Laissez votre message après le bip [PV Disturbia]

Les heures défilèrent lentement pour le meneur de la Révolution. Il ne s'était pas attendu à voir arriver la jeune femme à midi mais il n'aurait pas pensé attendre jusqu'à plus de seize heures. Quelque chose lui serait-il arrivé entre temps ? Il fit taire cette inquiétude. Il s'autoriserait à cette angoisse si elle ne se montrait pas après l'heure convenue. Pour le moment, elle était encore dans les clous. Elle prenait son temps mais elle avait probablement d'autres choses à faire que de venir jusqu'aux ruines. Wilson doutait que l'unique mission de Disturbia fut celle de messager entre les deux factions. Il prit son mal en patience. Ne bougeant pas de sa position, faisant simplement jouer ses muscles et articulations de temps à autre quand il sentait ses membres s'engourdir.

Alors qu'il commençait sérieusement à se demander si elle allait venir il entendit des pas venir dans sa direction. Personne n'était venu dans la zone de tout l'après-midi, c'était certainement elle. Dans le doute, le ratel ne bougea pas, attendant confirmation de son hypothèse. Une jeune femme blonde arborant une robe blanche décontractée fut bientôt en vue. Si la couleur des cheveux et des yeux ne correspondaient pas à Disturbia la corpulence était la bonne et Wilson connaissait les capacités de l'hybride. Il ne prononça néanmoins pas un mot tandis qu'elle s'approchait et s'installait, en silence elle aussi, à ses côtés. Elle lui adressa alors un clin d'oeil. La prunelle était rose. Le Révolutionnaire eut un sourire en coin.

- Bonjours Disturbia, j'ai bien cru que tu ne viendrais pas tout compte fait.

Ce n'était pas un reproche, on pouvait presque sentir une pointe de soulagement sourdre de sa voix. Il savait bien qu'elle était capable de s'occuper d'elle-même. Elle le lui avait prouvé en trouvant par elle-même le FALH. Il appuya nonchalamment une épaule contre le mur à demi-effondré. Son sourire léger ne s'était pas encore envolé. Il était content de pouvoir voir Disturbia sans qu'elle soit en compagnie de celle qui était maintenant sa supérieure. D'autant plus qu'elle avait semblé d'humeur étrange lors de leur dernière rencontre.

- Tu n'as pas rencontré de problèmes pour venir jusqu'ici ? Lança-t-il. Normalement les messages devraient bientôt pouvoir circuler par un endroit en ville, je te tiendrais au courant.

Il avait prononcé ces derniers mots en avisant les chaussures blanches de la jeune femme, malheureusement maculées de terre. Il ne savait pas diable dans quelle flaque elle avait pu marcher alors qu'il faisait sec depuis plusieurs jours mais il fallait croire que la campagne ne lui réussissait tout simplement pas. Il espérait que cette nouvelle aurait le mérite de lui faire plaisir. Après, avec Disturbia, il n'était jamais sûr de rien.

Disturbia lui assura qu’elle n’avait pas eu de problèmes pour venir jusqu’ici cependant elle était clairement sur la défensive. Le ratel ne comprenait pas bien pourquoi. Lui-même était plutôt content de pouvoir discuter avec la jeune femme, avoir un peu de temps loin de toute obligation et de toute étiquette. Pourtant la caméléon se raccrochait à son tableau comme si sa vie en dépendait, tentant de a priori de mettre de la distance entre eux. Elle soupira avant d’écrire rapidement quelque chose, lui montrant ensuite les mots qu’elle venait d’inscrire sur son ardoise. Le ratel haussa un sourcil, visiblement surpris par cette réaction. Disturbia finit de lui faire comprendre qu’il n’était pas vraiment le bienvenu en se reculant de plusieurs pas. C’était de plus en plus perturbant. Quelle mouche pouvait bien l’avoir piquée ? Wilson n’était généralement pas si mauvais lorsqu’il s’agissait de cerner autrui mais, cette fois-ci, il pouvait être pendu s’il savait ce qu’il se passait dans la tête de la jeune femme. Il préféra ne pas relever, la laissant lui montrer une nouvelle question, cette dernière concernant l’état de cette partie de la ville.

- Non, les Révolutionnaires n’ont rien à voir là-dedans. Les humains sont bien assez doués pour se détruire sans avoir besoin de notre aide. Il laissa passer un léger silence. Ceci dit, je ne sais pas plus que toi ce qui s’est passé ici exactement. L’histoire a été enterrée.

