Elle hocha la tête, compréhensive.
- D'un autre côté, si je te blessais ou si je la blessais, je me reprendrais tout dans la gueule, déclara-t-elle sur le ton de l’évidence. Parce que, ben désolée de te le dire mais tu es important pour moi.
J’avais bien compris et regrettais de ne pas pouvoir lui dire la même chose tout de suite. Bien sûr, au fond de moi, je tenais déjà à elle parce qu’elle était ma sœur. Mais je n’étais pas sûr d’être capable de le lui avouer maintenant. C’était déjà difficile pour moi de dire un simple « Je t’aime » à Sofia…
« Quoi t’as encore du mal ? s’étonna Meyer. Tu lui as pourtant déjà dit, et moi aussi. »
Oui mais… je ne parvenais pas à en prendre l’habitude. Je savais que ça faisait très plaisir à Sofia et je l’aimais réellement, de tout mon cœur. Mais il me fallait juste encore un peu de temps pour assimiler ces deux mots.
- Et si Sofia est blessée... toi aussi pas vrai ? poursuivit Aumérine.
Effectivement.
- Donc Sofia est importante aussi pour moi, conclut-elle. Et mon empathie est d'autant plus... importante – ça fait beaucoup d'important là – avec les personnes que j'aime. Histoire de pas redire encore « important ».
J’eus un sourire en coin.
- Oui, je sais. Chelou, dit comme ça, mais je te jure que dans ma tête ça semblait plus logique.
C’était clair aussi pour moi. Fouillant dans son sac, la jeune femme sortit de quoi payer son chocolat et laissa l’argent sur la table. Je fis de même. Heureusement qu’elle m’y faisait penser, j’allais partir sans payer.
« Oula… t’es fatigué toi. »
Aumérine ajouta qu’elle n’avait pas l’intention de forcer les choses mais qu’elle n’avait aucune idée de la façon dont on construisait une relation frère-sœur. Pour le coup, je n’en savais pas plus qu’elle.
- J'ai cherché à la bibli, ils ont pas « Comment créer une relation avec votre frère qui savait même pas que vous existiez il y a cinq minutes », et les seuls bouquins où le sujet est vaguement évoqué, c'est les polars, ça donne pas envie…
Je ne pouvais pas lui reprocher de ne pas avoir d’humour. Je l’aimais bien.
- Du coup on essaie comme ça, et si ça va pas ben... t'as le Joker ? L'oublie pas celui là.
- Ça m’va, confirmai-je.
Dehors, la pluie tombait toujours mais pas assez pour empêcher quiconque de sortir. Sofia devait avoir terminé son service chez Yoshikazu. Il était temps de la rejoindre. Aumérine et moi nous levâmes en même temps. Une employée vint aussitôt débarrasser la table et récupérer l’argent. Elle nous souhaita un bon après-midi et retourna vaquer à ses occupations. Je suivis ma jeune sœur jusqu’à la sortie. La devanture du café était abritée. Je me tournai vers elle, soudain embarrassé. Je ne savais même pas comment lui dire au revoir… Comme si mon corps agissait tout seul, je la pris dans mes bras.
« OK, t’es vraiment fatigué. »
Elle répondit par une légère étreinte, nous échangeâmes un sourire et chacun partit de son côté.
[FIN]
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