Test moral de Akio Tsuneie

Rien ne s’était passé comme il avait fallu et depuis les événements de la fête du Tanabata. Bien aveugle aurait-il été de ne pas comprendre, de ne pas deviner que la solution qui avait été distribuée était une version de son propre narcotique, peut être même la version originale de la substance. Tout ceci était sa pleine et unique faute, quand bien même nourrissait-il des soupçons, voir des certitudes, concernant l’identité de l’homme masqué ou bien du responsable de ce gâchis. Akio tira ses lunettes et se libéra les yeux de leur poids, se massant les paupières une fois celles-ci fermées, usé qu’il était, brisé aussi. Oh, il aurait pu se sentir trahit, mais aucun autre mieux que lui ne connaissait Kinari et il savait en son fort intérieur que le vœu de son cher ami, non, de son frère de cœur, n’avait pas été cette déroute totale. C’était lui-même et lui seul qui avait trahi. L’idée même qui avait germée dans son esprit à l’origine de tout cela était une erreur, d’une insondable stupidité.

Pousser les habitants de l’île à s’éveiller à leurs errances et aux inégalités inter-espèces en développant un poison qui altérait leurs sens… C’était à se demander comment il avait pu penser une seule seconde à la légitimité d’un tel acte. Papiers se trouvaient étalés ça et là sur son bureau, flacons et ampoules complétaient le dérangement du vaste pupitre, de coutume si bien ordonné, mais qui avait été victimes ces jours, ces semaines, des émois de son propriétaire outré. Assis, son esprit fusait en tout sens, tout chemins, afin de comprendre comment les choses avaient pu en arriver là. Lui que l’on avait hissé au rang de génie avait volé le composant chimique dont il n’était pas même le créateur. La molécule analysée avait révélée une myriades de possibilités et il en avait produit le pire, mu des plus nobles idées. Ainsi et souvent la science se trouvaient pervertie dans leur résultat, tandis que l’origine des recherches brillaient d’augustes intentions.

Pourtant et à la fin, on ne retenait de l’horreur que cette dernière, tant pis pour les beaux sentiments et les beaux discours. Il repensa à celui qui avait été prononcé ce soir là, annonçant qu’hommes et hybrides s’uniraient enfin grâce à ce que chacun avait ingéré sans le vouloir. C’était une honte autant qu’une ironie et il en venait à s’interroger du comment il avait pu penser pouvoir changer le libre-arbitre et les mœurs par le biais d’une drogue immonde… Que le résultat n’était pas prêt selon lui à l’usage ne changeait rien aux faits. Mais il ne parvenait pas à penser différemment que cela… Son arrivé sur Togi l’avait heurté à toute l’abjection des traitements opérés sur ces merveilles qu’étaient les hybrides. Son cœur et son âme s’étaient pris de pitié pour ces pauvres êtres magnifiques réduits à l’état d’objets, mais il n’avait su que faire jusqu’à l’espoir qu’avait pu représenter la trouvaille de cette toxine.

Il n’avait pas pu penser autrement qu’en imaginant l’usage de la mixture pour parvenir à son idéal de tolérance et d’ouverture… Et c’était sa faute si Kinari, plus volontaire qu’il ne serait jamais lui-même, avait agis comme il l’avait fait. Si il avait été plus passionné, plus confiant en lui, alors peut être aurait-il pu penser par une autre voie que celle de la science, peut être se serait-il engagé plus sincèrement parmi les partisans de l’abrogation de ces lois stupides et esclavagistes concernant les miracles qu’étaient les hybrides. Peut être était-ce ce qu’il devait faire dorénavant. Les interactions sociales n’étaient pas son fort, alors il trouverait quelqu’un partageant ses idées parmi ceux que la société considérait comme des extrémistes dangereux alors qu’il avait commis bien pire qu’ils ne l’avaient jamais fait. Il devait bien exister quelque part une voix dont l’intelligence saurait mettre à profit ses propres capacités, d’avancer vers cet absolu.

C’était par là qu’il aurait du débuter et non en poursuivant par orgueil un combat où les armes qu’il avait choisi était une honte sans nom. Et si par miracle et par ses actes futurs il parvenait à changer les mœurs détestable de cette île vis à vis du trésor qu’elle abritait, non plus uniquement en achetant et traitant en égaux les créatures qu’il pouvait avec ses propres fonds, alors il se rendrait aux autorités pour son crime. Rechaussant ses verres, il fixa par delà l’encadrement de la fenêtre les étoiles d’une nuit bien avancée. Son premier pas irait dans la direction du front anonyme, quand bien même celui ci portait-il bien son nom, car Akio ne savait proprement pas qui en était et où les trouver. Cela lui prendrait le temps qu’il faudrait, mais il avait une petite idée de la façon de procéder afin de les rencontrer et il s’y employait déjà depuis quelque temps, afin d’attirer leur attention. Aussi se leva-t-il et quitta-t-il sa blouse avant d’enfiler son trench-coat de cuir passé.

Il irait à la rencontre des hybrides, comme à chaque soir et se montrerait comme à son habitude et sans feindre cet homme avenant et concerné par leur situation. Et pour une fois, il ne tenterait pas de jouer à Dieu, à penser pouvoir imposer un bouleversement en manipulant les esprits. Tout ce qui s’était produit avait été sa faute… Et il allait trouver le moyen de tout réparer et d’en payer le prix.