Par qui et pourquoi, personne n’en savait rien. Son humeur s’était légèrement assombrie. Quoi qu’il puisse se passer il n’appréciait que très moyennement d’être la cible de telles accusations. Enfin, les accusations étaient dirigées vers son groupe et pas envers lui précisément mais il ne pouvait s’empêcher de le prendre personnellement. De nouveau la jeune femme effaça son tableau pour écrire quelque chose d’autre avant de tourner la surface blanche en direction du meneur de la Révolution. Il déchiffra rapidement les lettres.

- Je leur en ait parlé. Pas que ça ait déclenché une immense vague d’enthousiasme mais au moins j’ai conservé ma place.

Il hésita à parler de Shin. L’altercation avec la grenouille l’avait marqué plus qu’il ne voulait bien l’admettre. Enfin, peu importait. Maintenant qu’il avait rencontré Juna il doutait fort que la femme tentât de les prendre de court. Il chassa ces pensées, reportant toute son attention sur la blonde qui se tenait non loin. Ce fut à son tour de soupirer lorsqu’il constata que tout dans l’attitude de la jeune femme hurlait son envie de déguerpir au plus vite. Cette rencontre ne se passait pas du tout comme il l’avait espérée. Lui-même était parti le matin même de bonne humeur, pensant pouvoir passer un peu de temps avec une personne à laquelle il accordait sa confiance. Tout ça pour quoi ? Pour finalement se retrouver face à une personne maintenant une froide distance. Que s’était-il passé entre temps ? Il se tenta de chercher la réponse par lui-même mais, ne trouvant aucune explication logique à tout ça il finit par se lancer, décidé à briser la glace. La délicatesse ne faisait pas tout à fait partie de ses qualités et il n’aimait pas tourner autour du pot. Si elle avait un problème autant qu’ils en parlent une bonne fois pour toute.

- Bon, quel est le problème Disturbia ?

C’était peut-être un peu trop concis mais ça avait le mérite d’être clair comme question. Elle le traitait comme un parfait étranger et c’en était presque blessant. Bon, en soit ils ne se connaissaient pas tant que ça mais ils avaient déjà passé un peu de temps tous les deux et Wilson avait cru que chacun était parvenu à apprécier les qualités de l’autre lors de leur première rencontre. Il poursuivit sur sa lancée, bien décidé à ne pas laisser cette affaire non-résolue. Les non-dits bouffaient une relation et s’il devait perdre une amie, soit, mais qu’il comprenne au moins pourquoi et que les ressentiments ne viennent pas perturber leur nouvelle relation « professionnelle ».

- La dernière fois j’ai mis ça sur le compte de la présence de ta patronne, mais là nous sommes seuls et j’ai cru qu’on pourrait discuter un moment avant de me rendre compte que tout ce que tu voulais c’était partir aussi rapidement que possible.

Les yeux dorés rencontrèrent le regard faussement bleu de Disturbia. Il était calme mais ses yeux exprimaient clairement sa détermination. Il ne bougerait pas tant qu’il n’aurait pas eu ses explications. Advienne que pourra mais il voulait comprendre.

Le ratel croisa les bras, attendant que la demoiselle daigne s'expliquer. Cette dernière avait l'air hésitant, faisant vaciller la résolution. Il voulait obtenir des réponses mais il se sentait maintenant vaguement coupable de mettre la pression sur Disturbia. Cette dernière semblait agitée tandis qu'elle écrivait. Lorsqu'elle retourna le tableau dans sa direction, il ne put que fixer bêtement ce qu'elle y avait dessiné. Un coeur. Avec son prénom. Le sien. A lui. Que... Enfin... Comment... QUOI ?! Il se serait bien frotté les yeux pour être sûr qu'il y voyait clair mais il se rendait bien compte que ça aurait été tout à fait inadapté comme réaction. Cependant, il voyait mal ce qui pouvait l'être, adapté. Il ne ressentait pas ce genre de sentiment pour la jeune femme. Il l'appréciait, c'était certain, mais l'amour tout ça... Ce n'était pas une chose pour lui. Il ne savait pas trop quoi dire ni quoi faire. Disturbia tremblait et les larmes semblaient bien déterminée à se frayer un chemin jusqu'à ses yeux. Raaaah... Il détestait ça. Vraiment. Il préférait encore quand il devait gérer les mesquineries de Shin, là au moins il avait une vague idée du comportement qu'il devait adopter là c'était une autre paire de manches.

- Hm... Je... J'admets que je sais pas quoi te dire.

