujours eu des engeances plus rebelles que d'autres. Était-il donc si naïf ou n'était-ce qu'une façade ? Elle se le demandait mais une nouvelle question la fit sortir de sa réflexion et un sourire nostalgique se peint sur ses lèvres.

"Je suis Irlandaise. Après être rabatteur ce n'est pas la même chose qu'être consultante, aujourd'hui j'ai bien plus de responsabilités qu'avant. Avant ma spécialité était la psychologie criminelle."

L'un et l'autre se renseigner, se montrant curieux. Néanmoins là où la jeune femme répondait de façon précise et claire, Kaegan, lui restait neutre et distant, évasif. Cela laissait à la Rousse un désagréable goût d'inachevé. Elle aurait bien aimé savoir les lieux qu'il avait fait ou les endroits où il avait travaillé. Cela lui aurait permis de réfléchir à de potentiel patron mais là c'était tellement flou...

"Et vous n'avez aucun diplôme pour faire autre chose ? Faire la plonge ou le service vous convient ? Nous n'envisagez rien de plus ? Pas de projet ?... Enfin si ce n'est pas indiscret..."

En effet elle se' montrait peut être un peu trop curieuse mais il faut dire que son interlocuteur ne l'aidait pas trop à se sentir réellement renseigner alors elle insistait encore un peu, relevant le visage vers la lune et reprenant pensive.

"Après tout, vivoter c'est bien quand on est jeune. Une fois posé avec sa famille c'est bien moins aisé je pense...."

C'est vrai qu'elle ne s'était pas faite la réflexion mais peut être que malgré ses airs, il était plus jeune qu'il ne lui semblait. Et s'il n'avait personne à charge s'était aussi logique qu'il bouge au gré de ses envies. D'ailleurs elle l'enviait un peu. Au final, Ena s'était toujours contenté de suivre son époux et de s'adapter au mieux à lui. Après elle ne regrettait pas ses choix passés car ces derniers lui avaient offert le plus précieux des cadeaux. Même si aujourd'hui il n'en restait que des souvenirs et une douleur lancinante. La lune scintilla et elle se frotta les yeux en soupirant profondément. Franchement quelle idiote de pleurer pour s peu. Il devait se faire vraiment tard pour qu'elle soit aussi sensible... Le manque de sommeil ne l'avantageait pas.

Ena ne se rendait pas compte de l'effet qu'elle produisait sur l'hybride face à elle, cette dernière n'étant pas ce soir dans un état d'esprit inquisiteur. Au fond qu'il soit hybride ou non, elle n'en aurait pas tenu rigueur au jeune homme car ce dernier n'avait eu aucun comportement dissident. Et puis quand bien même, elle l'aurait su, elle n'aurait pas vraiment pu agir. La Rousse n'était pas vraiment une femme de terrain. Certes elle savait se défendre mais de là à mettre à terre un hybride sauvage, elle en doutait. Elle connaissait les manœuvres de défense mais pas d'attaque ce qui était assez limité au final. Elle l'écouta en silence, réfléchissant à ses propos avant de dire.

"J'en doute car ces hybrides libres seraient le meilleur des camouflages pour les révoltés. Malheureusement il faut pouvoir identifier rapidement et efficacement les hybrides ayant un maître des autres. Au fond les révoltés viennent d'hybrides contre les humains et prêt à tuer pour faire assoir leur conviction quitte à s'en prendre aux leurs."

Elle posa ses yeux sur le jeune homme et ajouta:

"Pour moi le soucis ne vient pas des hybrides pacifistes qui craignent de tomber aux mains d'un maitre violent et qui préfère la rue à la maltraitance. Non, le vrai nœud est que leurs libertés risquent de les nuire sur le long termes si les révoltés durcissent leur méthode car si les hybrides tentent un nouvel assaut sur les humains, il faudra prendre des mesures bien plus radicales, j'en ais peur."


La conversation dévia ensuite sur ses origines et la Rousse eut un sourire devant la remarque du jeune homme et fit un signe de la main, amusé par ses propos, répliquant avec un léger sourire aux lèvres.

"Je ne peux nier mes origines et de toute manière je ne le ferais en aucun cas. Savoir d'où l'on vient et le chemin parcouru est important je pense. Et vous ne m'offensez en aucun cas, bien au contraire ! Quant à la psychologie, c'est utile dans certains cas. Essayer de comprendre l'autre est très passionnant. Les esprits divergent énormément et pourtant il y a souvent des traits sui reviennent. C'est très instructif sur la nature humaine. "


La conversation dévia ensuite sur le jeune homme qui se montrait moins à l'aise dans ce sujet que dans il était tourné sur elle. La jeune femme se demandait si c'était de la timidité ou si cela avait à voir avec autre chose. Ils continuèrent à parler famille puis le jeune homme lui fit alors part de l'heure avancé et la jeune femme regarda la montre à son poignet, dirigeant le cadran vers la lune afin de lire les aiguilles et se leva, reportant ses prunelles sur le damoiseau.