Roi des Nuls bonjour et bravo pour votre discours. Allez, on applaudit tous. Non mais quel con, y'avait pas idée d'être aussi stupide. Ceci dit c'était la plus pure et simple des vérités. Il ne savait pas quoi lui dire. Il ne pouvait pas répondre à ses sentiments parce qu'il ne ressentait pas la même chose pour elle. Il la voyait comme une petite chose perdue à protéger, pas comme une potentielle âme soeur. Il savait qu'il valait mieux qu'il se taise par rapport à la petite chose mais aussi qu'il valait mieux ne pas enfoncer le couteau dans la plaie. Vu la tête qu'elle faisait elle était très consciente que ce qu'elle ressentait pour lui n'était pas réciproque. De nouveaux mots furent écrits par la jeune femme et il les lut à nouveau. Non, il n'était pas fâché aussi secoua-t-il la tête en signe de négation. Il était aussi très vrai qu'il n'avait pas compris qu'elle accordait autant d'importance à sa personne alors qu'ils ne s'étaient rencontré qu'une fois en dehors de la fois où Juna avait été avec eux. Il l'avait aidée à se sortir d'un mauvais pas, pour lui ça n'allait pas beaucoup plus loin que ça. Elle retourna de nouveau le tableau dans sa direction pour écrire de nouveau, Wilson restant silencieux, toujours vaguement sous le choc de cette révélation. Il fronça les sourcils en lisant ce qu'elle disait à propos de son "type de femme". Pour le coup il n'était pas plus avané. De quoi est-ce qu'elle pouvait bien diable être en train de parler ? Ils n'avaient pas parlé de leurs amours respectifs. Ils avaient à peine parlé de leur vie privée en fait, donc d'où pouvait-elle sortir une telle conclusion. Alors qu'il réfléchissait les pièces du puzzle se mirent en place. Leur dernière rencontre. Son anxiété face à son état de santé. Sa soudaine raideur lorsqu'il avait qualifié Sofia "d'intéressante". C'était donc ça ! De la jalousie, depuis le départ, cette attitude incompréhensible était de la jalousie. Plus ça allait, plus le ratel avait l'impression que le monde marchait sur la tête.

Il ouvrit la bouche pour répondre, mais le temps qu'il mette ce qu'il savait bout à bout la jeune femme avait rédigé un nouveau message à son intention "Venissia" donc et pas Disturbia. Il comprenait qu'elle ait voulu se protéger en gardant cela secret mais, en même temps, il avait du mal à comprendre pourquoi elle lui disait cela maintenant. Les femmes étaient des êtres beaucoup trop complexes. C'était bien pour ça qu'il préférait ne pas tenter de s'engager dans quelle qu'histoire que ce soit. Coucher avec quelqu'un de temps à autre oui, mais il avait appris très tôt à déconnecter sexualité et sentiments alors ce n'était que ça. Ce n'était qu'un jeu, pas les prémices de quelque chose qu'il savait d'avance compliqué à gérer. Bref, là n'était pas la question. Elle abordait un sujet bien plus sérieux. Il savait que ce dont elle parlait était une éventualité. Il pouvait être trahi. Et même sans ça il pouvait être attrapé et torturé dès qu'il sortait de l'abri de la Grotte. Il ne pouvait simplement pas passer sa vie à craindre tout ça, pas s'il voulait pouvoir continuer à vivre et à agir. Il soupira. Il ne pouvait pas lui dire ça. Ou peut-être que si ? Il se frotta la nuque, incapable de penser à une issue qui puisse ménager l'hybride. Elle avait déjà l'air de souffrir suffisamment, tant et si bien que depuis qu'elle parlait de ces sujets qui la touchaient de si près, elle avait repris sa réelle apparence. De nouveau deux couleurs se disputaient ses cheveux ainsi que ses yeux, lui donnant un charme tout particulier. La dernière ardoise que lui révéla Dist... Venissia le fit sourire malgré lui. Elle ne pouvait pas lui balancer tout ça et espérer pouvoir partir en courant en invoquant la raison première de sa venue ici.

- S'il n'avait été question que de transmettre des messages je ne serais pas venu jusqu'ici, j'aurais envoyé un autre Révolté pour faire le travail.

Il savait que ce n'était pas forcément la meilleure chose à dire alors qu'elle venait de lui révéler son amour pour lui, ou ce qu'il en restait, mais maintenant c'était dit, il ne risquait pas de pouvoir récupérer les mots qu'il avait prononcé pour les ravaler. De nouveau il se frotta la nuque avant de laisser ses yeux quitter la jeune femme, comme si cela pouvait atténuer le poids des diverses révélations qu'elle venait de lui faire. Il tentait de rassembler ses pensées pour lui offrir des réponses parce qu'il était resté bien silencieux depuis le début.

- Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à tes sentiments. Après ça n'a rien à voir avec mon "genre de femme" ou quoi que ce soit. Celle avec qui je me suis battu a déjà quelqu'un dans sa vie si tu veux savoir.

Il osa un léger sourire, tentant de lui montrer qu'il tentait de faire un effort pour comprendre, pour la comprendre. Il n'était pas doué à ce jeu là mais il faisait son possible.

- L'amour ce n'est juste pas pour moi. Tu l'as dit toi-même, je pourrais mourir n'importe quand, pour trente-six raisons différentes et de cent-sept façons différentes. Ce n'est pas quelque chose que je peux imposer à qui que ce soit. Pas plus que ça me permet de me projeter avec qui que ce soit.

Quelque chose lui soufflait que c'était très loin d'être ce qu'elle voulait entendre mais il n'y pouvait rien. La situation était ce qu'elle était, un point c'était tout. Ce n'était pas la peine de mentir ou d'enjoliver la réalité. Il lui avait demandé d'être honnête avec lui, la moindre des choses était qu'il le soit avec elle en retour.

- Je suis désolée pour ta précédente Maîtresse, Venissia.

C'était sincère cependant, ce nom sonnait étrangement dans la bouche du ratel. Pour lui elle avait toujours été Disturbia et savait quelque part qu'elle conserverait probablement ce nom alors même que ce n'était pas le sien. Il ne savait d'ailleurs même pas comment elle préférait être appelée. Disturbia ? Peut-être. Après tout, c'était son identité maintenant. Venissia était certainement restée en Italie, là où la mafia avait fait tant de mal. En tous cas, ça expliquait la situation difficile dans laquelle il l'avait trouvée la première fois. Il cessa finalement de fuir son regard, se forçant à reporter son attention sur la jeune femme. Il était mal à l'aise et aurait voulu pouvoir lui servir quelques paroles réconfortantes mais il savait qu'elles ne seraient pas les bienvenues. Ou peut-être qu'elles se seraient mais il ne voulait pas risquer de lui donner de faux espoirs. Il avait été parfaitement clair quant à son statut mais ça pouvait ne pas empêcher Venissia d'y croire encore. Il ne savait décidément pas comment rattraper ce gâchi.

Il haussa un sourcil en lisant la réponse de la jeune femme. Présenter ses condoléances était une manière de prendre quelqu'un en pitié maintenant ? Première nouvelle. Il laissa échapper un soupir. Il ne comprendrait jamais rien aux femmes. Un jour c'était blanc et le lendemain c'était noir. Allez y comprendre quelque chose... Il ne répondit pas, préférant ne pas aggraver l'humeur de la jeune femme. Apparemment ce qu'il lui avait raconté ne l'avait pas calmée un seul instant. C'était bien la peine de se montrer honnête. La tournure que prenaient les événements attristait le ratel plus qu'il ne l'admettrait jamais. Il s'était attaché à ce petit bout de femme et voilà qu'elle décidait de l'envoyer valser hors de sa vie. Ce qu'il ne comprenait pas non plus c'était à quel moment elle avait pu... tomber amoureuse. Il avait presque du mal à formuler cette pensée tant cela lui semblait saugrenu. Elle trouverait bien mieux ailleurs. Quelqu'un de plus stable, qui n'avait pas honte de son passé et qui était certain d'avoir un futur. Une fois encore, il garda ses pensées pour lui. Elle n'aurait certainement pas apprécié ce genre de commentaire. Il ne comprenait rien aux femmes mais en avait cotôyer suffisamment pour savoir quand est-ce qu'il valait mieux opter pour le silence. Elle n'avait de toute évidence aucune envie de savoir ce que lui pouvait penser de cette situation. Ce n'était donc pas la peine d'insister. Peut-être qu'elle parviendrait à passer outre, un jour ou l'autre. Disturbia reprit les traits d'emprunts qu'elle avait adopté en arrivant, montrant clairement que la discussion était close. Elle écrivit de nouveau sur son tableau, rapidement. Ce qui y était noté était suscint. Bien, si elle le prenait comme ça.

- Oui, ça a l'air d'aller.

Wilson regarda le ciel, cherchant à évaluer le temps de clarté qu'il lui restait. Bien, même si la jeune femme s'était montrée tardivement il pourrait faire le chemin du retour presque entièrement du jour. Les mouvements d'humeurs de cette dernière n'auraient donc pas que des mauvais côtés. Il lui adressa un dernier sourire malgré tout. Lui-même n'avait rien contre elle, il ne voyait pas pourquoi il se serait montré particulièrement froid ou désagréable.

- Prend soin de toi en tous cas. A la prochaine.

Sur ces mots il entama le chemin du retour sans un regard en arrière. Si elle voulait le rayer de sa vie, grand bien lui fasse. Il enverrait quelqu'un d'autre à la prochaine rencontre. Il n'était absolument pas nécessaire que ce soit lui qui vienne ici à chaque fois. Il faisait parfaitement confiance aux autres Révoltés. Cela éviterait de l'inconfort à la caméléon et, à lui, ça lui gagnerait du temps.