"En effet l'heure est bien avancée. Voulez vous que je vous raccompagne en ville avant de rejoindre mon lit ? J'habite pas loin et j'ai une voiture. Je peux vous conduire, il y en aura pas pour long et ça vous évitera de faire la route à une heure aussi avancée au risque de croiser les révoltés ou même des humains dangereux."

Elle eut un sourire envers ce jeune personnage bien étrange. Après tout le conduire à Togi lui paraissait la chose la plus correcte à faire. Elle n se voyait pas s'en aller sans au moins lui proposer cela. Même si les ruines n'étaient pas si loin de la ville, le chemin n'en restait pas pour autant sûr. Après sa maison était à 5/10 minutes de marches et elle n'aurait qu'à prendre son arme de service si elle craignait quelque chose du jeune homme, ce qui n'était actuellement pas le cas.

"D'ailleurs je ne sais même pas votre nom. Pur ma part je m'appelle Ena."

‘’Oui je vois…et les hybrides révoltés pourraient s’en prendre d’une façon ou d’une autre aux hybrides sauvages, les enrôlant de force ou non avec eux… mais…les hybrides adoptés ne sont peut-être pas également à l’abri non plus je pense… vous devez le savoir, il peut être facile de manipuler un esprit faible et d’en faire ce que l’on souhaite non ?’’

"Les hybrides adoptés ne sont pas forcément faible mentalement, loin de là. Nombreux sont les hybrides dociles qui le sont car ils aiment ce qu'ils font ou ont été conditionnés ainsi. Ceux qui sont heureux auprès des humains et sui restent aux côtés des gens qu'ils aiment ne signifient pas qu'ils soient plus idiots que ceux qui désirent la libertés. Ils n'ont juste pas les mêmes priorités. Après je ne dis pas qu'ils sont tous irréprochables, loin de là, mais il ne faut pas faire d'amalgames. C'est le premier pas vers l'intolérance."

Elle lui fit un sourire, la conversation se poursuivant. L'un comme l'autre, ils semblaient relativement d'accord malgré quelques accrochages bénins. Au fond les esprits divergeaient toujours un peu mais était-ce un mal ? Ena ne le pensait pas. Avoir de nouveaux avis, échanger, tout cela était important, utile. La Rabatteuse s'en rendait compte ici, dans ce coin perdu où elle avait pensé être seule. Elle avait trouvé autre chose que ce qu'elle était venue chercher mais au final elle ne regrettait rien. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas discuté ainsi. Au fond ces échanges se résumaient énormément au travail et en dehors de cela, elle se murait dans un silence et dans sa solitude. D'ailleurs cela l'avait fatiguée et elle invita cette rencontre fortuite à se rentrer, lui proposant de servir de taxi.

L'inconnu accepta et la jeune femme lui demanda alors son nom, se présentant et le regardant faire, clairement gêné. Elle restait neutre, simplement curieuse, gardant pour elle ses impressions. Elle le fit faire sa révérence en se présentant et eut un léger sourire, attendant qu'il la rejoigne pour reprendre le chemin de sa maison, rallumant sa lampe pour éclairer le chemin.

"Ravie de vous rencontrer. Et Ena suffit, pas la peine de faire autant de manière."

Elle calqua son pas sur celui du jeune homme, avançant tranquillement, laissant ses sens se balader, sentant le parfums humide des ruines, écoutant le chant des insectes alors que leurs pas faisaient bruisser les quelques feuilles sur le passage. La Rousse aimait ce calme ambiant et serein et elle se laissa glisser dans le silence avec plaisir, lançant quand même un regard au jeune homme pour voir si cela le gênait ou non.

Après une bonne vingtaine de minutes, il arrivèrent devant une propriété, perdue dans la campagne. Des champs occupaient les environs et l'orée de la forêt bordait la bâtisse plongée dans les ténèbres. Une petite clôture entourait la propriété mais rien d'insurmontable pour un humain. La jeune femme s'engagea dans l'allée sans portail, remontant cette dernière jusqu'à la porte. Elle glissa ses doigts dans sa poche et en sortit ses clés, se tournant vers le jeune homme :

"Vous voulez prendre un café avant de repartir où je vous reconduit tout de suite ?"

C'est vrai qu'elle n'avait pas pensé que le jeune homme désirerait peut être boire quelques chose de chaud ou se poser un peu avant de partir. D'ailleurs peut être avait-il une envie pressante ou autre à faire. La Rousse l'invitait donc à rentrer, au moins le temps qu'elle récupère son téléphone et ses papiers pour prendre le volant, servant quelques chose à boire pour le damoiseau s'il en avait accepté l'offre, se servant un déca pour sa part, le laissant sur la table encombré le temps de prendre ses papiers.

La maison était en fouillis, entre les papiers important et tout ses dossiers de travail, il y avait de quoi faire. Cependant rien n'était ouvert ou lisible, la rabatteuse fermant tout les classeurs contenant des documents peu important mais nécessaire. Le plus gros des documents reposait sur son ordinateur dans sa chambre. En tout cas, l'ordre n'était pas une des qualités de la Rousse et il était clair que sa maison était plus un lieu de passage proche de l'abandon qu'autre chose.

"Ca y est !"

Elle sortit de sa chambre et rejoignit le jeune homme, son sac dans une main et ses clefs dans l'autre.

"Avez vous besoin d'aller au toilettes ou autre ?"

Elle lui montra où se trouvait les commodités puis débarrassa la table et attendit qu'il soit fin prêt pour ressortir, se saisissant d'un de ses manteaux noir, l'enfilant par dessus son jogging puis referma la porte une fois tout le monde dehors avant d'aller ouvrir le garage où dormait une voiture familiale. Il y avait un vieux siège auto enfant qui prenait la poussière dans le fond du bâtiment ainsi que pas mal de cartons et quelques jouets d'enfants. Ena ne s'en occupa pas, montant rapidement pour démarrer le géant de métal qui gronda avant de ronronner doucement, s’extirpant du garage jusqu'à ce qu'Ena redescende pour fermer à clé la demeure de la voiture, invitant Keagan à monter d'un geste de la main et d'un sourire. Bon il ne leur restait plus qu'à prendre la route de la ville.

"Vous voulez quel entrée de la ville ?"

[La fin pour moi ^^]

La jeune femme invita Kaegan a monté, ce qu'il fit, s'installant à l'avant. Ena lui lança un regard le temps qu'il s'attache puis elle élança la carcasse de métal sur la route tranquillement. Le trajet se déroula dans le silence, la radio dispensant une musique tranquille dans l'habitacle berçant ses occupants en compagnie du ronronnement du moteur. Si parfois le silence peut être ressenti comme une gêne ou un handicap dans une relation précoce, ici, il n'en était rien. Ena se sentait détendue, à l'aise. Le jeune homme semblait lui aussi perdu dans ses pensées et ni l'un ni l'autre ne cherchaient à en savoir plus ou à combler ce silence.

Après un bon petit quart d'heure de route, ils arrivèrent à destination, les lumières de la ville lointaine, venant les illuminer jusqu'à ce qu'elle atteigne le parking d'un super marché peu après le panneau de la ville. Elle se gara et coupa le moteur, ne voulant pas le faire tourner pour rien avant de poser son regard sur Kaegan. Ce dernier sortit alors sans un regard et sans un mot, étonnant un peu la jeune femme. Après tout il avait été toujours poli et courtois donc elle se serait au moins attendu à un "au revoir"... Mais bien vite elle remarqua qu'il faisait le tour de la voiture pour rejoindre sa vitre pour se mettre à sa hauteur. La jeune femme baissa donc sa fenêtre, ôtant sa ceinture et levant les yeux sur lui, attendant qu'il parle.

Mais ce fut une révérence qu'il effectua et la jeune femme poussa un soupir qui fut vite écourté quand il prit la parole alors qu'un élément encore inconnu faisait à son tour apparition. Désormais elle comprenait à qui elle avait affaire et son visage se ferma un peu, affichant une moue mitigé entre l'amusement et l'agacement. Pourtant elle ne bougea pas face à ce gros chat moqueur et lui lança simplement une réponse sur ton doux malgré le poids des mots qu'elle contenait.

"Si je vous revois, je crains que vous n'ayez pas autant de plaisir que maintenant."

Ses yeux se plissèrent alors qu'il tournait talon et disparaissait à l'angle d'une rue sans que la jeune femme ait tenté quoi que ce soit. Elle restait là, immobile, les yeux posés à l'endroit même où sa stature s'était faufilé comme une ombre et elle poussa un soupir.

"Sale gosse."

Alors un léger sourire étira ses lèvres et elle redémarra le moteur, reprenant la route, son esprit vagabondant à son tour. Si elle se demandait les raisons qui l'avait poussé à se montrer, elle optait bien plus pour de la bravade que de la stupidité. Kaegan savait son points de vu sur la condition des hybrides mais ce qu'il oubliait c'était que son job la poussait à arrêter les sauvageons dans son genre. Néanmoins il ne semblait pas dangereux ni vraiment en danger... Et pourtant elle avait bien envie de le retrouver, de le coincer, juste pour le plaisir de voir sa frimousse chassé ce petit sourire espiègle et ce regard taquin. Alors oui, peut être que pour le coup, elle allait prendre le temps de se renseigner sur lui, à sa manière et qui sait, peut être auront-ils l'occasion de se revoir... Qui sait.